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Rencontre technique soja

Synchroniser production et transformation

« Contrairement aux autres protéagineux, en soja, toute la difficulté
est de synchroniser l’augmentation des surfaces et le développement des
outils de transformation par lesquels on est obligé de passer
». La
problématique de la filière soja était ainsi d’emblée posée.
Par Publié par Cédric Michelin
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De l’organisation interprofessionnelle des graines et fruits oléagineux (Onidol), Françoise Labalette observe que « ces dernières années, la flambée des prix du non-OGM incite à la production mais les usines ne se sont pas construites dans le même temps. L’urgence est donc de structurer l’industrialisation dans les deux campagnes à venir ». Avant-gardiste, la Saône-et-Loire fait en cela figure de modèle. Dès 1988, la coopérative Bourgogne du Sud avait créé Extrusel. Actuellement, ce site industriel triture 10.000 t de soja par an, valorisés en tourteaux non OGM (HP Expeller) et en huile contractualisée avec Lesieur. Ce « bel outil » va « d’ici l’automne » voir sa capacité monter à 45.000 t/an, expliquait Johan Joly. Car les besoins sont énormes. La France importe 4,5 Mt de tourteaux de soja par an.
Pour regagner une partie de ce marché, la filière française vise 250.000 ha en production à terme. 43.000 ha étaient en production en 2013 ; 74.700 ha en 2014 et les semis - « en forte progression » - devraient permettre de dépasser les 100.000 ha cette année. Les zones historiques sont situées en vallée Rhône-Rhin-Saône et dans le Sud-Ouest. Mais d’autres régions poussent. Car l’intérêt serait de valoriser « en direct » avec les filières animales. « Il faut aussi une volonté de stabiliser la consommation et sortir de ce yoyo des prix des tourteaux ou des comparaisons de prix soja/maïs. On peut gagner autant sur le moyen terme », expliquait la coopérative Terres Dauphinoise.

50 % de semences de ferme



Mais là n’était pas la question de cette réunion technique régionale Prolea-Cetiom ce 19 février à Chalon-sur-Saône (Bourgogne). Si un temps les recherches en terme d’amélioration variétale soja ont été arrêtées, le projet SojaMip (Inra, Cetiom, Onidol) et les deux sélectionneurs restants faisant de la « création variétale » (RAGT, Euralis) comptent bien maintenant profiter du Plan protéines, voulu par le ministre de "l’Agroécologie", pour se relancer. « Aujourd’hui, le dispositif est 100 % français et local » allant de la création variétale jusqu’à la sélection de semences, leurs évaluations et productions pour mise en cultures. Chaque année, entre 2 et 4 nouvelles variétés arrivent sur le marché. Un rythme « paraissant lent » comparativement à celui en maïs. Pour justifier ce fait, l’Onidol rappelle que 50 % des semis sont fait avec des semences de ferme, ne finançant pas les recherches publiques ou privées.

Une sélection qui manque de goût



L’innovation porte souvent sur l’aspect précocité, mais la résistance à la verse et aux maladies (sclérotinia) ou encore à la sécheresse « progresse ». Tout comme le potentiel de rendement et la teneur en protéine, critère qui offre « de bons débouchés valorisés en alimentation humaine ». A l’étranger, des programmes de sélection s’orientent d’ailleurs sur le goût. Par exemple, « en Alsace, Alpro Soya fait du lait de soja. Chaque OS a l’exclusivité de 2-3 variétés pour le fournir. Or, certaines ne passent pas le test du process industriel (gout de farine, facile à dé-pelliculer…) » et ça, les sélectionneurs ne l’avaient pas suffisamment pris en compte avant.
Pas évident pour eux toutefois de répondre à toutes les demandes avec une France « coupée en deux », limitant forcément leurs ventes futures.

Gare à la date de levée



Ce n’est pas le premier souci des agriculteurs mais cela contribuera tout de même à la réussite du Plan protéines. Les cultivateurs eux veulent « bien choisir le groupe de précocité en culture principale et en double culture selon son secteur géographique », expliquait Arnaud Van Boxsom. Sa collègue au Cetiom, Delphine de Fornel invitant avant à consulter le catalogue de variétés en ligne avec l’outil d’aide à la décision : myVar. Les ingénieurs du Cetiom présentaient les dates de récoltes (8 années sur 10) pour différentes dates de levée. En culture principale, les variétés 000 et 00, les levées jusqu’au 10-15 mai permettent une récolte à une bonne date dans toutes les régions. Mais des risques de récolte en octobre apparaissent pour les levées après le 20 mai, notamment en Bourgogne. Les variétés 0 sont à réserver à la Bourgogne du Sud et Rhône-Alpes. En double culture et avec les variétés 000, une levée précoce des soja au 10 juin permettrait une réussite de la culture dans toutes les régions plus de 7 campagnes sur 10. Les levées à partie du 20 juin permettent d’atteindre la maturité aux alentours du 15-25 octobre. Soit la limite que s’est fixé le Cetiom. D’ailleurs, les levées après le 1er juillet sont maximum conseillées jusqu’au sud de la Bourgogne et encore « avec toutes les contraintes » des travaux de saison à cette date...




Soja : des marges supérieures au maïs



Technicien à la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire, Antoine Villard présentait les données économiques du soja pour la Saône-et-Loire, en les comparant à celles du maïs. Cultivé depuis 1983 dans le département et plus significativement à partir de 1987, les rendements du soja ont augmenté depuis, atteignant jusqu’à 31 q/ha en moyenne départementale. Surtout, lors d’années défavorables, les pertes de rendement sont moins importantes qu’en maïs en années défavorables, comme 2003 (respectivement -27 % contre -40 %) par exemple. Cette culture de printemps a l’avantage d’être plus rustique que le maïs grain et peut être semée plus tard. Les charges – engrais, semences, inoculum et phytos – sont modérées (300 €/ha/an contre 500 €/ha/an en maïs). « C’est donc aussi une culture intéressante quand les trésoreries sont difficiles », conseille le technicien. Car le soja retrouve une certaine compétitivité face aux maïs. Avec la chute des cours de ces derniers lors des deux dernières campagnes, la marge brute du soja fut supérieure (800 €/ha). La marge 2014 (730 €/ha) s’annonce dans cette tendance, avec toujours des coûts d’intrants et d’herbicides « faibles ». Mais gare toutefois, note Antoine Villard, « ce sont les herbicides et les semences qui coûtent en soja. En Saône-et-Loire, 62 % de la production sont issus de semences de ferme ». Autant dire que si la contractualisation avec des OS venait à se développer, il faudrait rajouter aux charges, le prix des semences certifiées. Et notre département est « très tributaire » de la variété ES Mentor (82 %), variété 00. Le soja est souvent (70 %) réalisé avec un précédent maïs, dans une rotation du type maïs grain-soja-blé, avec pour intérêt de « couper le risque » fusariose pour le blé. La stratégie en matière de désherbage est de traiter en post-levée (Pulsar 40 ; Basagran) – « plutôt en deux fois » - car le programme en pré-levée « coûte cher » (glyphosate). Pour l’heure, la culture du soja en double dérobée commence à se faire « plutôt dans la vallée de la Saône ». Les implantations sont précoces, « très vite » après la récolte d’orge d’hiver (20 juin), avec des semis du 25 juin jusqu’au 5 juillet maximum. Tous ces arguments, atouts et chiffres sont possibles à condition d'avoir des débouchés, concluait Antoine Villard.




« Impressionnant » débit avec une coupe flexible



Agriculteur à Crolles dans l’Isère, Bruno Génoulaz exploite 192 ha, cultive 150 ha dont 30 de soja. Il effectue également des travaux principalement pour le compte d’exploitations en cultivant « moins de 10 ha ». Pour ce faire, il avait acheté en 1995, une barre de coupe Axial flexible, avant de revenir à des barres de coupe classiques. C’est son fils, parti au Canada, qui, en revenant, l'a convaincu de « racheter une coupe flexible » puisqu’il avait là-bas « récolté 400 ha sans faire une marche arrière ». Pour lui, la « grosse différence » avec l’ancienne version, vient que le fond de coupe est tout en téflon « alors qu’avant le soja collait à la ferraille ». Un matériau qui permet donc « maintenant de prendre des virages » plus facilement. Sa barre est également équipée « tous les 70 cm, vers les tapis, par des vérins » qui s’adaptent selon l’humidité du sol, pour « suivre le sol » et ainsi arriver à ramasser des « mottes » de soja, jusqu’à une hauteur de « moitié de poing ». « L’idéal est quand même d’avoir des sols roulés », en convient-il. « Impressionnant », son outil permet également de rouler par dessus des cailloux de 15-20 cm. Il gagne au final 2 km/h en vitesse et avec « tout le confort » de conduite. « N’importe quel chauffeur peut ainsi ramasser du soja quand la machine est bien réglée ». Son débit de chantier est alors de 7 km/h, « sans forcer » sur les 150 chevaux de son tracteur. Une barre neuve coûte généralement 35.000 € à l’achat. « On peut sans aucun problème valoriser aussi du pois avec et sans releveur » supplémentaire, conclut-il.





La densité ne fait pas le rendement



Du Cetiom, Didier Chollet faisait un retour sur la campagne 2014 en centre-est, en profitait pour en tirer quelques enseignements et faire quelques rappels sur la conduite de la culture. Il résumait ainsi : « mieux vaut semer dans un sol sain, bien réchauffé – mais encore frais - pour avoir une levée franche, rapide et obtenir après, un peuplement régulier et un bon développement végétatif. C’est également une parade contre la mouche des semis, les limaces et le sclerotinia en situation contaminée ». Tout n’est pas gagné pour autant. L’an dernier par exemple, le manque de précipitation à l’est a provoqué des irrégularités en terme de levée et des difficultés pour désherber, voir pour préserver l’inoculum dans le sol.


Selon le semoir (à céréales ou de précision), « un écartement de 60 cm serait l’idéal entre précision et capacité de ramification ». Car la plante émet des ramifications. Jouer sur les densités de semis ne se retrouve pas forcément à la récolte en terme de rendement.


En revanche, l’inoculation est nécessaire pour cette légumineuse qui nécessite la présence de rhizobium. Obligatoire même si aucune souche n’est présente dans les sols. « On peut se poser la question si la culture soja revient régulièrement » (au bout de 4 ans). Ce qui faisait réagir un agriculteur préférant assurer avec « la méthode de l’Argentine (4 millions ha) qui inocule sauf si “en précédent soja” ». L’apport d’un minimum d’azote peut être nécessaire, avant floraison, en cas d’échec de la nodulation, soit moins de 30 % des plantes ayant moins de 5 nodules fonctionnels par plante. En Saône-et-Loire, même si la culture du soja se fait en sol sec, l’irrigation peut être nécessaire à partir de la 1ère feuille jusqu’à la première gousse, pour avoir une belle qualité. L’aération de la culture joue également. « 20 % des parcelles ont eu de graves problèmes d’adventices l’an dernier, induisant des difficultés de récoltes ». Côté désherbage donc, pas d’impasse sur le traitement pré-levée même si le Cetiom reconnaît de « réels progrès » pour les traitements en post-levée « qui peuvent être fractionnés ». Cette double "demi-application" a prouvé « son intérêt lors d’un essai contre l’ambroisie et les chénopodes ». En bio, trois outils - herse rotative, herse étrille et bineuse – préservent au même niveau les rendements. Il ne reste plus qu’à récolter le soja mûr – quand les graines sonnent dans les gousses et que la plupart des feuilles sont tombées - rapidement (humidité des graines alors comprises entre 14 et 16%), « sans chercher les derniers quintaux » pour ne pas risquer de pertes de graines ou de qualité.


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