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Vitiscopie

Rester les pieds sur terre

Dans le cadre de Vitiscopie 2016, le CerFrance 71 a analysé 221 entreprises
viticoles pour dresser le bilan économique de la viticulture en
Saône-et-Loire sur l’année 2015 et en profiter pour commencer à analyser
la récolte 2016. La tendance générale semble à l’agrandissement des
structures que les vignerons soient en caves coopératives, en vente aux
négoces ou en ventes bouteilles. Cet agrandissement ne signifie pas
forcément gain de productivité alors que de nouvelles charges pèsent,
notamment en ce qui concerne le travail de remplacement des pieds malades.
Par Publié par Cédric Michelin
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Evidemment, comparée aux autres grandes productions du département, la viticulture se porte bien, mais tout n’est pas rose pour autant. « La réalité des aléas climatiques et des maladies joue sur les volumes récoltés. Les revenus peuvent varier fortement selon les exploitations », rappelait Nicolas Roux, conseiller au CerFrance 71, et cela « dans tous les systèmes de production, que ce soit en cave coopérative, vente en vrac ou vente bouteille ». Il insistait donc sur la nécessité de gérer au mieux les risques (assurances…) dans la mesure du possible.
Car si dans l’ensemble, une augmentation générale des revenus est constatée, attention « il ne faut pas se voir trop beau trop vite car le niveau de charges par hectare a, lui aussi, augmenté de +25 % en l’espace de huit ans », mettait-il en garde. Bonne année ne doit donc pas rimer avec panier percé ! Pour lui, il faut plus que jamais raisonner les investissements et se constituer « une épargne de précaution ». Le centre comptable le prouve et ce pour chaque grand type de mode de commercialisation : coopération, vrac, bouteilles.

Volume en caves…


Le besoin en fond de roulement des entreprises viticoles livrant à la coopération a, par exemple, augmenté. L’effet dilution des charges n’a pas fonctionné car, « à pratique équivalente, la productivité par unité de main d’œuvre (UMO) - qui aurait dû augmenter avec l’agrandissement des structures - a baissé avec notamment les quinze jours de travail en plus pour remplacer les pieds atteints de maladies de dépérissement ».
Alors que les apports des coopérateurs sont payés en décalage dans le temps, le fait de les comparer avec les comptabilités des vignerons vendant en bouteilles plus de 20 % de leur production permet d’entrevoir un peu l’avenir. Sur l’exercice 2015 (récolte 2014), le revenu par UMO s’est situé « en léger retrait » à 46 k€. Plus que jamais, « même si la viticulture a le vent en poupe, il faut rester les pieds sur terre et prévoir à moyen terme en cas de défi économique important ». Outre les maladies, les aléas climatiques, les marchés n’apportent pas de grande visibilité (Brexit, Trump, terrorisme…).
Les prévisions pour 2016 laissent néanmoins présager une nouvelle hausse des revenus à 51 k€ de revenu par UMO. Nouveau bémol évident, « dans tout système ou sur certaines appellations, certains vignerons gagnent très bien leur vie, d’autres non ».

… main-d’œuvre au Domaine


Si le système Vente en bouteilles ramène davantage de marge, avec plus de travail et de métiers à effectuer aussi, ce qui fait vraiment la différence en cave particulière, c'est « le prix de vente bouteilles et la réussite commerciale », à volume produit équivalent. Et sur ce critère « notoriété », des écarts « se sont creusés », notait Nicolas Roux. Un phénomène accéléré avec la création de structure de négoce en parallèle de l'activité viticole pour certains. Là encore, les charges par hectare augmentent pour tout le monde (fermage, mécanisation…). « La maîtrise des charges de main-d’œuvre est capitale, de la vigne à la vente. Car s’il y a un problème d’organisation, cela peut planter l’entreprise », a-t-il constaté. Les montants d’argent engagés sont aussi à surveiller. Bien que les rénovations de chais aient bénéficié de fonds FranceAgriMer, « c’est bien la rentabilité financière qui permet de supporter l’endettement et qui permet d’envisager les transmissions ».

Epargne de précaution


Reste que le patrimoine augmente et les installations ou reprises se font principalement dans le cadre familial. D’ailleurs, Nicolas Roux donnait aussi des conseils en gestion du patrimoine à ses clients : « il vaut mieux se diversifier qu’investir dans de la mécanique forcément et, pour ceux vendant en vrac, il faut absolument faire de l’épargne de précaution car si les marchés venaient à dévisser, ils n’auraient pas suffisamment de temps et de moyens pour réagir », insistait-il. Un peu à la manière de la présidente du CerFrance71, Isabelle Bidalot, pour qui « les bonnes récoltes tant attendues ont remis les viticulteurs en bonne santé financière après quelques années d’inquiétudes, mais gérer de bons résultats s’avère aussi compliqué qu’une année de vache maigre. La gestion de l’équilibre entre des dépenses permises par la trésorerie, la recherche d’optimisation fiscale et se constituer une épargne de précaution est un exercice extrêmement périlleux ».