Collectif mâconnais Pesticides et Santé
Se faire entendre
Le 24 mars à Fleurville, le Collectif mâconnais Pesticides et Santé (CMPS) faisait salle comble pour sa soirée-débat autour de la question “pesticides
et santé : risque et alternative”. Au sujet de la maladie de Parkinson,
plusieurs experts ont appelé à poursuivre les études. Si des questions
simples demeurent autour des traitements - pour ou contre, bio ou non -
les réponses à mettre en place semblent plus complexes dans les faits.
Si tous dans la salle ne voulaient pas l’admettre, au moins certains “opposants” aux pesticides l’ont-ils entendu.
et santé : risque et alternative”. Au sujet de la maladie de Parkinson,
plusieurs experts ont appelé à poursuivre les études. Si des questions
simples demeurent autour des traitements - pour ou contre, bio ou non -
les réponses à mettre en place semblent plus complexes dans les faits.
Si tous dans la salle ne voulaient pas l’admettre, au moins certains “opposants” aux pesticides l’ont-ils entendu.
Evidemment, il serait facile de ne retenir que les moments d’opposition qui ont émaillé près des trois heures de présentations d’experts, de témoignages et de questions lors du débat avec la salle.
Evidemment, il serait facile d’opposer dialogue local et négociation politique nationale.
Mais en prenant du recul, il est aussi possible de voir un nouveau dialogue. Tout comme la profession avait invité à Péronne la semaine dernière, le préfet et ses services à s’appuyer sur la Charte des bonnes pratiques phytosanitaires pour ré-expliquer la réglementation et les efforts fait en plus par la profession en Bourgogne, c’est dans cette continuité que plusieurs responsables viticoles ont défendu ce point de vue devant une salle pourtant majoritairement acquise à l’interdiction de tout pesticide.
Un biais restant toutefois à définir : les produits bio rentrent-ils ou non dans cette dénomination ? A l’évocation de la question, la salle semblait clairement faire une distinction en faveur du bio. Aucun représentant de l’Etat n’a pris la parole, seule l’élue du canton d’Hurigny, Catherine Fargeot, est intervenue.
Maladie de Parkinson et pesticides
Reste que la question initiale sur les "risques neurologiques liés à l’utilisation de pesticides" méritait une présentation détaillée pour le CMPS car, comme le rappelait en introduction le modérateur médical de la soirée, le docteur Guilhem Pinatel, « le lien avec la maladie de Parkinson est avéré ». Encore faut-il définir le niveau de risque ?
Chef de service à l’Hôpital neurologique de Lyon, le professeur Emmanuel Broussolle tempérait d’emblée les craintes sur le lien avec les pesticides : « les facteurs environnementaux ne sont pas prépondérants », mais la maladie est davantage liée à « de nombreux facteurs » génétiques. L’histoire (1916-1926) en Autriche et en France fait état d’une « infection » épidémique possible, « les métaux lourds peuvent induire Parkinson : manganèse, plomb, cuivre (impliqué dans la maladie de Wilson ressemblant à Parkinson), fer ». Ce n’est qu’à partir des années 1980 que quelques travaux scientifiques s’intéressent au lien entre Parkinson et les produits issus de « l’industrie chimique ». Si les pesticides sont soupçonnés, « plutôt que les herbicides, solvants ou carburants », le spectre à étudier est large dans la famille des produits de synthèse. Pour l’heure, seul le Paraquat a été interdit en 2008 par précaution.
La viticulture en première ligne ?
En France, en 2009, le docteur Alexis Elbaz va s’intéresser à des agriculteurs dans soixante-deux départements. « L’étude démontre que le risque de Parkinson en milieu rural, surtout chez les agriculteurs, est augmenté de 1,7 fois (voir moyenne en légende), augmentant avec la durée d’exposition. Ce qui est significatif » pour poursuivre des recherches, soulignait le professeur Broussolle. Une deuxième étude en cultures fruitières, puis une troisième en viticulture viennent resserrer la présomption d’un lien avec les pesticides. Ces dernières recherches datent de 2015 et seront prochainement publiées. « La viticulture ressort avec une prévalence (2,6 fois plus) plus importante ». En superposant le nombre de cas de maladies sur une période donnée à une carte de France des zones viticoles, le professeur Broussolle voit des zones « superposables, mais pas partout. Un peu en Bourgogne », montrait-il. Le cuivre semblerait hors de cause car il faudrait, selon lui, une « intoxication massive ».
Dès lors, sa conclusion n’était pas catégorique, les facteurs environnementaux - incluant les pesticides - ne représentent « pas beaucoup de pourcent, mais je suis incapable de donner un chiffre. Pesticides et Parkinson, c’est un petit pic ». Mais un « pic » très surveillé…
Améliorer la protection des individus
Présente dans la salle, Aleksandra Jozwiak-Guyon, médecin à Fleurville, demandait s’il était possible d’améliorer les bilans MSA envoyés aux médecins généralistes, avec des « scores neurologiques ». Médecin du travail à la Mutualité sociale agricole de Bourgogne, le docteur Weirich rappelait que depuis 2012, la MSA reconnaît, après examen, la maladie de Parkinson comme maladie professionnelle. La maladie est prise en charge à 100 %. Depuis la dernière loi Travail, une visite médicale MSA est obligatoire tous les ans, « tous les deux ans avec un médecin » pour les salariés régulièrement exposés aux pesticides. Il présentait ensuite un nouveau logiciel (Seirich) développé par l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) accessible gratuitement sur le web. Ce dernier permet notamment de « compléter votre inventaire de produits en prenant simplement une photo » ou encore « d’identifier les priorités à gérer ou définir un plan d’action pour remplacer vos produits les plus dangereux ». Les informations réglementaires des produits sont régulièrement mises à jour sur www.seirich.fr. Un questionnaire permet aussi d’établir son document unique obligatoire dans toute entreprise sur l’évaluation des risques liés à l’utilisation des produits.
PDG du Moulin Marion à Saint-Jean-sur-Veyle (Ain), Maria Pelletier réclamait également des formations pour « améliorer la protection individuelle (EPI) » des salariés et exploitants, les constructeurs de tracteurs réalisant des « progrès », avec notamment des cabines pressurisées et filtrées.
Des professionnels formés
En fin de soirée, Maria Pelletier reprenait son rôle de présidente de l’ONG Générations Futures, « travaillant sur les problèmes de santé publique » et qui « n’est pas contre les agriculteurs ou les viticulteurs ». Par contre, elle s’attaquait aux « industriels » commercialisant des produits de synthèse, ces derniers n'étant pas présents à la soirée. Elle critiquait d'une part le secret industriel et, de l’autre, le manque de moyens de l’Anses pour vérifier les études obligatoires desdits industriels. Maria Pelletier aimerait voir les agriculteurs « avoir davantage accès aux informations de l’Anses pour qu’ils n’aient pas l’impression d’être agressés à chaque publication ».
Président de l'Union des producteurs de vins Mâcon (UPVM), Jérôme Chevalier insistait sur le fait que « la profession est déjà mobilisée », avec les services de l’Etat, localement sur les dossiers « chauds » pour dialoguer et « être moteur » autour des lieux sensibles. Premier à le prendre en compte, le viticulteur mentionnait l’aspect économique de la mise en pratique réelle de la réduction des doses épandues. « Il nous faut des pulvés face par face dans le rang qui coutent cher. Voilà pourquoi, cela se fait progressivement ». Un argument majeur malheureusement pas du goût de la salle. En charge du dossier Environnement à l’Union viticole 71, Marc Sangoy insistait pour faire comprendre à la salle : « les vignerons sont des professionnels formés, qui continuent d’évoluer. Mais perdre de la production dans nos appellations, c’est un risque économique important ». Une personne dans la salle invitait à la profession à « faire des choix alimentaires en tant que client ». Et chacun de s'accorder finalement sur le fait que tout part finalement de ce préambule…
Evidemment, il serait facile d’opposer dialogue local et négociation politique nationale.
Mais en prenant du recul, il est aussi possible de voir un nouveau dialogue. Tout comme la profession avait invité à Péronne la semaine dernière, le préfet et ses services à s’appuyer sur la Charte des bonnes pratiques phytosanitaires pour ré-expliquer la réglementation et les efforts fait en plus par la profession en Bourgogne, c’est dans cette continuité que plusieurs responsables viticoles ont défendu ce point de vue devant une salle pourtant majoritairement acquise à l’interdiction de tout pesticide.
Un biais restant toutefois à définir : les produits bio rentrent-ils ou non dans cette dénomination ? A l’évocation de la question, la salle semblait clairement faire une distinction en faveur du bio. Aucun représentant de l’Etat n’a pris la parole, seule l’élue du canton d’Hurigny, Catherine Fargeot, est intervenue.
Maladie de Parkinson et pesticides
Reste que la question initiale sur les "risques neurologiques liés à l’utilisation de pesticides" méritait une présentation détaillée pour le CMPS car, comme le rappelait en introduction le modérateur médical de la soirée, le docteur Guilhem Pinatel, « le lien avec la maladie de Parkinson est avéré ». Encore faut-il définir le niveau de risque ?
Chef de service à l’Hôpital neurologique de Lyon, le professeur Emmanuel Broussolle tempérait d’emblée les craintes sur le lien avec les pesticides : « les facteurs environnementaux ne sont pas prépondérants », mais la maladie est davantage liée à « de nombreux facteurs » génétiques. L’histoire (1916-1926) en Autriche et en France fait état d’une « infection » épidémique possible, « les métaux lourds peuvent induire Parkinson : manganèse, plomb, cuivre (impliqué dans la maladie de Wilson ressemblant à Parkinson), fer ». Ce n’est qu’à partir des années 1980 que quelques travaux scientifiques s’intéressent au lien entre Parkinson et les produits issus de « l’industrie chimique ». Si les pesticides sont soupçonnés, « plutôt que les herbicides, solvants ou carburants », le spectre à étudier est large dans la famille des produits de synthèse. Pour l’heure, seul le Paraquat a été interdit en 2008 par précaution.
La viticulture en première ligne ?
En France, en 2009, le docteur Alexis Elbaz va s’intéresser à des agriculteurs dans soixante-deux départements. « L’étude démontre que le risque de Parkinson en milieu rural, surtout chez les agriculteurs, est augmenté de 1,7 fois (voir moyenne en légende), augmentant avec la durée d’exposition. Ce qui est significatif » pour poursuivre des recherches, soulignait le professeur Broussolle. Une deuxième étude en cultures fruitières, puis une troisième en viticulture viennent resserrer la présomption d’un lien avec les pesticides. Ces dernières recherches datent de 2015 et seront prochainement publiées. « La viticulture ressort avec une prévalence (2,6 fois plus) plus importante ». En superposant le nombre de cas de maladies sur une période donnée à une carte de France des zones viticoles, le professeur Broussolle voit des zones « superposables, mais pas partout. Un peu en Bourgogne », montrait-il. Le cuivre semblerait hors de cause car il faudrait, selon lui, une « intoxication massive ».
Dès lors, sa conclusion n’était pas catégorique, les facteurs environnementaux - incluant les pesticides - ne représentent « pas beaucoup de pourcent, mais je suis incapable de donner un chiffre. Pesticides et Parkinson, c’est un petit pic ». Mais un « pic » très surveillé…
Améliorer la protection des individus
Présente dans la salle, Aleksandra Jozwiak-Guyon, médecin à Fleurville, demandait s’il était possible d’améliorer les bilans MSA envoyés aux médecins généralistes, avec des « scores neurologiques ». Médecin du travail à la Mutualité sociale agricole de Bourgogne, le docteur Weirich rappelait que depuis 2012, la MSA reconnaît, après examen, la maladie de Parkinson comme maladie professionnelle. La maladie est prise en charge à 100 %. Depuis la dernière loi Travail, une visite médicale MSA est obligatoire tous les ans, « tous les deux ans avec un médecin » pour les salariés régulièrement exposés aux pesticides. Il présentait ensuite un nouveau logiciel (Seirich) développé par l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) accessible gratuitement sur le web. Ce dernier permet notamment de « compléter votre inventaire de produits en prenant simplement une photo » ou encore « d’identifier les priorités à gérer ou définir un plan d’action pour remplacer vos produits les plus dangereux ». Les informations réglementaires des produits sont régulièrement mises à jour sur www.seirich.fr. Un questionnaire permet aussi d’établir son document unique obligatoire dans toute entreprise sur l’évaluation des risques liés à l’utilisation des produits.
PDG du Moulin Marion à Saint-Jean-sur-Veyle (Ain), Maria Pelletier réclamait également des formations pour « améliorer la protection individuelle (EPI) » des salariés et exploitants, les constructeurs de tracteurs réalisant des « progrès », avec notamment des cabines pressurisées et filtrées.
Des professionnels formés
En fin de soirée, Maria Pelletier reprenait son rôle de présidente de l’ONG Générations Futures, « travaillant sur les problèmes de santé publique » et qui « n’est pas contre les agriculteurs ou les viticulteurs ». Par contre, elle s’attaquait aux « industriels » commercialisant des produits de synthèse, ces derniers n'étant pas présents à la soirée. Elle critiquait d'une part le secret industriel et, de l’autre, le manque de moyens de l’Anses pour vérifier les études obligatoires desdits industriels. Maria Pelletier aimerait voir les agriculteurs « avoir davantage accès aux informations de l’Anses pour qu’ils n’aient pas l’impression d’être agressés à chaque publication ».
Président de l'Union des producteurs de vins Mâcon (UPVM), Jérôme Chevalier insistait sur le fait que « la profession est déjà mobilisée », avec les services de l’Etat, localement sur les dossiers « chauds » pour dialoguer et « être moteur » autour des lieux sensibles. Premier à le prendre en compte, le viticulteur mentionnait l’aspect économique de la mise en pratique réelle de la réduction des doses épandues. « Il nous faut des pulvés face par face dans le rang qui coutent cher. Voilà pourquoi, cela se fait progressivement ». Un argument majeur malheureusement pas du goût de la salle. En charge du dossier Environnement à l’Union viticole 71, Marc Sangoy insistait pour faire comprendre à la salle : « les vignerons sont des professionnels formés, qui continuent d’évoluer. Mais perdre de la production dans nos appellations, c’est un risque économique important ». Une personne dans la salle invitait à la profession à « faire des choix alimentaires en tant que client ». Et chacun de s'accorder finalement sur le fait que tout part finalement de ce préambule…