Remettre du bon sens dans notre assiette
Anthony Berthou, ancien triathlète junior, est aujourd’hui un nutritionniste. Passionné de longue date par la nutrition, il est également l’auteur de l’ouvrage Du bon sens dans notre assiette, publié aux éditions Actes Sud en 2023. Un livre qui retrace les habitudes alimentaires depuis nos ancêtres chasseurs-cueilleurs jusqu’aux nouveaux usages de nos sociétés contemporaines.

« Il existe une réelle cacophonie, aujourd’hui, dans le monde de la nutrition », amorce Anthony Berthou. « Les gens sont perdus quant à ce qu’il conviendrait de mettre dans leur assiette, ils entendent tout et son contraire ». Les maladies et inflammations d’aujourd’hui ne sont plus les mêmes qu’hier : des constats qui l’amènent à l’écriture de cet ouvrage, de son nom complet Du bon sens dans notre assiette, ce que nous avons oublié de nos ancêtres chasseurs-cueilleurs, un travail de longue haleine pour clarifier les écritures scientifiques et repenser l’approche nutritionnelle à destination du grand public.

« Nous sommes ce que nous décidons de manger »
Alors qu’il souhaitait la rendre plus intelligible, Anthony Berthou a également opté pour une approche systémique et de la nutrition. « J’ai construit mon travail sur trois approches, distinctes, mais interdépendantes : l’approche santé, psychologique et écologique. L’approche globale est devenue indispensable à la compréhension », explique-t-il. À l’expression « nous sommes ce que nous mangeons », utilisée pour mettre en lumière l’impact qu’ont les aliments sur notre santé, il ajoute une nuance : « Nous sommes ce que nous décidons de manger ». Loin de vouloir amener à culpabiliser, Anthony Berthou tend plutôt à responsabiliser chacun sur ses choix alimentaires, à provoquer une prise de conscience : ces décisions alimentaires ne sont jamais anodines. Peu après Du bon sens dans notre assiette, Anthony Berthou publie Le Traité de la pleine santé par l’alimentation durable, ouvrage similaire, mais autrement plus conséquent et détaillé. Le fruit de nombreuses recherches, d’écriture et de découvertes. « J’ai nécessairement dû remettre en question certaines approches, notamment sur ce qui relève de la prévention, de l’écologie ou de la toxicologie ». Mais lorsqu’une porte s’ouvre, les idées se ramifient. Un vrai jeu de poupées russes pour l’auteur avec des sujets étroitement liés les uns aux autres : géopolitique, sanitaire, démographique… ce qui devait donc être un travail d’une année est devenu l’œuvre de dix ans de travail aiguisé et passionné.
Un manque d’éducation à la nutrition
« À l’école, nous apprenons le français, l’anglais, les mathématiques… ces matières sont nécessaires. Il est pourtant dommage que l’éducation alimentaire ne soit pas incluse à tous ces enseignements », explique le nutritionniste. Ce dernier regrette que l’on puisse ne pas choisir de manière éclairée les aliments qui se trouvent dans notre assiette. « Il est fondamental de se poser des questions, d’en connaître l’origine : d’où proviennent les aliments que nous mangeons ? Comment sont-ils cultivés ? Si l’on parle d’animaux, comment sont-ils élevés ? Certains enfants, maintenant devenus adultes, ont manqué de cette éducation. Ces derniers se retrouvent souvent sous l’égide de l’influence du lobbying alimentaire, ou créent un modèle alimentaire fondé sur des publicités ou les réseaux sociaux », déplore-t-il. Un réel défaut d’information sur les enjeux de nutrition, qui devrait, selon l’auteur, être comblé dès le plus jeune âge, dans le cadre familial comme scolaire. « Les enfants devraient se souvenir des aliments, en connaître le processus de production et l’origine géographique », assure l’auteur. « Je dis souvent, par provocation, que les arbres à corn-flakes ou les fontaines à coca n’existent pas… mais cela illustre bien le fait que les enfants, adultes d’aujourd’hui, perdent la vision de l’origine des aliments ».

L’agriculture, racine de l’alimentation
Pour Anthony Berthou, c’est ici que l’agriculture intervient : « L’ensemble des agriculteurs, c’est la main qui nourrit. Non seulement les gens ne savent pas d’où viennent les aliments, mais ils ignorent également qui les produit. C’est dommage, on se déconnecte de la racine même de l’alimentation qu’est l’agriculteur ». Même si l’agriculture et ses modèles ont énormément évolué au fil du temps vers de plus grands, il reste indispensable pour l’auteur de se rapprocher de l’origine même de ce que l’on consomme, les produits bruts, afin de les apprécier et ainsi s’éloigner de l’ultra-transformation, l’un des grands maux de la nutrition du XXIe siècle. C’est dans cette même logique qu’un clin d’œil aux chasseurs-cueilleurs, nos ancêtres, est fait tout au long du livre. Ces derniers vivaient en mouvance perpétuelle, au rythme du soleil, des saisons et se nourrissaient sur le même modèle. Sans tomber dans un modèle restrictif, Anthony Berthou invite à revenir à la nature, à prendre le temps de comprendre le cycle de production des aliments naturels, locaux, bruts, à se reconnecter à la terre et à ceux qui la travaillent.
Charlotte Bayon

Une carrière de passion
Anthony Berthou, ancien membre de l’équipe de France junior de triathlon, s’est épris du sujet de la nutrition dès son plus jeune âge, notamment par le biais de sa carrière sportive. Il débute sa profession en tant que diététicien-nutritionniste, avant de passer par un cursus de cinq années en faculté de médecine. Il obtient notamment plusieurs diplômes, en ingénierie de la nutrition, biologie de l’évolution et médecine à la faculté de médecine de Lyon (Rhône) puis de micronutrition à la faculté de pharmacie de Dijon (Côte-d’Or). Il enseigne par la suite les enjeux mondiaux 2050 à l’école polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), ce qui l’amène rapidement à une réflexion plus globale des enjeux alimentaires. Aujourd’hui, l’ancien athlète est également conférencier auprès des professionnels de santé et de sport. Il se consacre en parallèle à l’écriture, destinée au grand public, convaincu que l’alimentation est le premier des remèdes. À travers ses ouvrages, Anthony Berthou continue à développer une analyse systémique de la nutrition, afin d’en dégager des solutions, pour concilier santé individuelle et écologie, le tout dans une dimension évolutionniste.
C. B.