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Salon international de l’Agriculture

Retour en force du berceau de race !

Dans un contexte on ne peut plus tendu, la tenue du Salon de l’agriculture n’était pas gagnée d’avance. Finalement, en dépit d’une rancœur contenue, les éleveurs ont assuré le show. La Saône-et-Loire avec sa race à viande emblématique s’en est même tiré avec les honneurs ! Deux titres de champion et un retour aux fondamentaux avec de la finesse de viande dans le palmarès.
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L'édition 2016 du Salon de l’agriculture aura été particulier à plus d’un titre. En pleine crise de l’élevage, ce rendez-vous médiatique s’est ouvert dans un climat de tension palpable. Un contexte anxiogène pour les organisateurs, mais qui n’a finalement pas entraîné de débordements trop intempestifs. Impactés comme tout un chacun par cette crise sans précédent, les exposants d’animaux ont d’ailleurs hésité quelque peu avant de monter à Paris. L’idée d’un boycott de cette vitrine devenue trop parisienne et trop politique a circulé un temps. S’ils ont accepté de jouer le jeu, tous les éleveurs présents étaient solidaires de cet état d’esprit. A l’instar des responsables du Mouton charollais ou de la race bovine charolaise, lesquels arboraient tous le slogan "Eleveur, je veux vivre de mon métier". En dépit de la rancœur légitime, le Salon a bien eu lieu. Citadins en mal de sens, journalistes opportunistes et politiques en campagne en ont eu pour leur sou. En dépit des frais engendrés par ce coûteux rendez-vous et de l’ambiance oppressante de la capitale, éleveurs et producteurs ont assuré le show une fois de plus. Une prestation gratuite qui n’en était que plus méritoire en cette année de misère.

De bien belles surprises


Cela dit, dans ce contexte hostile pour l’élevage viande et la charolaise, ce Salon 2016 aura donné lieu à de bien belles surprises avec, tout d’abord, les deux titres de champions mâle et femelle pour la Saône-et-Loire et par là même un retour aux sources de la race avec la mise à l’honneur de la finesse de viande. Retour aux sources aussi avec le couronnement de deux éleveurs du berceau historique, seule région qui ait su préserver les qualités bouchères de la race. Deux éleveurs charollais qui, en outre, ne sont pas vraiment issus du sérail, preuve que la sélection et les concours sont des milieux ouverts qui se renouvellent sans cesse et qu’ils sont avant tout le fruit du travail assidu et du talent des hommes.
C’est Déesse, une fille de Turbo CE 71 âgée de huit ans, qui a été désignée Championne de Paris 2016. Une consécration pour cette imposante vache de 1.240 kg qui participait pour la cinquième fois au Concours général après avoir été trois fois deuxième, puis première l’an dernier. Une remarquable carrière avec aussi quatre grands prix d’honneur remportés à Gueugnon. Déesse est une vache qui vieillit bien et qui produit avec une remarquable régularité ; « un veau tous les ans entre fin décembre et début février », confie son propriétaire, Serge Vincent. Une vache qui n’a jamais fait l’objet d’excès de soin, mais qui brille par « un bon bassin, sa finesse de grain, une viande descendue sur la cuisse, une bonne ligne et une bonne largeur de dos, une bonne mamelle et de magnifiques qualités de race », décrit l’éleveur d’Oudry.
Le champion mâle est quant à lui Hatenon, copropriété de la SCEA Pichard de Montceau-les-Mines et du Gaec Deboux (58). Ce fils d’Aigleroyal (Batho), taureau natif de l’élevage Vannier et d’une petite fille de Te Voilà (Langillier), était déjà le Grand champion du concours national du Mans l’an dernier. Tout comme Déesse, Hatenon remet à l’honneur le type viande de la race avec « beaucoup de dos, un très beau bassin, une viande très descendue sur la cuisse ». Avec ses 1.550 kg, il n’est pas le plus lourd des charolais montés à Paris.

Vêlage facile et vente facile !


En marge du Concours général charolais, une vente de génisses bouchères Label rouge a eu lieu sous l’égide du Herd-book charolais, de l’OS charolaise, de l’association Charolais Label rouge (ACLR) et du groupement Feder. Sept génisses label, toutes issues d’élevages inscrits (dont plusieurs de Saône-et-Loire), avaient été sélectionnées. Après un classement par un jury d’initiés, elles ont été vendues (de 9 à 11 € le kilo vif) à des points de vente essentiellement de la région parisienne. La meilleure génisse du lot désignée par le jury était Ibiza, appartenant à Fabien Gaudet. C’est une fille du Taureau Farouk, natif de l’élevage Delangle, 1er prix d’honneur veaux mâles à Charolles et qui figure parmi les tout meilleurs taureaux de la race en IFNAiss (126). Comme tous les produits de Farouk, cette génisse pesait 45 à 46 kg à sa naissance, ce qui ne l’a pas empêchée d’aller illustrer la vocation bouchère de la race à Paris. Une façon de faire tomber le vieux cliché qui veut que « vêlage facile soit synonyme de vente difficile ! ».

Complexe de supériorité…


Pour tous les partenaires de la race, « cette vente était une vitrine très importante pour mettre en valeur le travail d’éleveurs passionnés à la fois de génétique et de viande, et montrer que ces deux mondes sont complémentaires », estimait le président de l’ACLR, Rémy Marmorat. Un point de vue partagé par le président de l’OS charolaise, Hugues Pichard, qui a fait part de son souhait que les objectifs de sélection soient plus en adéquation avec les qualités de viande attendues par la filière, quitte à « remettre des morceaux nobles sur les carcasses ». Le président de l’OS estimait par ailleurs qu’il fallait « se réapproprier le marché haut de gamme », un secteur pour lequel la charolaise demeure, quoi qu’on en dise, le premier fournisseur en volume, rappelait-il. Car en pleine crise de la filière Viande, la charolaise fait un peu office de défouloir, elle que l’on voit partout avec des 1,6 million de vaches ! Pour Hugues Pichard, la race souffre en fait d’un véritable complexe de supériorité. On oublie que « la charolaise est la meilleur pour valoriser l’herbe, que ses broutards font l’unanimité auprès des acheteurs étrangers (turcs très demandeurs en ce moment), que les babys ne font l’objet d’aucun reproche, qu’elle demeure la référence en termes de croissance et d’indice de consommation… », énumérait le président de l’OS. A Paris, les représentants de la race ont pu constater à quel point les consommateurs étaient attachés à l’origine des viandes, au terroir, à l’élevage extensif… Autant d’atouts que la charolaise a tous à sa portée, pour peu qu’elle sache mieux se vendre.



Déesse et Hatenon
Double consécration pour la Saône-et-Loire


En conduisant Déesse sur la plus haute marche du podium de Paris, Serge Vincent a vécu la consécration de sa carrière, lui qui a débuté les concours il y a seulement une quinzaine d’années en remportant les tout premiers trophées qualités bouchères instaurés par le Herd-book charolais. Depuis, l’éleveur d’Oudry n’a eu de cesse que de progresser dans les palmarès en alignant des taureaux de viande puis des vaches et même de nombreux lots d’élevage. Très heureux de cette récompense, Serge Vincent dit avoir été très touché par les nombreuses félicitations qui lui ont été adressées. Emotion d’autant plus forte pour un éleveur qui se décrit comme « venant de la base », lui qui a perdu son père à seulement 17 ans et qui, tout comme ses frères, a été porté par un oncle qui leur a « tracé la route en les emmenant à Saint-Christophe… ». Une récompense qu’il dédie donc à sa famille et plus particulièrement à son épouse Marie-Rose, « qui reste sur l’exploitation pour assurer la continuité », à sa fille Claire, à son gendre, mais aussi à la précieuse équipe de copains qui l’assiste à chacune de ses sorties.
Autre consécration pour Hugues Pichard qui obtenait lui aussi son tout premier titre de champion à Paris grâce à Hatenon, le taureau qu’il partage avec le Gaec Deboux de la Nièvre. Ce titre de champion intervient vingt ans après la première participation de la maison Pichard à Paris, confiait l’intéressé. Une grande satisfaction pour l’éleveur de Montceau-les-Mines qui le décrit aussi comme une histoire d’amitié puisque la copropriété d’Hatenon est aussi l’aboutissement d’une rencontre avec Jérôme Deboux, survenue en 2007.



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