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Réforme à mi-parcours de la Pac

Règlement omnibus : « une réforme à mi-parcours de la Pac par la force des choses », selon l’eurodéputé Michel Dantin

Les négociations qui vont s’ouvrir sur le règlement financier « omnibus » ont certes pour but de simplifier la Pac, mais également de l’améliorer « dans le cadre de ce qui est devenu par la force des choses une réforme à mi-parcours », affirme l’eurodéputé Michel Dantin, l’un des auteurs des nombreux amendements à ce projet que la commission de l’agriculture du Parlement européen compte défendre lors des pourparlers avec le Conseil de l’UE et la Commission de Bruxelles. Et ce d’autant plus, avance-t-il, que « l’impact budgétaire du Brexit risque de retarder la préparation de la prochaine Pac ».

Par Publié par Cédric Michelin
Règlement omnibus : « une réforme à mi-parcours de la Pac par la force des choses », selon l’eurodéputé Michel Dantin

Les commissions du budget et du contrôle budgétaire du Parlement européen ont adopté le 30 mai, par 29 voix contre une et 13 abstentions, leur rapport et leur demande de mandat pour les négociations avec le Conseil des Vingt-huit et la Commission de Bruxelles (trilogues) sur le règlement dit omnibus présenté en septembre 2016 par l’exécutif dans le cadre de la révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel 2014-2020 de l’Union. Elles y ont inclus la longue série d’amendements au projet de la Commission votée par les eurodéputés « agricoles ». L’un des auteurs de ces amendements, Michel Dantin (France, groupe du Parti populaire européen), qualifie d’ailleurs, dans un entretien à Agra, de « réforme à mi-parcours » de la Pac l’exercice auquel doivent, selon lui, se livrer les institutions de l’UE.

Les deux commissions parlementaires seront autorisées à entamer les pourparlers inter-institutionnels si aucune demande de vote sur leurs propositions n’est demandée au début de la prochaine session plénière de l’Assemblée qui se tiendra du 12 au 15 juin à Strasbourg.

Les rapporteurs parlementaires sur le volet agricole de « l’omnibus », Albert Dess (Allemagne, groupe PPE) et Paolo De Castro (Italie, groupe socialiste), n’iront toutefois pas défendre leurs amendements devant les ministres de l’agriculture des Vingt-huit le 12 juin à Luxembourg, comme ils en avaient fait la demande (1). Le Conseil de l’UE estime en effet qu’il ne pourra pas utilement en débattre avec eux, sa position officielle sur l’ensemble du projet de règlement ne devant pas encore être formellement adoptée à cette date.

- Quels sont, selon vous, les amendements les plus importants apportés par la commission de l’agriculture du Parlement européen au projet omnibus ?

Michel Dantin : La commission agriculture a souhaité apporter des réponses concrètes aux difficultés qui ont touché les agriculteurs depuis 2013 et à la nécessité de permettre au monde agricole de faire face aux risques climatiques, sanitaires et économiques qui affectent leur production. En cela, je me suis particulièrement battu pour améliorer les outils de gestion des risques et de crises ainsi que pour renforcer la position des agriculteurs au sein de la chaîne d’approvisionnement.

Sur ce dernier point, nous proposons de clarifier les liens entre organisations agricoles, négociations collectives et application du droit de la concurrence. Les organisations de producteurs (OP) sont replacées au centre des dérogations à l’application du droit de la concurrence aux marchés agricoles prévues par l’article 42 du TFUE (Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne). Les agriculteurs qui souhaitent s’organiser et créer des structures à vocation économique en mettant en commun des moyens de production, pourront en effet bénéficier d’une reconnaissance automatique et d’une exemption clarifiée en matière du droit de la concurrence. En outre, pour favoriser la structuration progressive des filières, le paquet lait de 2012 est prolongé et étendu aux autres secteurs agricoles, via la création de nouvelles structures légères, nommées « organisations de négociations ». Nous proposons également d’améliorer les rapports au sein de la chaîne d’approvisionnement en donnant aux agriculteurs, via leurs organisations, la possibilité de négocier avec les industriels et les distributeurs des clauses de partages d’évolution de la valeur ajoutée. Enfin, nous appelons solennellement la Commission européenne à proposer d’ici mi-2018 un cadre législatif pour lutter contre les pratiques commerciales déloyales.

Je tiens à préciser que ces propositions se fondent intégralement sur le rapport de la Task Force sur les marchés agricoles et des travaux récents du Parlement européen.


- Ne craignez-vous pas que la difficulté de négocier tous les amendements de la Comagri dans le cadre des trilogues retarde indûment la mise en œuvre des simplifications de la Pac envisagées dans le projet omnibus ?

Michel Dantin : « Lorsqu’il y a une volonté, il y a un chemin ». La négociation dans le cadre des trilogues dépendra de la volonté de chacun de répondre à une attente profonde des agriculteurs. Le Parlement européen l’a !

Chaque institution a néanmoins sa position et ses priorités, c’était déjà le cas durant la négociation de la dernière Pac. La Commission européenne souhaite s’en tenir à son mandat mais me paraît plutôt ouverte à mes propositions. Je crois que le commissaire Phil Hogan a conscience de l’opportunité politique que constituent certaines des propositions du Parlement européen et ce d’autant plus que l’impact budgétaire du Brexit risque de retarder la préparation de la prochaine Pac.

- Et le Conseil… ?

Michel Dantin : Le Conseil et les États membres adoptent aujourd’hui une attitude plus réservée sur certaines propositions du Parlement européen, notamment vis-à-vis des modifications du régime des aides directes et du verdissement. Je peux le comprendre car ces mesures auraient un impact important sur la mise en œuvre de la Pac. Néanmoins, je crois que sur d’autres propositions, des points d’accord sont possibles. C’est pourquoi, je ne crois pas à un retard des négociations, nous allons travailler avec l’équipe de négociations d’arrache-pied pour rapprocher les positions.

Dans un contexte de montée de l’euroscepticisme au sein du monde agricole, nous avons conscience au Parlement européen de la responsabilité qui nous incombe de simplifier mais également d’améliorer la Pac dans le cadre de ce qui est devenu par la force des choses une réforme à mi-parcours.