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Flavescence dorée

Solidarité avant de mutualiser

A J-9 avant l’obligation réglementaire d’arracher les vignes présentant
plus de 20 % de pieds infectés, les viticulteurs "victimes" de la
flavescence dorée en 2012 n’ont encore aucune certitude sur une possible
indemnisation. Un mécanisme de solidarité pourrait voir le jour,
servant de base pour le prochain fonds de mutualisation. Le point sur
ces dossiers complexes qui prennent, en Bourgogne, une envergure
nationale…
Par Publié par Cédric Michelin
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Depuis la réunion du 11 octobre 2012, sous l’égide du préfet de Saône-et-Loire, la question de l’indemnisation des viticulteurs frappés par la flavescence dorée est sur la table. En effet, maladie réglementée oblige, les parcelles présentant plus de 20 % de pieds infestés devront être arrachées, théoriquement avant le 31 mars.
"Victimes", les viticulteurs vont donc devoir faire face aux coûts de l’arrachage, de la replantation des pieds et des pertes de récoltes à venir. Le futur ex-préfet, François Philizot, s’est montré très tôt sensible à cette situation de crise menaçant des viticulteurs. Il a pris rendez-vous au ministère de l’Agriculture en novembre dernier pour évoquer la piste d’un Fonds de mutualisation sanitaire et environnemental (FMSE) avec le cabinet du ministre, la DGAl (direction générale de l’alimentation) et la DGPAAT (direction générale des politiques agricoles, alimentaires et des territoires). L’idée de ce fonds fut ensuite reprise par le député du Mâconnais, par ailleurs membre de la Commission des finances à l’Assemblée nationale, Thomas Thévenoud, ou encore rappelée au président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, lors de sa visite à la cave de Viré. Toutefois, malgré tous ces efforts, nul n’est en mesure pour l’heure d’affirmer ou d’officialiser un quelconque dispositif d’indemnisation pour ce début 2013.
En lien avec l’administration centrale à Paris, la directrice adjointe de la direction départementale des Territoires adjointe (DDT), Florence Laubier, a cependant bon espoir de voir « ce dispositif opérationnel fin 2013 ». Malheureusement, la Saône-et-Loire a besoin que ce dispositif soit opérationnel dès ce début d’année 2013 : 11,31 ha devront être arraché dans le Mâconnais d’ici le 31 mars si les conditions pédoclimatiques le permettent.

40.000 €/ha arraché de préjudice



Néanmoins, une autre piste est évoquée : le mécanisme de solidarité qui, lui, est régi par un autre article du Code rural (L251-9). Contrairement au fonds de mutualisation, le fonds de solidarité ne s’applique qu’au seul monde végétal. Ce mécanisme de solidarité indemnise déjà les agriculteurs des pertes liées à des maladies réglementées, comme pour la chrysomèle des racines du maïs ou la Sharka pour les fruits à noyau. Le mécanisme de solidarité est abondé par la profession et l’État, en proportions variables selon les cas (respectivement 50/50 pour la chrysomèle du maïs, 35/65 pour la sharka sur fruits à noyaux).
Ce dispositif étant d’ores et déjà opérationnel pour certaines cultures, début 2013, une nouvelle réunion préfectorale avec les partenaires avait donc acté d’avancer sur ce mécanisme de solidarité plutôt que sur le fonds de mutualisation. L’objectif étant alors de réussir à chiffrer les préjudices et fixer un ratio d’indemnisation. Basé sur la méthode retenue pour les calamités agricoles, un premier calcul réalisé par la DDT, avait évalué le préjudice lié à la flavescence dorée (arrachage, coût de replantation et pertes de fonds) à 40.000 € par hectare arraché, en moyenne, avec une variable suivant l’âge de la vigne. Cette évaluation, qui n’est aujourd’hui pas encore définitive, constituerait l’assiette de calcul d’une indemnisation.


Des répercussions nationales



Sur ces bases, avec 11,31 hectares à indemniser, cela ferait déjà environ 450.000 € d’indemnisation pour les viticulteurs de Saône-et-Loire. Le BIVB a déjà annoncé pouvoir apporter 200.000 € au fonds de solidarité, lequel devrait être mis en place avec un abondement de fonds publics. La CAVB s’est dit prête à gérer le mécanisme même si « aucun dossier officiel de demande d’agrément ou de reconnaissance de la caisse par la préfecture de Région Bourgogne » n’a pour l’heure été enregistré.
Surtout, l’Etat, lui, n’a encore rien officialisé à ce jour. « D’où l’incertitude », reconnaît la directrice adjointe de la DDT de Saône-et-Loire. D’autant qu’« à terme, ce mécanisme de solidarité a vocation à préfigurer la section viticole du prochain fonds de mutualisation », avertit Florence Laubier.
Au national, une association FNSEA-JA travaille activement à la création de ce fonds de mutualisation avec le ministère. « La "crainte" est d’être "trop" large sur la fixation des montants de préjudice et sur les taux d’indemnisation, et qu’ensuite, lorsque cela sera généralisé sur toute la France, personne ne puisse plus suivre derrière ». En 2010, en France, quelques 456.000 ha étaient en effet sous périmètre de lutte obligatoire contre la flavescence dorée…




Rappel historique



De 2004 à 2010, des foyers de quelques pieds de flavescence dorée ont été repérés en Bourgogne, vite éradiqués après la lutte obligatoire mise en place sur 2-3 communes. En octobre 2011, un foyer, "inédit" par son importance, a été découvert tardivement à Plottes, au nord du Mâconnais. En urgence, la prospection s’est organisée pour prélever des feuilles sur des pieds présentant des symptômes. Les analyses ont confirmé la présence du phytoplasme de la flavescence dorée sur Plottes, Chardonnay et Ozenay. Dès lors, dès qu’un pied est infesté, s’applique l’arrêté ministériel classant réglementairement toute la commune du foyer en périmètre de lutte obligatoire. En accord avec la profession viticole, un large périmètre de 19 communes - recouvrant 1.500 ha - a été étendu par arrêté préfectoral, avec un plan de lutte comprenant : l’arrachage des pieds malades, l’utilisation de plants sains (traités à l’eau chaude comme prévu dans les cahiers des charges des AOC et ceux des pépiniéristes) ainsi que trois traitements insecticides en période d’éclosion des larves. En 2012, alors que la maladie ne s’exprime qu’après une à plusieurs années de développement dans le végétal, l’extension s’est confirmée à l’intérieur de la zone de lutte. Sur 530 prélèvements au total, 150 se sont révélés positifs. La maladie s’est étendue sur 16 communes touchées et au delà du périmètre (8 nouvelles communes), dont le Chalonnais. En octobre 2012, la profession avec les services de l’Etat ont décidé d’étendre à nouveau le périmètre de lutte. L’ensemble du département a donc été classé en lutte obligatoire, pour créer aussi des bandes sanitaires, et ainsi espérer contenir l’extension de la maladie se dirigeant vers la Côte-d’Or et le Rhône.




Les questions qui restent à régler



Hormis la question du financement des indemnisations, bien d’autres questions demeurent en suspens. Qui va porter ce mécanisme ? Comment va fonctionner la structure ? Comment ce fonds sera-t-il alimenté ? Pendant quelle durée ? Combien cela va-t-il coûter au total ? A quelle hauteur indemniser ?... Ou encore, quid de l’indemnisation des propriétaires de vignes arrachées dans le cas de baux viticoles ? Quelles conséquences sur l’agrément Icone/INAO en terme de pieds manquants ?
Le financement de la prospection et des analyses n’est pas non plus bouclé. Le conseil d’administration BIVB du vendredi 8 mars a voté une aide de 100.000 € pour financer le volet "Prospection" de la flavescence dorée. Soit 25 % du coût annuel de la prospection, selon le BIVB, qui table donc sur 400.000 € de frais de prospection. Pour compléter le reste du financement de la prospection - avec peut-être des aides des collectivités publiques - une CVO (Contribution volontaire obligatoire) de 10 €/ha appelée par la CAVB auprès de toutes les ODG de Bourgogne pourrait voir le jour. 100 % des ODG bourguignonnes « joueront-elles le jeu » ? La CAVB s’est attachée à « convaincre sans effrayer ». Côté technique sur le terrain, la Fredon a présenté le plan d’actions qui repose avant tout sur une prospection fine en particulier en Saône-et-Loire et des traitements insecticides : trois en Saône-et-Loire et un en Côte-d’Or (arrêtés préfectoraux) pour faire baisser les niveaux de populations et une surveillance dans l’Yonne. Le conseil général de Saône-et-Loire complète par une aide via le laboratoire départemental d’analyse agréé.


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