Résistants partiellement au mildiou ?

En comparant l’agressivité de différentes populations de mildiou, des chercheurs de l’Inra montrent que si la résistance des cépages est globalement efficace, le mildiou est néanmoins capable de s’adapter rapidement, diminuant l’efficacité de ces résistances.
90 % de fongicides en moins
Les cépages de vigne cultivés sont tous très sensibles aux maladies aériennes, notamment au mildiou (Plasmopara viticola). La vigne cultivée (Vitis vinifera) n’a pas spontanément la capacité de se défendre contre cette maladie d’origine américaine qui a été introduite en Europe au 19e siècle. Actuellement, la protection contre ce pathogène requiert entre 5 et 10 traitements fongicides par an. Une des méthodes alternatives de gestion de la maladie consiste à utiliser des variétés de vignes résistantes, une option déjà privilégiée dans de nombreuses cultures. Grâce à l’aboutissement de différents programmes d’amélioration de la vigne en Europe, cette solution est maintenant envisageable en viticulture. On estime qu’elle pourrait permettre une réduction de près de 90% de l’utilisation des fongicides sur vigne.
Résistances aux résistants
En 2017, l’Inra inscrira au catalogue une série de cépages présentant une résistance partielle au mildiou. Toutefois, l’efficacité de ces résistances pourrait être réduite par l’émergence de souches « virulentes » après seulement quelques années de culture des cépages résistants.
Dans ce contexte, les chercheurs de l’unité Santé et agroécologie du vignoble (Inra, Bordeaux Sciences Agro) travaillent sur la gestion durable des résistances de la vigne. Une des questions est de savoir si le mildiou de la vigne est susceptible de s’adapter à la pression de sélection qu’exerceront les cépages résistants. Pour y répondre, ils ont comparé l’agressivité de souches de mildiou collectées sur des cépages résistants avec celle de souches de mildiou « naïves », c’est-à-dire n’ayant jamais rencontré la résistance. Les populations de mildiou étudiées provenaient de Suisse et d’Allemagne, deux pays où plusieurs cépages résistants ont déjà été déployés. Lors d’une expérimentation en laboratoire, ils ont inoculé les souches de mildiou sur trois cépages allemands (Regent, Prior, Bronner).
Erosion de la résistance
Leurs résultats montrent que la résistance partielle des cépages est globalement efficace pour contrôler le mildiou : la production de spores de mildiou est réduite de 58% à 92% par rapport à un cépage sensible (Cabernet sauvignon). Cependant, les chercheurs ont également observé que les souches issues des cépages résistants présentent déjà une sporulation plus importante et plus précoce que les souches « naïves » (issues de cépages sensibles). Ainsi, sur Regent et Prior, l’adaptation des populations de mildiou conduit à une réduction de l’efficacité potentielle de la résistance de près de 26%. Sur le cépage résistant Bronner, la diminution d’efficacité est de 7%. C’est ce qu’on appelle « l’érosion de la résistance » (Figure 2). Dans le cas du Regent, cette adaptation est en outre très rapide (inférieure à 5 ans), comme l’avait déjà suspectée une précédente étude conduite par la même équipe.
Et pour les "anciens" cépages autour ?
Les chercheurs montrent aussi que cette évolution des populations de mildiou ne semble pas avoir de conséquences pour les cépages cultivés actuellement. En effet, sur le Cabernet sauvignon (sensible), les souches « virulentes » de mildiou ne paraissent pas plus agressives que les souches « naïves ». Ce résultat nécessitera néanmoins d’être confirmé par de nouvelles expérimentations.
Au moment où l’Inra va bientôt mettre sur le marché de nouveaux cépages résistants, ces résultats soulignent l’importance de prendre en compte la durabilité des résistances. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’Inra privilégie la création de variétés à résistance plurigénique, c’est à dire cumulant plusieurs facteurs de résistance à un même agent pathogène. Cette stratégie de création variétale, dénommée « pyramidage », est reconnue pour assurer une plus grande durabilité des résistances.
Enfin, de leur côté, les agronomes travaillent sur les itinéraires culturaux adaptés à ces nouveaux cépages. C’est de cette approche pluridisciplinaire - combinant des leviers génétiques et agronomiques - que la filière réussira à élaborer des systèmes viticoles qui réduisent fortement l’utilisation des fongicides. Mais cela prendra du temps que la société et les consommateurs comprennent difficilement...
Demain pour les cépages emblématiques
Les obtentions de la première série de croisements sont engagées dans l'étape de sélection finale. Quatre parmi les plus prometteuses, deux à raisins noirs et deux à raisins blancs, ont été déposées à l'inscription au catalogue et les premières variétés pourraient être disponibles pour les viticulteurs dès 2018. En parallèle, six programmes sont engagés pour valoriser des géniteurs de résistance oligogéniques, obtenus par l'Inra et l'IFV, au travers de croisements d'absorption avec des cépages emblématiques, afin de sélectionner de nouvelles variétés conformes aux idéotypes des grandes régions viticoles françaises. Le BIVB participe au financement de ces recherches pour les cépages bourguignons.
Le chiffre : - 96 % d'IFT !
Depuis 5 ans, les premiers résultats obtenus sont encourageants. Comparant trois systèmes - résistant, conventionnel, bio - des réductions très importantes de l’Indice de Fréquence de Traitement par rapport aux pratiques de référence semblent possibles. C’est tout particulièrement le cas pour le système RES (résistant) mobilisant les variétés résistantes atteignant dans les essais -96% de l'IFT de référence !
Pour comprendre
La production de raisins de cuve aptes à produire les vins de qualité, que les consommateurs d’hier et d’aujourd’hui apprécient, nécessite l’application de produits de protection de la vigne contre un certain nombre de parasites présents dans tous les vignobles. La lutte contre le mildiou et l'oïdium, les maladies des parties aériennes les plus menaçantes, est essentiellement assurée par l’utilisation de fongicides. Malgré leur efficacité pour maîtriser les pertes de récolte quantitatives et qualitatives, ces moyens chimiques de protection des plantes impactent l'environnement. Par ailleurs, plusieurs familles de fongicides montrent des difficultés à maintenir l'efficacité de leur protection face aux situations de résistance du mildiou et de l'oïdium qui progressent.