Jean-Luc Desbrosses : Deux décennies au service du collectif et des territoires
C’est un homme discret, mais de caractère, qui a reçu la médaille de Chevalier du Mérite Agricole ce 5 juin Après un début dans le syndicalisme et un passage à la chambre d’Agriculture, Jean-Luc Desbrosses aura marqué pendant plus de deux décennies la Safer BFC. Il aura marqué aussi de son empreinte au national, lui le fervent défenseur du statut du fermage.
Il est des longs applaudissements et de francs sourires qui ne trompent pas. Malgré sa mine impassible et son regard bleu pénétrant, Jean-Luc Desbrosses avait du mal à retenir ces émotions jeudi soir dernier, à l’issue de son dernier congrès de la Safer Bourgogne-Franche-Comté en tant que président régional. Une armure qui se fendait pour ne le rendre que plus humain, tel qu’il est au fond. Et les prises de parole des élus, les équipes des Safer, les amis, la famille en témoignaient à la Cité des vins à Mâcon.
Premier à prendre la parole, le nouveau président élu justement, Bernard Lacour, éleveur saône-et-loirien comme Jean-Luc Desbrosses. « Je salue Jean-Luc pour l’Homme qu’il est et pour ses engagements », très jeune aux JA, avant d’être élu successivement à la FDSEA, à la chambre d’Agriculture de Saône-et-Loire, à la Safer au niveau départemental, puis régional et national. Le thème de la soirée était visiblement de taquiner et Bernard Lacour en clin d’œil à son ami de longue date, filait la métaphore : « il se dit que les présidents régionaux des Safer sont au national le rendez-vous des Sages. Cela ouvre des perspectives et incarne avec Jean-Luc le fait de pouvoir s’assagir en vieillissant », alors que Jean-Luc est aussi connu pour son caractère « de syndicaliste ». Cette sagesse, il la doit certainement à un soutien sans faille de sa famille, son épouse en premier lieu, et de l’organisation mise en place sur l’exploitation, reconnue « pour son cheptel de qualité ».
Défendre le statut du fermage
Au nom de tous ses prédécesseurs également, le directeur de la Safer BFC, s’exprimait ensuite pour les équipes des Safer de tous les départements de la région. Philippe de Segonzac le décrivait comme un « Homme d’engagements », remontant sans doute à son histoire familiale et une envie farouche de défendre le statut du fermage. « Jean-Luc a certainement lu tous les documents dans les sous-sols de la rue de la Boétie », alors que Jean-Luc Desbrosses allait d’ailleurs rendre hommage au « petit Ministre paysan Breton d’après-guerre » qu’il relit encore régulièrement. Cette farouche défense du statut du fermage vient sans doute de l’histoire familiale. « Votre grand-père à peine arrivé sur l’exploitation a été sorti par le bailleur qui avait alors un droit de reprise sans condition », livrait ce qui n’est pas un secret le directeur. L’intérêt pour le droit et les devoirs autour du foncier va être « sa marque de fabrique », avec « le syndicalisme, l’engagement, les groupements… le sens du collectif ». Tous soulignaient son humanisme allant jusqu’à recevoir dans sa maison familiale (avec de bons repas faits maison par sa femme) « jusqu’aux mécontents que vous écoutiez avec empathie, mais en sachant garder le cap, une fois que vous aviez cherché le compromis, tout en sachant où vous habitiez », faisant ainsi référence à ses débuts. Le directeur régional avait même des trémolos dans la voix au moment de le remercier au nom de tous les salariés qui les encourageaient par une salve d’applaudissements appuyés.
La première régionalisation Safer de France
Pour détendre et relâcher la pression, Dominique Granier, président de la Safer d’Occitanie, allait dépeindre un autre aspect de Jean-Luc Desbrosses dont le dicton pourrait être que « la vie est trop courte pour travailler triste ». Jean-Luc Desbrosses s’est installé en 1976, à 20 ans, sur l’exploitation de Neuvy-Grandchamp en élevage charolais. Président du syndicat local puis de l’USC de Gueugnon, il est élu en 1992 à la FDSEA à la section des métayers déjà qu’il ne quittera plus jusqu’à ses mandats nationaux. Il sera élu à la Safer départementale, avant d’être élu au niveau Bourguignon, deux ans plus tard en 2000. « Tu as été le premier à faire la fusion « d’amour », non forcée, entre deux régions. Tu as montré la voie à toutes les autres Safer », bien que cela ne fût pas tout rose pour réduire les charges de personnels sans licenciement. Fort de cette réussite, la FNSafer lui confiera la mission de négocier le « point » des salariés, accord « signé par tous les syndicats des salariés ». Le Congrès de 2014 à Dijon a aussi marqué les esprits. « Ton culte modeste, mais fier de ton territoire, tu as montré une Safer BFC pionnière et innovante », parfaitement gérée. « Tu as aussi montré la voie de comment rendre un comité technique transparent ». Une hauteur d’esprit et d’ouverture « avec l’œil d’un agriculteur » toujours. Dominique Granier était donc heureux de lui épingler la médaille de Chevalier dans l’Ordre du Mérite agricole, que sa famille lui avait fait la surprise de demander.
Jean-Luc Desbrosses n’en attendait pas tant et était visiblement ému. « Concilier responsabilités, engagements, vie de famille et l’exploitation, n’est pas simple. Il faut être un peu fou », ne regrettait-il rien, remerciant tout particulièrement Christian Decerle, « un peu mon mentor », Robert Martin, Pierre Dufour, Yves Largy et Éliane Lapray en premier lieu, « elle qui m’a mis le pied à l’étrier, qui était la présidente – pas nombreuses en France — du comité technique Safer de Saône-et-Loire ». Il remerciait toute l’assemblée et les personnes avec qui il a œuvré. En ironisant un peu sur le poids qui pèse sur un président de Safer : « si vous êtes aimé de tout le monde, c’est suspect », preuve que les Safer ne peuvent pas faire que des heureux. L’ouverture des comités techniques ayant néanmoins permis de lever les doutes sur les décisions Safer.
Bernard Lacour élu président pour préparer la « transition »
C’est un deuxième homme qui n’aime pas les honneurs qui arrive à la tête de la Safer Bourgogne-Franche-Comté. Bernard Lacour a été élu à la présidence pour un mandat de « transition », disait-il à l’unisson avec Jean-Luc Desbrosses. Pas de méprise, Bernard Lacour sera pleinement impliqué, mais tous deux auraient préféré voir un « plus jeune qu’eux », même s’ils sont encore loin d’être frappés par la limite d’âge des 70 ans, à la tête de la Safer BFC. « Plein de jeunes arrivent avec des valeurs et des envies de travailler sur les nouveaux modèles agricoles, car la Safer est un outil à la base des modèles agricoles, que toute l’Europe nous envie mais cela n’aurait pas été les encourager que de les charger au régional alors qu’ils prennent juste la présidence dans leur département ».