Accès au contenu
Taxes Trump

Commerce international : le feuilleton continue

La semaine dernière a été historique pour le commerce international puisque les États-Unis d’Amérique, chantre du libre-échange, ont déclaré la guerre commerciale. Sous la pression des fonds d’investissement et des marchés financiers, Trump a annoncé une pause de 90 jours à 10 %… sauf pour la Chine. L’Union européenne a annoncé, le 10 avril, la suspension de ses droits de douane supplémentaires envers les produits américains.

Commerce international : le feuilleton continue
Image générée par l'IA

D’annonces en sanctions, de représailles en revirements, de surenchères en reniements et de reniements en posture d’attente, ces dernières semaines ont été déroutantes pour les acteurs économiques mondiaux, notamment pour le secteur agroalimentaire. Dernier épisode en date : l’annonce faite le 10 avril par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, de suspendre pour 90 jours sa riposte aux droits de douane américains. « Nous voulons donner une chance aux négociations. Si elles ne sont pas satisfaisantes, nos contre-mesures entreront en vigueur », a-t-elle annoncé.

21 milliards d’euros

La décision européenne suit celle du président américain Donald Trump qui avait quelques heures plus tôt indiqué faire « une pause de 90 jours » dans l’application de droits de douane supplémentaires, à l’exception de la Chine. En effet, le bras de fer se poursuit entre les deux pays, Washington ayant imposé un taux de 125 % aux produits chinois, après que Pékin avait annoncé le 9 avril, des droits de douane supplémentaires de 50 % contre tous les produits américains arrivant dans le pays, portant le total des taxes chinoises contre le « Made in America » à 84 %. Selon la directrice générale de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), Ngozi Okonjo-Iweala, cette guerre commerciale pourrait réduire « jusqu’à 80 % » les échanges de marchandises entre la Chine et les États-Unis et effacer « près de 7 % » du PIB mondial sur le long terme.

De son côté, Bruxelles avait finalisé le 9 avril une liste de nombreux produits américains à taxer pour un montant total de 21 milliards d’euros (valeur 2024). Parmi eux : l’acier, le tabac, les textiles, le maïs, le riz, les volailles, le jus d’orange, les saucisses, les motos… Il était prévu que les représailles européennes s’échelonnent en trois étapes : tout d’abord à partir du 15 avril (mais, riz, beurre d’arachide…), puis au 16 mai (fruits, légumes, céréales…) et enfin à partir du 1er décembre (amandes et soja). La Commission de Bruxelles a soigneusement élaboré cette liste pour respecter les règles de l’OMC, tout en évitant les mesures susceptibles d’aggraver la guerre commerciale. Car les États-Unis de Trump sont clairement dans l’illégalité, même si l’OMC ne semble rien pouvoir faire.

175 pays concernés

Sous la pression de la France, de l’Italie et de l’Irlande, la Commission européenne a cependant renoncé à surtaxer le Bourbon et les produits laitiers. En effet, le président américain menaçait d’engager une taxe de 200 % sur les vins, champagnes et spiritueux européens. Une seule taxe de 20 % fait perdre à la filière viticole française plus de 800 millions d’euros. Déjà en 2020, lors du conflit entre Boeing et Airbus qui avait commencé seize ans auparavant, les États-Unis avaient été autorisés par l’OMC à imposer des taxes sur un volume de produits importés de l’UE, représentant un total de 7,5 milliards de dollars (6,4 milliards d’euros – Md€). C’est ainsi que les vins, les fromages et l’huile d’olive avaient été taxés à hauteur de 25 %. Finalement les sanctions n’avaient porté que sur un volume moindre (3,2 Md€). Cette même OMC avait aussi autorisé quelques semaines plus tard la riposte européenne pour un volume de 4 Md€, en particulier sur les tracteurs, les patates douces, les arachides, le jus d’orange congelé, le tabac, le ketchup, le saumon du Pacifique, etc.

Le 2 avril dernier, Donald Trump avait présenté une liste de pays et de territoires nommément visés par des droits de douane réciproques, allant jusqu’à 50 %. Les taxes devaient entrer en vigueur à partir du mercredi 9 avril, 6 h 01 heure de Paris. Pas moins de 175 pays et territoires étaient concernés. Ils le sont tous car, à l’exception de la Chine, tous se voient taxés de 10 % pour tout produit importé sur le sol américain, et ce malgré la suspension des surtaxes. Les produits agricoles et agroalimentaires sont concernés. Suite du feuilleton avant le mois de juillet ! Assurément tant le président américain semble totalement imprévisible…

Le Mercosur n’est « pas un remède »

L’accord de libre-échange entre des pays du Mercosur et l’Union européenne « ajouterait des désordres […] aux désordres provoqués par les taxes douanières de Donald Trump » et n’est « pas un remède », a déclaré le 8 avril la ministre française de l’Agriculture Annie Genevard. « Le Mercosur était mauvais hier, il l’est toujours à mes yeux aujourd’hui pour des filières agricoles et agroalimentaires capitales pour notre pays », a-t-elle déclaré, interrogée sur la possibilité que l’opposition de la France à cet accord soit fragilisée au sein de l’Union européenne. S’exprimant plus largement sur la teneur de la riposte, elle a déclaré que « l’agriculture ne doit pas être la variable d’ajustement de cette riposte. Elle ne doit pas être pénalisée plus qu’elle ne peut l’absorber », a-t-elle défendu. « Il faut convaincre les consommateurs de regarder d’où viennent les produits et de privilégier chaque fois que c’est possible, une origine France », a-t-elle conclu. Les cartes du commerce mondial n'ont pas fini de bouger...