Sécheresses 2018 et 2019 Calamités et assurances en questions
Les fortes sécheresses 2018 et 2019 ont été des épreuves de taille pour les exploitations de nos territoires, les près, les cultures, les animaux et les Hommes. Répétitives, elles posent de nombreuses questions sur les outils et les systèmes permettant habituellement d’atténuer l’impact de ces risques. Des assurances qui ne trouvent pas encore leur rythme au fonds des calamité qui reste incontournable en passant par les aides publiques exceptionnelles, il semble de plus en plus nécessaire que la prochaine Pac s’attaque aux lourdes conséquences du changement climatique.
Retour sur les actions en cours et plus largement analyse des pistes qui devraient être étudiées avec Christian Bajard, président de la FDSEA de Saône-et-Loire.

En 2018, une forte sécheresse a frappé le département, quelles conséquences et quelles actions avez vous entreprises pour aider les agriculteurs ?
Christian Bajard : A la fin de l’été et jusqu’au début de l’hiver 2018, la forte sécheresse a fragilisé de nombreuses exploitations, notamment sur l’affourragement des animaux. Rapidement, la profession - FDSEA, JA et Chambre d’Agriculture - ont engagé toutes les démarches collectives possibles. Ce qui a permis d’être reconnu « éligible » au fond national de garantie des calamités agricoles. Une enveloppe de 11 millions d’€ est revenue sur les exploitations de Saône-et-Loire. De plus, avec la compréhension des services fiscaux, nous avons obtenu 4 millions d’€ de dégrèvement TFNB. Enfin, nos sollicitations ont été suivies d’effets au Conseil départemental et au Conseil régional, respectivement avec un prêt d’honneur de 10.000 € à taux zéro et une aide à l’UGB, le tout pour soutenir les trésoreries des exploitations.
En revanche, nous n’étions pas satisfait de l’exclusion du fond de calamité des exploitations diversifiées (notamment en caprins et ovins) ou laitières, nous avons donc travaillé sans cesse en 2019 avec la FNSEA pour faire abaisser les taux d’éligibilité de 13% à 11% de perte de produit brut. Depuis le 4 novembre dernier ce taux est acquis pour les calamités 2018 ! Sans nouvelle demande les exploitations concernées, à qui nous avions conseillé de remplir leur dossier, vont ainsi bénéficier des calamités pour l’année 2018, une centaine selon la DDT. Des dossiers non déposés pourraient être également rattrapés, la DDT a écrit en ce sens aux exploitations concernées.
Par contre, le ministère n’a pas encore répondu à notre demande d’appliquer ce même taux, 11%, en 2019.
En parallèle, nous avons travaillé sur les barèmes calamités des productions caprines et ovines que nous trouvons encore surestimés par rapport à la réalité de nos exploitations. Le Comité départemental d’expertise (CDE) - dans lequel nous siégeons – vise une mise en application des nouvelles valeurs en produit brut à partir de 2020.
En 2019, nouvelle sécheresse, plus intense encore, où en sont les démarches ?
C.B. : Suite au nouvel épisode de sécheresse en 2019, particulièrement intense sur la partie Ouest du département, la profession (FDSEA, JA, CA) a mobilisé ses services et les administrations. DDT et DDFIP ont été très réactives. Les visites terrain ont mis en évidence le niveau des difficultés des éleveurs afin de relancer un nouveau dossier Calamités et dégrèvement TFNB. Le Comité Départemental d’Epertise a travaillé pour solliciter la reconnaissance d’une bonne partie du département. Notre dossier a été validé rapidement et déposé immédiatement au comité national pour passer dès le CNGRA du 18 décembre.
Nous avons également demandé des dégrèvements TFNB. L’administration fiscale départementale a ainsi rapidement donné un avis favorable. Les taux sont de 60 % sur prairies pour les quatre régions fourragères les plus à l’Ouest du département. Une trentaine de communes du Chalonnais en bordure ont également pu en bénéficier. A l’Est du département, le taux s’élève à 30 % de dégrèvements sur prairies. Ainsi, en ce qui concerne les indemnisations pour les dégrèvements de TFNB, les montants sont d’ores et déjà plus importants cette année, de l’ordre de 7 millions d’€ à l’échelle du département contre 4 millions pour la sécheresse 2018.
Craignant que ce genre d’aléas ne se multiplie et pour apporter une réponse concrète aux demandes que nous portons avec la FRSEA, le Conseil régional va se concentrer sur une enveloppe budgétaire pour favoriser le stockage de fourrage et la gestion de l’eau pour l’abreuvement et l’irrigation.
Enfin, le Conseil départemental a repoussé d’un an la première échéance de remboursement des prêts d’honneur, toujours dans le but de soulager les trésoreries des exploitations en difficultés avec ces deux sécheresses successives.
Les exploitations diversifiées et laitières ont-elles un jour une chance d’être éligibles ? Quelles autres solutions sinon ?
C.B. : Nous cherchons des solutions avec l’administration pour rendre éligibles les exploitations exclues du dispositif (diversifiées ou laitières). Dans le cadre du CDE et via la révision du barème départemental, on se bat pour obtenir des ajustements des valeurs de produit brut qui soient en phase avec la réalité du terrain, ou encore obtenir à nouveaux un taux d’éligibilité calamité dès 11 % seulement de perte de produit brut. Ces dispositifs montrent leurs limites.
D’où l’intérêt de développer les assurances prairies, à condition néanmoins là encore, de créer un système qui fonctionne. Nous nous interrogeons fortement sur le critère de moyenne olympique sur 5 ans, ne tenant pas compte de la meilleure et de la pire année de rendement. Avec la répétition des aléas climatiques – ou sanitaire - cela pose problème en viticulture, en grandes cultures comme en élevage sur la production d’herbe. Nous attirons donc l’attention de tous, et notamment des pouvoirs publics, sur le fait que le système assurantiel actuel n’est pas adapté au changement climatique et aux aléas à répétition. Une rencontre avec Pacifica a eu lieu pour en débattre et nous en avons convenu. Les clients ne peuvent pas être satisfaits et cela risque d’enterrer l’assurance prairie. J’appelle néanmoins les assureurs à informer – précisément et en amont de la signature - les agriculteurs des limites de ces contrats (moyenne olympique, franchise…) d’assurance au moment de la souscription pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté ensuite. La crédibilité des assureurs est en jeu. Il serait dommageable que les souscripteurs d’assurance prairie soient plus pénalisés que ceux touchant les calamités agricoles.
Alors quelles solutions à long terme pour chercher à mieux sécuriser tout le monde ?
C.B. : Nous travaillons à une possibilité de coordination/complémentarité entre fond « public » de calamité et fond assurantiel afin que les agriculteurs soient mieux indemnisés. La France a fait le choix d’exclure les agriculteurs assurés du bénéfice des calamités en 2017. Pourquoi, alors qu’ils contribuent via leurs cotisations d’assurance à alimenter le ond de Calamité.
Les négociations de la future Pac sont aussi l’occasion d’anticiper le dérèglement climatique en faisant par exemple évoluer le critère de moyenne olympique, obligatoire pour les assurances.
Des pistes existent d’un dispositif se rapprochant du fonctionnement des fonds de mutualisation sanitaire et environnemental (FMSE).
Au delà, pour affronter des sécheresses ou autres aléas, il faut aussi retrouver des situations économiques plus favorables ! C’est tout le sens de notre combat pour des prix de vente plus justes et rémunérateurs. Ce qui nous permettrait plus facilement de déployer des solutions techniques face au changement climatique après.
Sécheresses 2018 et 2019 Calamités et assurances en questions

En 2018, une forte sécheresse a frappé le département, quelles conséquences et quelles actions avez vous entreprises pour aider les agriculteurs ?
Christian Bajard : A la fin de l’été et jusqu’au début de l’hiver 2018, la forte sécheresse a fragilisé de nombreuses exploitations, notamment sur l’affourragement des animaux. Rapidement, la profession - FDSEA, JA et Chambre d’Agriculture - ont engagé toutes les démarches collectives possibles. Ce qui a permis d’être reconnu « éligible » au fond national de garantie des calamités agricoles. Une enveloppe de 11 millions d’€ est revenue sur les exploitations de Saône-et-Loire. De plus, avec la compréhension des services fiscaux, nous avons obtenu 4 millions d’€ de dégrèvement TFNB. Enfin, nos sollicitations ont été suivies d’effets au Conseil départemental et au Conseil régional, respectivement avec un prêt d’honneur de 10.000 € à taux zéro et une aide à l’UGB, le tout pour soutenir les trésoreries des exploitations.
En revanche, nous n’étions pas satisfait de l’exclusion du fond de calamité des exploitations diversifiées (notamment en caprins et ovins) ou laitières, nous avons donc travaillé sans cesse en 2019 avec la FNSEA pour faire abaisser les taux d’éligibilité de 13% à 11% de perte de produit brut. Depuis le 4 novembre dernier ce taux est acquis pour les calamités 2018 ! Sans nouvelle demande les exploitations concernées, à qui nous avions conseillé de remplir leur dossier, vont ainsi bénéficier des calamités pour l’année 2018, une centaine selon la DDT. Des dossiers non déposés pourraient être également rattrapés, la DDT a écrit en ce sens aux exploitations concernées.
Par contre, le ministère n’a pas encore répondu à notre demande d’appliquer ce même taux, 11%, en 2019.
En parallèle, nous avons travaillé sur les barèmes calamités des productions caprines et ovines que nous trouvons encore surestimés par rapport à la réalité de nos exploitations. Le Comité départemental d’expertise (CDE) - dans lequel nous siégeons – vise une mise en application des nouvelles valeurs en produit brut à partir de 2020.
En 2019, nouvelle sécheresse, plus intense encore, où en sont les démarches ?
C.B. : Suite au nouvel épisode de sécheresse en 2019, particulièrement intense sur la partie Ouest du département, la profession (FDSEA, JA, CA) a mobilisé ses services et les administrations. DDT et DDFIP ont été très réactives. Les visites terrain ont mis en évidence le niveau des difficultés des éleveurs afin de relancer un nouveau dossier Calamités et dégrèvement TFNB. Le Comité Départemental d’Epertise a travaillé pour solliciter la reconnaissance d’une bonne partie du département. Notre dossier a été validé rapidement et déposé immédiatement au comité national pour passer dès le CNGRA du 18 décembre.
Nous avons également demandé des dégrèvements TFNB. L’administration fiscale départementale a ainsi rapidement donné un avis favorable. Les taux sont de 60 % sur prairies pour les quatre régions fourragères les plus à l’Ouest du département. Une trentaine de communes du Chalonnais en bordure ont également pu en bénéficier. A l’Est du département, le taux s’élève à 30 % de dégrèvements sur prairies. Ainsi, en ce qui concerne les indemnisations pour les dégrèvements de TFNB, les montants sont d’ores et déjà plus importants cette année, de l’ordre de 7 millions d’€ à l’échelle du département contre 4 millions pour la sécheresse 2018.
Craignant que ce genre d’aléas ne se multiplie et pour apporter une réponse concrète aux demandes que nous portons avec la FRSEA, le Conseil régional va se concentrer sur une enveloppe budgétaire pour favoriser le stockage de fourrage et la gestion de l’eau pour l’abreuvement et l’irrigation.
Enfin, le Conseil départemental a repoussé d’un an la première échéance de remboursement des prêts d’honneur, toujours dans le but de soulager les trésoreries des exploitations en difficultés avec ces deux sécheresses successives.
Les exploitations diversifiées et laitières ont-elles un jour une chance d’être éligibles ? Quelles autres solutions sinon ?
C.B. : Nous cherchons des solutions avec l’administration pour rendre éligibles les exploitations exclues du dispositif (diversifiées ou laitières). Dans le cadre du CDE et via la révision du barème départemental, on se bat pour obtenir des ajustements des valeurs de produit brut qui soient en phase avec la réalité du terrain, ou encore obtenir à nouveaux un taux d’éligibilité calamité dès 11 % seulement de perte de produit brut. Ces dispositifs montrent leurs limites.
D’où l’intérêt de développer les assurances prairies, à condition néanmoins là encore, de créer un système qui fonctionne. Nous nous interrogeons fortement sur le critère de moyenne olympique sur 5 ans, ne tenant pas compte de la meilleure et de la pire année de rendement. Avec la répétition des aléas climatiques – ou sanitaire - cela pose problème en viticulture, en grandes cultures comme en élevage sur la production d’herbe. Nous attirons donc l’attention de tous, et notamment des pouvoirs publics, sur le fait que le système assurantiel actuel n’est pas adapté au changement climatique et aux aléas à répétition. Une rencontre avec Pacifica a eu lieu pour en débattre et nous en avons convenu. Les clients ne peuvent pas être satisfaits et cela risque d’enterrer l’assurance prairie. J’appelle néanmoins les assureurs à informer – précisément et en amont de la signature - les agriculteurs des limites de ces contrats (moyenne olympique, franchise…) d’assurance au moment de la souscription pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté ensuite. La crédibilité des assureurs est en jeu. Il serait dommageable que les souscripteurs d’assurance prairie soient plus pénalisés que ceux touchant les calamités agricoles.
Alors quelles solutions à long terme pour chercher à mieux sécuriser tout le monde ?
C.B. : Nous travaillons à une possibilité de coordination/complémentarité entre fond « public » de calamité et fond assurantiel afin que les agriculteurs soient mieux indemnisés. La France a fait le choix d’exclure les agriculteurs assurés du bénéfice des calamités en 2017. Pourquoi, alors qu’ils contribuent via leurs cotisations d’assurance à alimenter le ond de Calamité.
Les négociations de la future Pac sont aussi l’occasion d’anticiper le dérèglement climatique en faisant par exemple évoluer le critère de moyenne olympique, obligatoire pour les assurances.
Des pistes existent d’un dispositif se rapprochant du fonctionnement des fonds de mutualisation sanitaire et environnemental (FMSE).
Au delà, pour affronter des sécheresses ou autres aléas, il faut aussi retrouver des situations économiques plus favorables ! C’est tout le sens de notre combat pour des prix de vente plus justes et rémunérateurs. Ce qui nous permettrait plus facilement de déployer des solutions techniques face au changement climatique après.