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Comportements alimentaires

Retour du plaisir, de la convivialité et du naturel

L'étude sur les comportements et opinions alimentaires des Français en 2010 est un volet d'une enquête plus vaste, réalisée par le Credoc, qui se propose d'analyser le rapport des Français à l'alimentation sous l'angle de leurs opinions et de leurs comportements en termes d'achats, de cuisine, en observant sur une semaine pleine tout ce qu'ils ont consommé. Première partie de l'enquête, résumée avec FranceAgriMer.
Par Publié par Cédric Michelin
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En 2007, lorsque le Credoc présente la sixième édition de son enquête sur les comportements alimentaires des Français, le contexte alimentaire est bouleversé par un ralentissement du pouvoir d’achat, un débat médiatique amplifié sur les prix dans la grande distribution et sur les dangers nutritionnels de l’alimentation. Trois ans plus tard, en 2010, le contexte de crise économique est plus difficile encore, mais la médiatisation des risques nutritionnels est moindre, liée sans doute à un équilibre entre une information sous l’angle de la santé publique et une prise de parole sur l’importance du « ré-enchantement » de l’alimentation.
Le 16 novembre 2010, la cuisine française, plus exactement le « repas gastronomique » est inscrit au patrimoine immatériel de l’Unesco. Ainsi, manger ne se réduit pas à la seule action de se nourrir, mais repose sur des valeurs et une culture comme la convivialité, le partage, la sociabilité.
Le climat de confiance dans lequel nous vivons s’est nettement détérioré depuis le milieu de l’année 2007. L’effet conjugué d’une croissance difficile, de mouvements sociaux médiatisés, d’une augmentation des prix du carburant et des matières premières a infléchi le moral des Français en fin d’année 2007. Ce moral, après avoir connu quelques embellies en raison d’une baisse de l’inflation (- 0,6 %) en 2009, s’est dégradé de nouveau en 2010.

Plaisir, praticité et alimentation durable : les piliers du triptyque de l’alimentation



En 2010, la notion de prix est encore plus présente qu’en 2007 dans les arbitrages des ménages français. En effet, le prix conditionne la relation qu’entretiennent les consommateurs avec leur alimentation, d’autant plus qu’en 2008, les prix n’avaient jamais connu pareille augmentation depuis plus de 15 ans. À partir de 2008, les consommateurs choisissent des stratégies d’arbitrage privilégiant les fondamentaux et délaissent les produits jugés superflus tels que les aliments « santé ».
Outre ces considérations, les aliments sont dotés d’un fort potentiel symbolique. Héritées de générations en générations, valeurs et pratiques structurent tout un ensemble de spécificités que nous connaissons et que les étrangers nous reconnaissent : gastronomie, plaisir de cuisiner, variété des ingrédients, valorisation du goût, arts de la table, « manières de table », satisfaction de partager, codification des plats... Cette dimension culturelle, de plaisir, progresse significativement en 2010, comme un retour de balancier après la montée des préoccupations santé du début des années 2000. Les qualités organoleptiques de l’aliment, c’est-à-dire le goût, voire le plaisir qui s’y rapporte, prennent de l’importance.
Les préoccupations d’alimentation durable, intégrant les attentions portées aux aspects nutritionnels, progressent elles aussi. La recherche de produits locaux et de commerces de proximité a nettement augmenté pendant la période de crise. Elle permet de répondre à des préoccupations écologiques, mais aussi sociales lorsqu’il s’agit de préserver l’emploi des agriculteurs
À ces phénomènes, il faut ajouter un troisième pilier :la praticité, illustration d’une évolution des modes de vie et d’un désir d’expression de soi qui se traduit par une demande croissante de « temps pour soi ». Les nouvelles générations sont de plus en plus tournées vers la sphère existentielle de la satisfaction immédiate. Les durées d’usage de l’alimentation sont donc en constante baisse, traduisant cette demande accrue de commodité et de praticité.

Une inquiétude croissante sur les risques écologiques et les OGM



La proportion de Français estimant que les produits alimentaires présentent des risques pour la santé a nettement baissé en 2007, pour se stabiliser en 2010. Les peurs alimentaires restent installées dans nos esprits, mais à un niveau affaibli. La conscience de ces risques n’induit plus tout à fait les mêmes discours de précaution que ceux analysés lors des précédentes vagues d’enquête. Ainsi, dans une hiérarchie des risques dont elles ont le plus peur, les personnes interrogées placent les accidents de la route en tête (49 %), devant les risques liés à la pollution atmosphérique (34 %). Si l’on se focalise sur les risques alimentaires (29 %), ce sont, d’abord, les problèmes écologiques qui viennent en tête : la présence de pesticides, un trop grand nombre d’additifs, le risque bactériologique, la transmission possible de certaines maladies animales à l’être humain prédominent sur les OGM, l’obésité, les maladies cardio-vasculaires et le cancer.
De même, les produits jugés « à risque », bénéficient d’une baisse générale des craintes par rapport à 2003 et 2007 sur l’ensemble des aliments, hormis le vin qui progresse très sensiblement, les plats cuisinés frais et le lait. Le scénario se déroule donc comme si les consommateurs voulaient faire abstraction d’un contexte alimentaire inquiétant, en cherchant à vivre de façon plus sereine.
L’opinion publique tend toujours à se méfier des OGM, avec un certain fatalisme, puisque les deux tiers des individus pensent que les OGM sont de plus en plus présents dans les aliments. Cette détérioration de l’image des OGM est à mettre en regard de la méfiance vis-à-vis de l’industrialisation. Elle s’exprime au travers d’une demande de produits naturels, qui a significativement progressé en trois ans. Les contrôles à la fabrication, à l’importation et sur les lieux de vente sont perçus comme nettement insuffisants.