Salers et vente directe comme crédo
Son activité d’éleveur double actif a débuté avec deux vaches. « Comme je n’avais pas beaucoup de temps pour m’en occuper, j’ai choisi des salers », se souvient Bernard Lyonnais. Le petit cheptel s’est agrandi jusqu’à une vingtaine de vaches. « En salers, on ne savait pas quoi faire du produit », raconte l’éleveur. « Des broutards rouges ? Le négoce n’en voulait pas ! On a alors tenté de faire des bœufs : les chevillards n’étaient toujours pas preneurs ! Alors en 1996-97, j’ai lancé la vente directe », se souvient Bernard. Pour écouler son premier bœuf, le boucher éleveur, toujours double actif, n’a pas hésité à faire du porte à porte ! Depuis, l’activité de la ferme n’a cessé de se développer pour atteindre en 2009 trente-deux bovins élevés sur 25 hectares et fournissant alors quelques 120 clients.
Deux installations
C’est grâce à la vente directe que les enfants de Bernard, Christophe et sa compagne Audrey, ont pu s’installer à temps plein en 2011, reprenant la suite. L’exploitation est alors passée à 100 hectares et le nombre de bovins a été porté à 120 pour une quarantaine de mères salers. La ferme s’est également dotée d’un atelier ovins.
Aujourd’hui, la Ferme du Château commercialise toute sa production en vente directe. Les animaux sont abattus à Bourg-en-Bresse, puis découpés par un boucher prestataire dans une salle de découpe louée au lycée des Sardières. Cette organisation permet aux éleveurs « de pouvoir suivre toutes les étapes depuis la naissance jusqu’à la vente », justifie Christophe qui préfère « ne pas trop déléguer à des prestataires extérieurs, faute d’être bien sûr de retrouver sa viande ». Au rythme de trois journées d’abattage/découpe par mois, la famille Lyonnais estime ne pas avoir de quoi investir dans son propre laboratoire. Mais l’idée n’est pas exclue à terme.
Viande fraiche et produits transformés
La viande est vendue en caissette par colis de 6 ou 9 kilos. Les morceaux les moins nobles sont transformés en saucisson, verrines de bourguignon, rillettes, bolognaise, boulettes de bœuf à la tomate… Les Lyonnais assurent les livraisons à domicile avec un véhicule frigorifique de location. Avec un portefeuille de 450 clients, ces livraisons prennent beaucoup de temps, signalent les intéressés. Ne possédant pas de boutique à la ferme, Audrey et Christophe projettent cependant de faire venir leurs clients à Champagnat pour récupérer leurs colis. Une occasion pour ces derniers de voir les animaux dans leur cadre naturel et aussi de libérer du temps aux éleveurs.
La Ferme du Château bénéficie d’un bon bassin de consommation orienté selon l’axe nord sud sur une trentaine de kilomètres de part et d’autre de Cuiseaux. Située au pied du Jura, elle vend aussi une partie de ses produits dans deux fruitières à comté voisines.
Clientèle reconnaissante
Convertie au bio depuis 2013, la famille Lyonnais constate que la race salers plait beaucoup aux consommateurs et que chaque nouveau scandale sanitaire tend à doper les ventes à la ferme… Mais il faut tout de même savoir vendre son produit et se montrer réactif aux attentes changeantes des clients. L'exploitation a ainsi fait évoluer ses conditionnements de sorte que la viande soit « prête à être mise au congélateur ». Elle s’est aussi adaptée à une demande croissante de viande hachée, en steak ou en haché assaisonné…
L’exploitation possède un planning d’abattage de trois ou quatre mois qu’elle transmet à ses clients à l’avance. « Tout cela demande une grosse organisation et représente beaucoup de temps passé », confie Christophe qui indique qu’il faut compter « 30 à 35 heures de travail pour découper, conditionner, commercialiser et livrer la viande d’un bœuf ou de deux veaux ». Mais pour cette famille pleine d’enthousiasme et qui ne craint pas le travail, la vente directe apporte beaucoup d’épanouissement avec la satisfaction de maîtriser son produit et de voir des clients contents.
Un troupeau d’une quarantaine de Salers
Depuis deux ans, la famille Lyonnais a cessé de conduire ses animaux en plein-air en construisant une stabulation neuve abritant tout le cheptel de la ferme. Les vêlages sont étalés sur toute l’année de sorte à fournir des veaux de huit mois régulièrement. La majorité des vaches sont croisées avec un taureau charolais « pour donner des produits plus en muscle et à la viande plus tendre ». Pour le renouvellement du troupeau, une partie des vaches est inséminée et l’autre saillie par des taureaux salers issus d’élevages réputés. Les éleveurs essaient d’améliorer le niveau génétique de leur troupeau de sorte d'alourdir les carcasses produites. Pour l’alimentation, tous les fourrages sont issus de l'exploitation ainsi qu’un peu de céréales et protéagineux produits sur cinq hectares. Un mélange fermier de céréales et de protéagineux est réservé à quelques animaux en finition et surtout aux agneaux, signale Christophe.
Une plus-value de plus de 2 € du kilo de carcasse
Pour un bœuf salers de 36 mois, pesant 390 kg de carcasse pour un classement "R3", Christophe Lyonnais calcule que la vente directe lui permet de générer une plus-value de 2,04 € le kilo de carcasse. Un chiffre qui tient compte des charges d’abattage, de découpe, de conditionnement s’élevant à 2,91 € le kilo que l’éleveur retranche aux 10,30 € de prix de vente moyen du kilo de carcasse au client, comparé au prix de vente au négoce d’environ 4,80 €. Pour un broutard croisé (veau rosé) vendu au même prix client, la plus-value est encore plus élevée si on compare avec le prix du broutard. L’éleveur tempère toutefois ces chiffres en invoquant le temps passé à la découpe. Une activité qui n’est plus rentable si l’on doit rémunérer des salariés, estime-t-il. Entre 2013 et 2015, les ventes sont passées de 5,25 tonnes équivalent carcasse (9 gros bovins + 15 veaux) à 7,3 tonnes équivalent carcasse.