Exportations de vins de Bourgogne en Chine
Se positionner sur le luxe ?
L'Asie et la Chine sont des débouchés porteurs pour les vins de Bourgogne depuis cinq ans. L'exportation des vins rouges plus particulièrement décolle. Dans ce contexte, le Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne et
la chambre de commerce et d’industrie Région Bourgogne (CCIR) préparent
une opération pour fin octobre. Exporter, c'est bien ; avec une belle valeur-ajoutée, c'est mieux. Mais au fait, qu'en est-il du marché du luxe à la française depuis 10 ans ?
la chambre de commerce et d’industrie Région Bourgogne (CCIR) préparent
une opération pour fin octobre. Exporter, c'est bien ; avec une belle valeur-ajoutée, c'est mieux. Mais au fait, qu'en est-il du marché du luxe à la française depuis 10 ans ?
En Chine, le succès des vins de Bourgogne se confirme et s'amplifie régulièrement. Sur les quatre premier mois de l'année 2012, les exportations vers les marchés chinois et hongkongais ont doublé par rapport à la même période de 2011, d'après les chiffres du BIVB. Les chinois sont curieux de la richesse et l’incroyable diversité des vins de Bourgogne. Ainsi, pour répondre à une demande croissante, l’Ecole des Vins de Bourgogne propose désormais des formations et des séjours découverte qui leur sont particulièrement destinés. Dans ce contexte, le BIVB renouvelle aussi l’organisation de séminaires de formation et de rencontres avec la presse en Chine (Pékin, Shanghai, Hong Kong) et à Taiwan à l'automne prochain (26 octobre au 2 novembre), dans le cadre d’un Wine Tour, en partenariat avec la CCIR. Une trentaine de vignerons, négociants et caves coopératives, feront le déplacement.
Le niveau de connaissance des prescripteurs s’élevant rapidement, le BIVB proposera cette fois-ci une formation consacrée aux appellations village de Bourgogne.
Luxe : les surprises de l’eldorado chinois
L'excellent site paristechreview.com a récemment consacré un article sur le "Luxe : les surprises de l’eldorado chinois". Une bonne manière de comprendre les grandes différences de conception et de culture du luxe, que nous entretenons en Europe occidentale. Un eldorado ? D’ici 2020, 330 villes chinoises pourraient avoir le pouvoir d’achat de Shanghai en 2010. " Aujourd’hui, avec près de 12% du chiffre d’affaires mondial du secteur, la Chine est le troisième marché derrière les Etats-Unis et le Japon ", indique la revue, et même près de 30% des ventes mondiales en 2015. L’émergence d’une immense classe moyenne explique ce phénomène inédit par l'ampleur avec aussi de grandes fortunes : 320.000 Chinois sont millionnaires en dollars et, selon Forbes, 41 sont milliardaires.
Pas facile néanmoins de conquérir ce far-est. La Chine est un terrain hétérogène. Géographique tout d'abord. « avec une superficie deux fois et demi supérieure à celle des 27 pays européens » et des niveaux de vie, tout aussi inégaux. Il faut donc cibler précisément...
Le luxe face au « postmatérialisme oriental »
Variant en fonction des époques, des sociétés et des territoires, le luxe a tout de l’absolument relatif. Pourtant, en 2003, deux sociologues le synthétise ainsi : en tous temps et en tous lieux, le luxe enferme les dimensions du sacré, du rapport au temps et à soi. « Dans la consommation d’un objet de luxe, la ritualisation fait aussi partie du plaisir : on achète et on aime de la durée, de la mémoire, de l’éternité. Dans la société Kleenex, le luxe apporte ce contrepoids de durée qui conjure la mort en nous redonnant une profondeur de temporalité. Il y a paradoxalement une dimension métaphysique au cœur des passions les plus matérialistes ». En Europe, la fabrication du luxe repose sur une idéologie fondée sur l’auto-imitation et la fidélité à soi-même.
Mais la Chine secoue ce grand fondement. En effet, le pays ne compte aucune marque de luxe créée il y a 150 ans, et ne reconnaît pas comme signifiante l’inscription des maisons dans une durée perpétuelle (« Louis Vuitton depuis 1854 », « Hermès depuis 1837 »). L’histoire d’une marque sert surtout de mise en avant d’une légitimité. « Pour communiquer sur l’histoire d’une marque en Chine, il faut éviter les références incomprises et trop lointaines. Mais les grandes expositions remplissent bien cette fonction. Enfin, une autre manière est de rappeler les célébrités historiquement associées à elle, pourvu qu’elles soient suffisamment connues en Chine ! »
Plaisir privé à marque de puissance
Par ailleurs, sur les marchés émergents, les nouvelles élites des affaires veulent exprimer leur pouvoir récent et trouvent dans les marques de luxe l’outil idéal. Cette spécificité s’exprime a fortiori en Chine. La société chinoise était traditionnellement très hiérarchisée, mais l’histoire récente s’est traduite par une perte des repères (communisme). Désormais, « l’argent est devenu un paramètre fiable pour se situer socialement. » Et le luxe est donc moins un plaisir privé qu’un indicateur de puissance.
Néanmoins, ce n’est pas sa seule fonction sociale. « En Chine, on n’achète pas du luxe pour se distinguer comme c’est le cas en Europe, mais pour montrer que, plus qu’un autre, on a contribué à la réussite de la communauté ». Ainsi, en arrivant en Chine, une marque de luxe occidentale ne s’adresse pas à une culture individualiste, mais à une culture interpersonnelle. De la singularisation à l’occidentale, on passe à la démonstration d’une appartenance. Le « luxe hypermoderne » des régions asiatiques est au cœur de la machine sociale : « Consommer du luxe en Asie relève du sacrifice. Le produit de luxe s’enracine dans la crainte du déclassement, protège du risque social. C’est un impôt qui permet de ne pas rater sa vie. »
Investissement contre leur déclassement
Cet aspect met en perspective l’approche « investissement » des consommateurs chinois de luxe : « Les Chinois achètent une montre comme ils achèteraient un lingot. Ils recherchent une valeur perceptible et transmissible ».
Autre différence d’appréhension du luxe entre les Occidentaux et les Chinois : la notion de savoir-faire. « Les Chinois sont d’avantage fascinés par le design que par la fabrication. Le métier de main, l’artisan anonyme et la préciosité des matériaux utilisés, tout cela a moins de poids qu’un créateur charismatique ».
Les clientèles chinoises
En plus de bousculer quelques grands fondamentaux du luxe, la Chine abrite une clientèle à la sociologie un peu déroutante. La segmentation s’établit en premier lieu entre les villes. Ouverte sur le monde, familière avec le voyage, plus éduquée aussi, Shanghai dégage une certaine précocité stylistique. Pékin, capitale politique, enferme une clientèle plus conservatrice en matière de consommation de luxe. À Canton, où le luxe est arrivé tardivement, la demande est nettement tournée vers l’ostentation. Si l’on ajoute Hong-Kong et Taïwan d’un côté, et la centaine de villes de plus d’un million d’habitants de l’autre côté, il ne fait pas de doute que les différences d’une ville à l’autre constituent déjà un vrai défi. Par ailleurs, de manière transversale, les experts découpent la clientèle chinoise en diverses catégories. Si l’on met de côté le groupe évident des riches entrepreneurs, voici donc six spécificités.
Profondément ancrés dans la tradition chinoise du « cadeau », les clients du parti et du « guanxi », offrent des produits de luxe pour faire des affaires. Cela explique une clientèle masculine très massive d’une part. Nombreuses dans le sud de la Chine, les « deuxièmes femmes », les maîtresses gâtées par un riche businessman, constituent le second grand groupe de clients du luxe. Plus généralement, et du fait d’une indépendance financière grandissante, les femmes émergent comme une nouvelle catégorie, du reste très orientée vers la personnalisation. Les touristes chinois, de plus en plus nombreux et très friands de « virées shopping » à Hong-Kong, sont connus pour avoir un comportement bien particulier : le plus souvent, ils économisent sur certains postes de dépenses (hébergement, alimentation) pour mieux se rattraper sur leurs achats de luxe. Autre catégorie 100% chinoise, les « petits empereurs », c’est-à-dire la génération d’enfants uniques n’ayant connu que la Chine transformée. Contrairement à la tradition d’interdépendance décrite plus haut, ceux-là consomment pour eux seuls et avec une bonne connaissance du secteur. Enfin, les cols blancs, moins riches mais plus nombreux, constituent la dernière et immense catégorie des consommateurs chinois de luxe. Ils sont décrit comme ceux qui « sont prêts à économiser trois mois de salaire pour s’acheter un sac Louis Vuitton ».
Satisfaire à un désir
En plus de comprendre la segmentation sociologique de la clientèle chinoise, c’est aussi un travail de compréhension des désirs qui s’impose. Car une chose est sûre : on n’achète pas un produit de luxe pour répondre à un besoin, mais bien à un désir. Or le désir est directement inféodé à une culture, en l’occurrence très puissante en Chine. Cette quête est épineuse. Par exemple : « L’un des soucis majeurs d’Hermès est de savoir comment conquérir le cœur des Chinois (…) A priori la figure emblématique du cheval paraît être un bon lien entre Hermès et les Chinois, amateurs de jeux et de courses. Il représenterait notre meilleur ambassadeur en vue de créer une ‘maison de cœur’ et non d’argent ». Le labour des vignes à cheval peut être un argument adapté dès lors...
Notons qu’à l’autre bout de la chaîne, les agences de communication déclinent, adaptent, retaillent. La campagne print pour Cartier au moment des fêtes de fin d’année 2011 mettait en scène la panthère posée dans la neige aux côtés d’un joli paquet blanc : « Le blanc étant la couleur funéraire en Chine, le client nous a demandé s’il était envisageable de mettre plutôt une neige rouge ! Au final, nous avons substitué à la neige blanche un simple fond rouge. En Chine, la couleur symbolise le bonheur et réussite, c’est aussi celle du drapeau… Et du reste, c’est surtout la couleur de Cartier. »
Face à cette navigation à vue, sans doute les grandes marques européennes doivent-elles renouer avec la définition du luxe : « Et si le luxe, souvent pris comme symbole de l’excès, était au contraire une question d’équilibre ? » L'équilibre de vins rouges de Bourgogne peut-être ?
Le niveau de connaissance des prescripteurs s’élevant rapidement, le BIVB proposera cette fois-ci une formation consacrée aux appellations village de Bourgogne.
Luxe : les surprises de l’eldorado chinois
L'excellent site paristechreview.com a récemment consacré un article sur le "Luxe : les surprises de l’eldorado chinois". Une bonne manière de comprendre les grandes différences de conception et de culture du luxe, que nous entretenons en Europe occidentale. Un eldorado ? D’ici 2020, 330 villes chinoises pourraient avoir le pouvoir d’achat de Shanghai en 2010. " Aujourd’hui, avec près de 12% du chiffre d’affaires mondial du secteur, la Chine est le troisième marché derrière les Etats-Unis et le Japon ", indique la revue, et même près de 30% des ventes mondiales en 2015. L’émergence d’une immense classe moyenne explique ce phénomène inédit par l'ampleur avec aussi de grandes fortunes : 320.000 Chinois sont millionnaires en dollars et, selon Forbes, 41 sont milliardaires.
Pas facile néanmoins de conquérir ce far-est. La Chine est un terrain hétérogène. Géographique tout d'abord. « avec une superficie deux fois et demi supérieure à celle des 27 pays européens » et des niveaux de vie, tout aussi inégaux. Il faut donc cibler précisément...
Le luxe face au « postmatérialisme oriental »
Variant en fonction des époques, des sociétés et des territoires, le luxe a tout de l’absolument relatif. Pourtant, en 2003, deux sociologues le synthétise ainsi : en tous temps et en tous lieux, le luxe enferme les dimensions du sacré, du rapport au temps et à soi. « Dans la consommation d’un objet de luxe, la ritualisation fait aussi partie du plaisir : on achète et on aime de la durée, de la mémoire, de l’éternité. Dans la société Kleenex, le luxe apporte ce contrepoids de durée qui conjure la mort en nous redonnant une profondeur de temporalité. Il y a paradoxalement une dimension métaphysique au cœur des passions les plus matérialistes ». En Europe, la fabrication du luxe repose sur une idéologie fondée sur l’auto-imitation et la fidélité à soi-même.
Mais la Chine secoue ce grand fondement. En effet, le pays ne compte aucune marque de luxe créée il y a 150 ans, et ne reconnaît pas comme signifiante l’inscription des maisons dans une durée perpétuelle (« Louis Vuitton depuis 1854 », « Hermès depuis 1837 »). L’histoire d’une marque sert surtout de mise en avant d’une légitimité. « Pour communiquer sur l’histoire d’une marque en Chine, il faut éviter les références incomprises et trop lointaines. Mais les grandes expositions remplissent bien cette fonction. Enfin, une autre manière est de rappeler les célébrités historiquement associées à elle, pourvu qu’elles soient suffisamment connues en Chine ! »
Plaisir privé à marque de puissance
Par ailleurs, sur les marchés émergents, les nouvelles élites des affaires veulent exprimer leur pouvoir récent et trouvent dans les marques de luxe l’outil idéal. Cette spécificité s’exprime a fortiori en Chine. La société chinoise était traditionnellement très hiérarchisée, mais l’histoire récente s’est traduite par une perte des repères (communisme). Désormais, « l’argent est devenu un paramètre fiable pour se situer socialement. » Et le luxe est donc moins un plaisir privé qu’un indicateur de puissance.
Néanmoins, ce n’est pas sa seule fonction sociale. « En Chine, on n’achète pas du luxe pour se distinguer comme c’est le cas en Europe, mais pour montrer que, plus qu’un autre, on a contribué à la réussite de la communauté ». Ainsi, en arrivant en Chine, une marque de luxe occidentale ne s’adresse pas à une culture individualiste, mais à une culture interpersonnelle. De la singularisation à l’occidentale, on passe à la démonstration d’une appartenance. Le « luxe hypermoderne » des régions asiatiques est au cœur de la machine sociale : « Consommer du luxe en Asie relève du sacrifice. Le produit de luxe s’enracine dans la crainte du déclassement, protège du risque social. C’est un impôt qui permet de ne pas rater sa vie. »
Investissement contre leur déclassement
Cet aspect met en perspective l’approche « investissement » des consommateurs chinois de luxe : « Les Chinois achètent une montre comme ils achèteraient un lingot. Ils recherchent une valeur perceptible et transmissible ».
Autre différence d’appréhension du luxe entre les Occidentaux et les Chinois : la notion de savoir-faire. « Les Chinois sont d’avantage fascinés par le design que par la fabrication. Le métier de main, l’artisan anonyme et la préciosité des matériaux utilisés, tout cela a moins de poids qu’un créateur charismatique ».
Les clientèles chinoises
En plus de bousculer quelques grands fondamentaux du luxe, la Chine abrite une clientèle à la sociologie un peu déroutante. La segmentation s’établit en premier lieu entre les villes. Ouverte sur le monde, familière avec le voyage, plus éduquée aussi, Shanghai dégage une certaine précocité stylistique. Pékin, capitale politique, enferme une clientèle plus conservatrice en matière de consommation de luxe. À Canton, où le luxe est arrivé tardivement, la demande est nettement tournée vers l’ostentation. Si l’on ajoute Hong-Kong et Taïwan d’un côté, et la centaine de villes de plus d’un million d’habitants de l’autre côté, il ne fait pas de doute que les différences d’une ville à l’autre constituent déjà un vrai défi. Par ailleurs, de manière transversale, les experts découpent la clientèle chinoise en diverses catégories. Si l’on met de côté le groupe évident des riches entrepreneurs, voici donc six spécificités.
Profondément ancrés dans la tradition chinoise du « cadeau », les clients du parti et du « guanxi », offrent des produits de luxe pour faire des affaires. Cela explique une clientèle masculine très massive d’une part. Nombreuses dans le sud de la Chine, les « deuxièmes femmes », les maîtresses gâtées par un riche businessman, constituent le second grand groupe de clients du luxe. Plus généralement, et du fait d’une indépendance financière grandissante, les femmes émergent comme une nouvelle catégorie, du reste très orientée vers la personnalisation. Les touristes chinois, de plus en plus nombreux et très friands de « virées shopping » à Hong-Kong, sont connus pour avoir un comportement bien particulier : le plus souvent, ils économisent sur certains postes de dépenses (hébergement, alimentation) pour mieux se rattraper sur leurs achats de luxe. Autre catégorie 100% chinoise, les « petits empereurs », c’est-à-dire la génération d’enfants uniques n’ayant connu que la Chine transformée. Contrairement à la tradition d’interdépendance décrite plus haut, ceux-là consomment pour eux seuls et avec une bonne connaissance du secteur. Enfin, les cols blancs, moins riches mais plus nombreux, constituent la dernière et immense catégorie des consommateurs chinois de luxe. Ils sont décrit comme ceux qui « sont prêts à économiser trois mois de salaire pour s’acheter un sac Louis Vuitton ».
Satisfaire à un désir
En plus de comprendre la segmentation sociologique de la clientèle chinoise, c’est aussi un travail de compréhension des désirs qui s’impose. Car une chose est sûre : on n’achète pas un produit de luxe pour répondre à un besoin, mais bien à un désir. Or le désir est directement inféodé à une culture, en l’occurrence très puissante en Chine. Cette quête est épineuse. Par exemple : « L’un des soucis majeurs d’Hermès est de savoir comment conquérir le cœur des Chinois (…) A priori la figure emblématique du cheval paraît être un bon lien entre Hermès et les Chinois, amateurs de jeux et de courses. Il représenterait notre meilleur ambassadeur en vue de créer une ‘maison de cœur’ et non d’argent ». Le labour des vignes à cheval peut être un argument adapté dès lors...
Notons qu’à l’autre bout de la chaîne, les agences de communication déclinent, adaptent, retaillent. La campagne print pour Cartier au moment des fêtes de fin d’année 2011 mettait en scène la panthère posée dans la neige aux côtés d’un joli paquet blanc : « Le blanc étant la couleur funéraire en Chine, le client nous a demandé s’il était envisageable de mettre plutôt une neige rouge ! Au final, nous avons substitué à la neige blanche un simple fond rouge. En Chine, la couleur symbolise le bonheur et réussite, c’est aussi celle du drapeau… Et du reste, c’est surtout la couleur de Cartier. »
Face à cette navigation à vue, sans doute les grandes marques européennes doivent-elles renouer avec la définition du luxe : « Et si le luxe, souvent pris comme symbole de l’excès, était au contraire une question d’équilibre ? » L'équilibre de vins rouges de Bourgogne peut-être ?