Taxes américaines : nouvelle escalade, Bruxelles « prête » à riposter
Entre apaisement et escalade, les relations commerciales entre l’UE et les États-Unis ressemblent à des montagnes russes. La possible mise en place anticipée des sanctions de l’UE fait naître des craintes de répercussions pour les filières agricoles. Bruxelles tente de rassurer en gardant en tête l’objectif d’une solution négociée avec Washington. Et dans le même temps, le commissaire européen au Commerce poursuit ses rencontres à la recherche de nouveaux débouchés.
Le grand chambardement que connaissent les relations commerciales entre l’UE et les États-Unis depuis le retour de Donald Trump au pouvoir à Washington se poursuit. Dernier chapitre en date : l’annonce par le président américain, le 30 mai sur son réseau social Truth Social, d’une surtaxe sur l’acier et l’aluminium à 50 % (au lieu de 25 %) à compter du 4 juin. En réponse, la Commission européenne, qui « regrette vivement » ces mesures sapant « les efforts en cours pour parvenir à une solution négociée », se dit prête à envisager la mise en place de sanctions avant même la fin des 90 jours de « pause tarifaire ». « Si aucune solution mutuellement acceptable n’est trouvée, les contre-mesures prendront automatiquement effet le 14 juillet, voire plus tôt si les circonstances l’exigent », a réaffirmé le 2 juin, Olof Gill, le porte-parole de la Commission européenne en charge du Commerce. Des sanctions qui devraient affecter certains produits agroalimentaires américains qui sont présents dans la liste des potentielles cibles de l’UE encore en cours de finalisation. Le sujet a été abordé lors du Comité spécial agriculture du 2 juin où les délégations des États membres ont notamment souligné l’importance de donner une chance aux négociations actuelles.
La liste des inquiétudes
De leur côté, les eurodéputés de la commission de l’Agriculture (Comagri) se sont saisis de la question lors de leur réunion du 3 juin à Bruxelles. Des inquiétudes ont été exprimées quant à la fiabilité des États-Unis en tant que partenaire pour la discussion ainsi que sur le possible report des flux de produits de pays tiers fortement taxés par les Américains vers le marché européen. Mais la préoccupation principale reste les secteurs visés par les contremesures, notamment celui des boissons alcoolisées déjà en souffrance. À l’instar de la première liste de sanctions envisagée par la Commission européenne, la Française Céline Imart appelle à exclure les bourbons et les whiskys américains afin d’éviter « des conséquences désastreuses sur nos secteurs des vins et spiritueux », faisant référence à la menace « trumpienne » d’imposition d’un droit de douane de 200 % sur la filière européenne de l’alcool.
D’autres secteurs comme celui de semences, des aliments transformés ou des produits laitiers ont également été mentionnés par la Comagri. « Il faut être beaucoup plus pragmatique et efficace pour protéger nos agriculteurs déjà touchés par des conflits qui ne leur appartiennent pas », conclut l’élue française du PPE. « Nous sommes conscients que certains produits sont sensibles et que le marché américain est important », tente de rassurer la Commission européenne tout en précisant que la liste de produits présentée n’est pas définitive et qu’elle est ouverte à la consultation. L’objectif est de comprendre les points les plus sensibles et les domaines où les conséquences se feraient le plus ressentir.
Prise de contacts
Chargé par la présidente von der Leyen de négocier avec les États-Unis, le commissaire européen au Commerce, Maros Sefcovic, était, lui, présent à Paris pour participer à la réunion ministérielle de l’OCDE. Il s’est ainsi entretenu, le 4 juin, avec son homologue américain dans l’espoir d’avancer dans la discussion avant le Sommet de l’Otan du 24 au 26 juin à La Haye (Pays-Bas) qui pourrait acter un éventuel rapprochement entre Donald Trump et Ursula von der Leyen. « Nous avançons dans la bonne direction, à un rythme soutenu, et restons en contact étroit pour maintenir cette dynamique », a-t-il indiqué dans un message posté sur le réseau social X. Un sentiment également partagé par le représentant américain au Commerce Jamieson Greer. « Je me réjouis de la perspective de poursuivre cet engagement constructif dans les jours et les semaines à venir », a-t-il déclaré dans un communiqué.
En parallèle, le commissaire slovaque a profité de l’évènement de l’OCDE pour accentuer la stratégie de diversification commerciale mise en avant par l’exécutif européen. En plus des ministres indien Piyush Goyal et australien Don Farrell, il a également rencontré le ministre du Commerce saoudien Majid ben Abdullah Al Qasabi, le ministre des Douanes et du commerce turc Ömer Bolat ou encore le ministre chinois Wang Wentao. Et quelques jours auparavant, ce sont les pourparlers avec les Émirats arabes unis qui ont été officiellement lancés. Toutefois, cette diversification ne devrait pas permettre de combler les pertes du marché américain pour certaines filières.
Les taxes Trump essuient un revers devant la justice américaine
La politique douanière agressive menée par le président américain Donald Trump depuis son retour à la Maison Blanche le 20 janvier, a connu, le 28 mai, son premier revers. Dans son jugement, le tribunal de commerce international des États-Unis (ITC) a bloqué les droits de douane « réciproques » du président des États-Unis, estimant qu’il n’a pas la responsabilité de le faire et qu’il avait outrepassé ses pouvoirs. Une décision qui a provoqué la colère du locataire de la Maison Blanche la qualifiant de « tellement mauvaise et tellement politique ! » dans un message posté sur sa plateforme Truth Social. Finalement, une cour d’appel a accordé en urgence, le 29 mai, le maintien des droits de douane du président américain, le temps de se prononcer sur le fond. Et Donald Trump maintient la pression contre les juridictions, promettant aux États-Unis qu’une décision définitivement défavorable à ses mesures « permettrait à d’autres pays de prendre notre nation en otage avec leurs droits de douane antiaméricains ». Et d’ajouter : « Cela signifierait la ruine économique des États-Unis d’Amérique ! ».