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Après la cogestion

Renouer avec le citoyen

Après deux années de conjoncture difficile et à l’occasion du
renouvellement de leur équipe nationale, les JA ont fait le point sur
leurs forces historiques pour mieux se projeter dans l’avenir. Retour.
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Les Jeunes agriculteurs, c’est « la sélection, la formation, l’émergence de l’élite agricole, celle qui encadrera demain la profession agricole », a résumé Joseph d’Auzay, ancien directeur du Cercle national des jeunes agriculteurs (CNJA) dans les années quatre-vingt. Jean-Luc Mayaud, historien et président de l’université Lyon II, continue : « dès le départ, les JA s’appellent agriculteurs, à une époque où l’on parle plutôt de paysans. Ils se voient comme un état, un secteur économique, professionnalisé et non comme un secteur qui se transmet, par habitude, de père en fils ».
Organisée lors du congrès le 2 juin, la table-ronde "50 rendez-vous de débats et de propositions" a mis en exergue l’importance de la cogestion dans le développement d’une agriculture française forte, véritable projet de société qui a permis au syndicalisme agricole jeune de prendre toute sa place.

Des racines anciennes…


La table ronde revenait sur les soixante ans d’évolution du syndicat et ses valeurs, « sans nostalgie » précisait bien Thomas Diemer, président des JA. Et la cogestion, tant décriée par certains, est naturellement arrivée sur le tapis : « on a conclu un pacte avec l’État, avec les pouvoirs publics. Je fais débuter la cogestion avec le début de la Ve République », précisait Joseph d’Auzay. Une cogestion que Jean-Luc Mayaud fait, lui, remonter au début au XIXe siècle, à l’origine même des syndicats agricoles et de la structuration de la profession agricole…
Aujourd’hui pourtant, « on n’est plus dans un système de cogestion classique. On sait qu’une grande partie se joue à Bruxelles, sur les territoires et au niveau national. Il est nécessaire de chasser en meute à tous les échelons, d’avoir une approche plurielle », affirme Damien Abad, député et président du Conseil départemental de l’Ain. À l’image finalement de l’agriculture d’aujourd’hui.
Une agriculture qui a évolué, comme le fait remarquer un membre de l’assistance qui craint que d’« une agriculture diversifiée, on passe à une agriculture fragmentée »… au risque de perdre finalement l’unité professionnelle ! Une unité mise à mal parfois comme le laissaient supposer certains débats lors de la séance des amendements du rapport d’orientation concernant les filières. Les rapporteurs comme le président ont semblé surpris par l’ampleur de certains débats sur les normes, l’environnement ou la mise en place d’un indicateur de prix lié au surcoût de l’installation.

Diversifiée mais pas fragmentée


Lors de ces débats sur le rapport d’orientation, l’un des 800 congressistes s’est exclamé au sujet des discussions : « on se noie dans des problèmes de filières ». Pas faux ! On pourrait citer les apiculteurs bataillant face à des céréaliers défenseurs de certains phytosanitaires. À cette problématique d’une « agriculture fragmentée », Damien Abad suggère de privilégier « l’unité dans la diversité ». « Il faut mettre de l’ordre dans le discours et la pensée et ne pas se noyer dans un discours stérile. La seule façon de tenir, c’est de rester pluriel et d’abandonner la voie unique comme par le passé », soulignera Jean-Luc Mayaud. « Il y a des combats où l’unité est fondamentale mais l’unité n’est pas l’enfermement », renchérira Damien Abad. Le rapport d’orientation a été jugé comme « un travail qui ne va pas assez loin », avec « des propositions trop générales » par Jonathan Lalondrelle, président JA de la région Aquitaine Limousin Poitou-Charentes. Il a cependant le mérite de dire noir sur blanc ce que les agriculteurs dénoncent depuis des mois…
Par contre, selon plusieurs, les solutions sont minces. Les JA - le « poil à gratter » de l’agriculture, selon l’expression de Pascal Berthelot, ancien journaliste d’Europe 1, ou « l’aiguillon de syndicats un peu figés » selon l’expression de Jean-Luc Mayaud - semblent moins gratter ou piquer qu’avant : « avant avec la cogestion, on était dans un syndicalisme de notable. Aujourd’hui, c’est un jeu à trois qui se joue. Le troisième invité, c’est le citoyen ou le consommateur ». Il constate que « la prise de conscience des JA » de ce troisième invité à la table des négociations politiques reste faible « et pourtant elle est primordiale pour l’avenir ». Et Céline Imart-Bruno, vice-présidente des JA, de répondre « les interrogations sur notre métier, cela fait longtemps que l’on s’en rend compte et l’on a déjà agi ». Face à cette réponse, c’est peut-être bien une piqûre de rappel qu’a voulu effectuer Thomas Diemer avec cette table ronde, notamment à l’adresse de la nouvelle équipe élue à Mâcon.

Le citoyen, nouvel acteur du jeu syndical


« Aujourd’hui, les intervenants qui pensent avoir un droit de regard sur l’agriculture sont de plus en plus nombreux. Tout ne se passe plus que rue de Varenne ; le ministère de l’Ecologie a pris beaucoup de place, celui de la Santé aussi, et le lien avec la société devient de plus en plus important. La cogestion n’existe plus », poursuivait Céline Imart-Bruno, vice-présidente des JA.
L’irruption du citoyen/consommateur dans les débats qui ont trait à l’agriculture modifie l’action du syndicalisme, lequel joue désormais son efficacité sur sa capacité à s’adresser au grand public… Avec également des aspects positifs : c’est aussi l’occasion pour les paysans d’exprimer la fierté de leur métier, comme le montre le clip vidéo réalisé sur une chanson de Florent Dornier, "Fiers d’être paysans", qui s’impose comme le véritable tube de ce congrès, chanté et scandé par des salves d’applaudissements par les 800 congressistes, debout, en clôture du congrès.
Reste que dans un monde où les décisions se prennent autant aux niveaux européen que national ou régional, le lobbying syndical se doit aussi d’être « pluriel, un changement pour les syndicats mais aussi pour les politiques », soulignait Damien Abad.
Devant l’absence du ministre de l’Agriculture, lequel participait en Chine au G20 agricole, Jérémy Decerle, tout juste élu président national des JA, le reconnaissait : « on se doit de retrouver la reconnaissance et la considération du monde politique, pour continuer à faire en sorte que les agriculteurs et notamment les jeunes se sentent bien dans leur métier ». Le défi est d’autant plus important pour la nouvelle équipe que les élections présidentielles de 2017 seront une occasion à ne pas manquer pour faire passer des idées aux candidats.



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