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Syndicalisme

« Nous ne lâchons rien tant que nous n’avons pas obtenu ce que nous voulons »

Loi « Entraves », revenu des agriculteurs, prédation, reliquats d’aide à la bio… En ce début d’été, les sujets agricoles d’actualité ne manquent pas. Interview de Jérôme Volle, vice-président de la FNSEA.

Par Propos recueillis par Marie-Cécile Seigle-Buyat 

Les sénateurs et les députés ont voté la loi « Entraves ». Un combat de longue haleine conduit par le syndicalisme vient de se concrétiser. Quel est votre sentiment ?  

Jérôme Volle : Avant toute chose, je tiens à saluer le travail conduit par les élus politiques et le syndicalisme majoritaire, qui ont fait preuve de pugnacité et d’engagement pour que cette loi se concrétise. Ce combat a prouvé que nous ne lâchons rien tant que nous n’avons pas obtenu ce que nous voulons. Il ne faut pas oublier que le combat a débuté en novembre 2023 et que l’ensemble des éléments de cette loi a été défendu lors des mobilisations que nous avons conduites l’an dernier. Nous n’abandonnons pas à la première difficulté venue. Je suis par ailleurs heureux de voir que des parlementaires ont le courage de s’engager autour de ce type de loi. Elle va permettre, comme son nom l’indique, de lever un certain nombre d’entraves qui se présentent à notre profession. Aujourd’hui que la loi est votée, les décrets d’application vont suivre et du concret va enfin arriver sur nos exploitations. Si la loi n'est pas exhaustive et ne réglera pas tout, elle pose des fondements qui permettront d’engager concrètement le changement de logiciel que nous demandons depuis des mois. Elle donne un peu de liberté d'entreprendre pour les entreprises et la capacité d’agir dans un cadre qui continuera d’évoluer.

La ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, a choisi de redistribuer largement les reliquats d’aides à l’agriculture biologique, qui irrigueront aussi bien les aides aux agriculteurs bio que celles aux jeunes agriculteurs, aux producteurs de blé dur, d’ovins et de houblon. Cette décision satisfait-elle le syndicalisme majoritaire ?  

J. V. : Une grande partie de ces reliquats reviennent à l’agriculture biologique. En revanche, il est clair que beaucoup de filières et de secteurs d'activité ont aujourd’hui besoin d'être accompagnés. » La réorientation de ces aides permettra de toucher davantage d’agriculteurs sans que les crédits ne soient perdus. Cette décision permet de consolider l’agriculture biologique dans son accompagnement, de renforcer certaines mesures agro-environnementales et d’aider des filières comme celles du blé dur et ovine qui en ont cruellement besoin. Notre seul regret est qu’aucun volet sur l’investissement n’ait été prévu pour permettre aux Régions, comme la nôtre, de continuer à soutenir largement l’agriculture, de poursuivre leurs actions en ayant des crédits supplémentaires pour faire la jointure entre les deux programmes de la politique agricole commune. Nous espérons que cela se mettra en place en 2026. 

Pour la deuxième année consécutive, les comptes nationaux de l’agriculture montrent que les revenus des agriculteurs plongent. Comment peut-on aujourd’hui renverser cette tendance ?  

J. V. : Cela prouve, s’il était nécessaire de le faire, que la situation de certains agriculteurs devient insoutenable. Des filières vivent des crises historiques à cause des aléas climatiques, des crises sanitaires, de marchés tendus ou encore de charges qui explosent. La FNSEA et Jeunes agriculteurs dénoncent depuis des années le manque d’ambition politique à la fois pour favoriser la compétitivité des exploitations et rémunérer dignement les agriculteurs. Ce revenu agricole doit pourtant être protégé, car il conditionne la stabilité de la production des différentes filières agricoles. Des leviers existent : le maintien de la politique agricole commune (Pac) avec un budget dédié, le respect et le renforcement de la loi Égalim et, bien sûr, la protection du marché agricole européen en rejetant purement et simplement l’accord commercial du Mercosur notamment.  Enfin, il est également primordial, qu’à l’avenir, les transformateurs jouent le jeu dans l'organisation économique de la filière. Il ne peut pas y avoir des augmentations substantielles dans les étals des supermarchés sans que les producteurs n’en touchent un euro. 

La FNSEA a été reconnue, en juin dernier, comme l’unique organisation représentative des employeurs de la branche de la production agricole, des coopératives d’utilisation de matériel agricole (Cuma) et des parcs zoologiques privés ouverts au public. Qu’est-ce que cela signifie ?  

J. V. : Être reconnue représentative donne à la FNSEA et à son réseau des droits, mais surtout des responsabilités. La FNSEA représentera les employeurs dans les instances de l’emploi, animera le dialogue social à l’échelle nationale et territoriale, et portera la voix des entreprises agricoles pour défendre leur compétitivité et favoriser le recrutement ainsi que la fidélisation des salariés. Loin d’être une simple formalité, cette reconnaissance récompense des années d’engagement constant de la FNSEA et de son réseau, en région comme au sein de ses associations spécialisées, pour défendre l’emploi agricole, structurer un dialogue social efficace et valoriser les métiers de l’agriculture.