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Face aux évolutions de la Pac

Retour sur la dernière AG des Jeunes agriculteurs de Saône-et-Loire, où la question portait sur les politiques agricoles...

"Politiques agricoles : une solution d’avenir ?". Vaste thème que celui qui était au cœur des réflexions de la dernière assemblée générale des JA de Saône-et-Loire. Retour sur la table ronde qui a apporté nombre d’éléments de réflexion.

Retour sur la dernière AG des Jeunes agriculteurs de Saône-et-Loire, où la question portait sur les politiques agricoles...

« La Pac est-elle une politique visant à aider l’Agriculture ou à aider l’Alimentation ? », interrogeait tout de go Joffrey Beaudot, président, en guise d’introduction à la table ronde organisée lors de la dernière assemblée générale des Jeunes agriculteurs de Saône-et-Loire, le 2 mars, à Dompierre-les-Ormes.

Et il poursuivait, n’hésitant pas à l’accuser de « nous avoir conduit dans des tunnels, dont nul ne voit la sortie ». Il évoquait la spécialisation des productions, celles des exploitations, mais celle aussi des territoires… lesquels se trouvent à leur tour entraînés dans la chute quand la crise agricole sévit dans une production. Et Joffrey Beaudot de plaider en faveur d’« une Pac qui colle aux territoires ».

L’introduction à la table-ronde donnait le ton d’un parler franc et direct. Animée par Alain Nau, ancien enseignant dans une MFR du Rhône, celle-ci apportait, avec du recul, des éclairages particuliers, notamment ceux de deux exploitants agricoles, l’un en production bovine allaitante, Jean-Luc Desbrosses de Neuvy-Grandchamps, et l’autre en grandes cultures, Benoît Regnault de Fragnes La Loyère. Il y avait aussi l’éclairage d’un spécialiste reconnu de la Pac, professeur émérite à AgroSup Dijon (« émérite signifiant aujourd’hui retraité », selon ses dires), en l’occurrence Jean-Christophe Kroll. Le tout complété par le regard d’un conseiller d’entreprise du CerFrance 71, Eric Jeannin, et par celui avisé du député européen Arnaud Danjean.

Privilégier l’acte de production

La Pac et ses incidences dans la gestion des exploitations… A ce sujet, Jean-Christophe Kroll retraçait les trois grandes périodes de la Pac : des soutiens aux prix aux soutiens directs, en passant par une phase de transition. Trois étapes qui ont marqué les esprits.

Pour en témoigner, Jean-Luc Desbrosses et Benoît Regnault revenaient aux toutes premières années de leur installation, il y a respectivement quarante-deux et trente ans…

Tous deux mettaient en exergue l’adaptation conduite au fil des ans. Celle-ci, le plus souvent, était dictée, non par la recherche d’aides supplémentaires, mais bien par la technique, la passion ou la volonté de diversification.

Ainsi du choix de l’éleveur et de ses associés de la finir les animaux, « même s’il nous a fallu faire attention à la question des chargements qui étaient plafonnés ». De même, pour qui connaît l’élevage de Neuvy-Grandchamps, la technique tant en matière de reproduction que d’alimentation a permis d’envisager le vêlage à deux ans. « Tous les systèmes sont bons, si l’on fait ce que l’on a envie de faire, si l’on est dans le développement, dans le dynamisme, dans l’économie ».

« La richesse, elle se crée d’abord par le travail, d’abord par la production », insistait Jean-Luc Desbrosses pour qui « une politique agricole est là pour apporter des garanties et donner des orientations, des fils rouges ». A ce sujet, il n’hésitait à qualifier de « marché de dupes » les réformes de la Pac qui ont conduit à la baisse des prix et à l’instauration de compensations partielles de ces baisses. « Il n’y a eu que des perdants », notait-il, en allusion aux compensations qui, elles-mêmes, ont été baissées par la suite, alors que « les consommateurs n’ont jamais vu la baisse des prix de leur alimentation ». Cela méritait d’être rappelé…

Et l’éleveur d’appeler de ses vœux « des actes forts » alors que le monde agricole est « déboussolé comme jamais par le manque de perspective claire ».

Diversification, segmentation…

Autre expérience que celle de cette exploitation 100 % céréalière à l’installation de Benoît Regnault qui a depuis son installation en 1988 joué la carte de la diversification. Le Gaec à trois associés dispose aujourd’hui de trois ateliers, permettant, pour chacun d’entre eux, la rémunération d’un associé : les 180 hectares de grandes cultures en zone périurbaine, les 6 hectares de vigne en AOC Hautes-côtes de Beaune, et l’atelier de vente directe de pommes de terre, de volailles fermières et d’œufs, le tout produit sur l’exploitation.

« La Pac, c’est tout, mais ce n’est rien ! », analysait l’agriculteur qui rappelait que « mon métier, c’est de nourrir l’humain. Et cela passe par la technique ». Là encore, comme Jean-Luc Desbrosses, Benoît Regnault insistait sur l’importance de faire ce que l’on aime et de bien le faire. Certes, la Pac dicte les choix, mais « nous sommes, ici, les champions d’Europe en matière de production de céréales, eu égard aux faibles compensations qui sont les nôtres ». Ce qui a obligé les associés de l’exploitation à réfléchir autrement, notamment par la diversification « pour aller chercher de la plus-value ».

Depuis la salle, un éleveur confirmait le bien-fondé de cette recherche, lui qui élève des vaches charolaises et produit « depuis quarante-deux ans du hors-sol » : « je sais bien ce qui me fait vivre ! ». C’est dit.

« Nous assistons à une segmentation des marchés », notait le professeur d’économie, qui invitait les agriculteurs à saisir les opportunités, à se mettre dans les créneaux à forte valeur ajoutée. Au risque de voir d’autres occuper la place. Et Jean-Christophe Kroll de déplorer que « quand on parle de qualité, on parle tout de suite de bio. Pourtant, si l’en prend le lait, il y a des systèmes alternatifs non bio, avec beaucoup moins d’intrants et tout autant de revenu et surtout, une moindre exposition aux aides ».

Reste que nous avons assisté à une spécialisation de plus en plus poussée des exploitations, « du fait notamment de l’effet seuil », faisait observer Eric Jeannin, qui précisait sa pensée par une exemple : « que vous ayez un atelier de vingt chèvres ou de deux cents chèvres, vous avez les mêmes normes. Cela a poussé les petits ateliers à arrêter peu à peu alors même qu’ils apportaient une diversification naturelle dans les exploitations d’élevage ». Et au regard des niveaux des revenus, en lait, en viande ou en céréales, « quand on touche à une aide, on touche au revenu ! ».

Des réalités complexes

« Le paradoxe de la Pac, c’est qu’il est de bon ton de l’attaquer, de la critiquer, de la vilipender. Et dès qu’on y touche, on assiste à des levées de boucliers ! », confirmait Arnaud Danjean qui livrait « le regard d’un élu qui siège dans une assemblée co-décisionnaire des politiques qui vous concernent ». Pour lui, « les revenus agricoles sont impactés par des choses qui ne relèvent pas de la Pac ». Et de citer la fiscalité, les politiques commerciales, sanitaires, énergétiques…

« Ces politiques non agricoles ont aujourd’hui plus d’impact sur le revenu agricole », notait le député européen faisant remarquer qu’alors que l’Allemagne agricole nous est passée devant, « la Pac nous a desservi alors même qu’elle a servi les Allemands. Et c’est la même Pac ». Arnaud Danjean se dit à ce titre convaincu que « la position française au sujet des priorités - Pac, sécurité, défense, politique migratoire…- est à éclaircir ». Sans même évoquer les risques encourus du fait des accords commerciaux…

Paumé…

Jean-Christophe Kroll insistait toutefois sur l’importance d’une politique agricole pour assurer une sécurité alimentaire pour les consommateurs, mais aussi la sécurisation des investissements par le soutien des prix et la stabilisation des marchés. Et cela parce que « l’Agriculture est une activité longue avec des investissements de long terme ».

« L’agriculteur, dans sa cour de ferme, il est paumé ! », réagissait Joffrey Beaudot, se disant bien conscient que les marchés agricoles ne dépendent pas uniquement de la Pac. « Le constat n’est pas brillant et il n’est pas facile sur le terrain d’aller expliquer ce qui se passe. Plus que jamais, il nous appartient de trouver des éléments de régulation de nos prix ». Et c’est là le propre d’une politique agricole digne de ce nom…

 

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