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David Bichet

Réinventer l’installation !

Lors de la prochaine assemblée générale des Jeunes agriculteurs de Saône-et-Loire, le 22 mars prochain à Auxy, David Bichet mettra un terme à ses trois années de présidence. Un départ qu’il avait clairement planifié dès l’an dernier, au moment de rempiler pour une saison supplémentaire. Âgé de 33 ans, l'éleveur de Génelard aura, le temps d’un mandat et demi seulement, contribué à renforcer le syndicalisme jeune.
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Une des actions marquantes de votre mandat aura été la réflexion sur la filière viande bovine et le débat avec les différents opérateurs du département. Que retenez-vous de cet ambitieux travail ?
David Bichet : notre action est partie du constat que l’élevage allaitant n’était jamais bien doté en termes de revenus. Le travail de JA 71 a permis de remettre sur le devant de la scène des préoccupations légitimes. Les échanges ont été parfois vifs, mais toujours constructifs, et nous avons réussi à ce que les opérateurs économiques acceptent que l’on parle enfin un peu plus de coûts de production. Cette notion est essentielle pour la pérennité d’une exploitation. Aujourd’hui, les banques sont de plus en plus frileuses pour accompagner des jeunes qui désirent s’installer en élevage et cela peut se comprendre au vu des capitaux nécessaires. Tout ce qui peut conforter la viabilité économique d’une exploitation sera le bienvenu et la contractualisation pourrait être une solution pour rassurer les banquiers. Elle doit nous garantir une sorte de socle minimum, quelque chose qui sécurise une partie du revenu. Un éleveur peut, par exemple, choisir de contractualiser tout ou partie de sa production de femelles grasses. Aujourd’hui, l’idée de la contractualisation a beaucoup progressé. Désormais, il faudrait que ça puisse aller jusqu’au distributeur.

Le travail des jeunes agriculteurs a contribué à de réelles avancées. Avez-vous cependant des regrets ?
D. B. : on aurait pu aller plus loin… C’est difficile de faire changer les mentalités tant du côté des opérateurs que des agriculteurs eux-mêmes ! Nous l’avons vu dans le cadre du partenariat que nous avions créé avec la grande distribution locale. Dès que les cours sont redevenus un peu meilleurs - soit dit en passant au niveau de ceux d'il y a 25 ans ! -, un certain nombre d’éleveurs se sont un peu détournés de cette filière courte. C’est bien compréhensible qu’un éleveur essaye de tirer le meilleur parti de la vente de ses produits. Mais il faut aussi penser sur le long terme avec la notion de pérennité des marchés. Les deux ne sont pas antagonistes à mon sens. L’agriculteur doit être un chef d’entreprise stratège et autonome qui doit pouvoir optimiser ses ventes. Mais cela ne veut pas dire picorer à droite et à gauche, sans analyser les conséquences sur le long terme !

La prochaine assemblée générale de JA 71 aura pour thème le financement de l’installation. C’est un sujet qui vous préoccupe ?
D. B. : cela devient de plus en plus dur de s’installer aujourd’hui. On a l’impression de voir se reproduire éternellement un schéma qui ne fonctionne pas bien : on s’installe et on rembourse pendant au moins vingt ans sans véritablement dégager de revenu. Et en fin de carrière, on se retrouve avec un capital énorme qu’un successeur devra à son tour rembourser pendant encore plus longtemps. Lui aussi se retrouvera à l’âge de la retraite avec un capital encore plus gros et encore plus difficile à reprendre ! C’est un véritable cercle vicieux que nous devons rompre à tout prix. Ce sera le thème de réflexion de notre AG.

Quelles pourraient être les solutions pour faciliter l’installation des jeunes ?

D. B. : il faut trouver des formules nouvelles. Un jeune ne pourrait-il pas, par exemple, n’avoir à financer qu’une partie de son installation et que le reste soit financé d’une autre manière. De sorte que ce jeune, en ayant moins à rembourser, puisse vivre correctement dès le départ. Qu’il gagne sa vie durant toute sa carrière de manière honorable. Et qu’à la fin, il se retrouve avec un capital de sortie certes honorable, mais aussi "reprenable".

Comment se financerait la partie de capital que le jeune n’aurait pas à financer ?
D. B. : nous allons en débattre au cours de notre AG. La question d’un investisseur extérieur à l’exploitation se pose, mais est assez délicate. C’est une question presque éthique : il ne s’agirait pas de laisser le potentiel de production à d’autres… L’outil de production, il faudrait que ce soit l’agriculteur qui le possède et en vive. Il ne s’agit pas non plus de faire place à de l’intégration non choisie et que nous nous transformions en main-d’œuvre bon marché ! Il y a sans doute des dispositifs à imaginer.

Vous pratiquez la vente directe de viande bovine sur votre exploitation. Est-ce que ce genre de diversification n’est pas une alternative à l’agrandissement systématique des exploitations ?
D. B. : je suis convaincu que le fait d’aller plus loin dans la valorisation du produit est une solution pour ne pas avoir à augmenter systématiquement la surface comme cela se pratique couramment. Ce n'est pas une accusation, simplement un constat... Il ne faut pas avoir peur de se diversifier : ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier ! La diversification est aussi un bon moyen de se rendre moins dépendant des aides dont on n’est jamais certain de la pérennité.
Durant ces années passées aux JA, je constate que nous traversons sans cesse tout un tas de difficultés, de crises avec le sentiment que finalement on est toujours là… Mais il ne faudrait pas qu’à penser cela on finisse par ne plus se remettre en question, ni à chercher à changer le cours des choses !


Prendre du recul


Là où d’autres auraient pu céder aux sirènes d’une carrière toute tracée, David Bichet décide « de lever le pied » sur ses engagements professionnels. Mais pour une tête bien faite comme l’est la sienne, il est des valeurs qui n’autorisent pas tous les sacrifices ! Eleveur allaitant avant tout - en Gaec avec son père -, producteur de viande en vente directe et surtout, aspirant à une vie familiale épanouie, David Bichet ne veut plus avoir à quitter sa ferme trois ou quatre jours par semaine. « J’ai envie de rentrer un peu chez moi. De faire les choses de manière plus posée, sans courir toujours pour tout », confie-t-il. « L'engagement aux JA a été une expérience unique, enrichissante et très formatrice, mais c'est aussi l'esprit JA que de passer la main et de faire un peu autre chose. Je n'ai pas vocation à être éternellement responsable, les idées évoluent et progressent avec l'arrivée de nouvelles têtes ».
Récemment élu à la chambre d’agriculture, David ne rompra pas pour autant son engagement pour la cause collective. Son engagement sera largement mise à profit dans l’organisme consulaire. Confiant « avoir horreur de la monotonie », le futur ancien président des JA 71 ne risque pas de se laisser enfermer dans la routine sur sa ferme de Génelard. Bien au contraire ! Anticiper l’avenir de son exploitation ; consacrer davantage de temps à ses proches ; cultiver à nouveau ses passions extra agricoles… David Bichet pourrait bien donner la dimension qu’elle mérite à sa curiosité et à son ouverture d’esprit, mais en s’éloignant un peu de la lumière des projecteurs !