Mécanisation et main-d’œuvre
Ted, le premier vrai "robot" viticole ?
L’Institut français de la vigne et du vin (IFV) Pôle Sud-Ouest a
dévoilé les résultats des premiers tests de son robot viticole, projet développé en
partenariat avec Naïo technologies et le LAAS. Que fait-il ? Quels
résultats ? Quelles améliorations ?... Les questions techniques sont
nombreuses, tout comme les questions économiques, notamment le retour
sur investissement, et les questions sociales. Ted va-t-il
"détruire" certains emplois ?
dévoilé les résultats des premiers tests de son robot viticole, projet développé en
partenariat avec Naïo technologies et le LAAS. Que fait-il ? Quels
résultats ? Quelles améliorations ?... Les questions techniques sont
nombreuses, tout comme les questions économiques, notamment le retour
sur investissement, et les questions sociales. Ted va-t-il
"détruire" certains emplois ?

Dans sa lettre d’actualité de novembre, la banque de données des matériels vitivinicoles, Matevi se pose la question de « l’intérêt et les applications » du robot viticole Ted. Ce projet porté à l’origine par Naïo technologies (basé à Toulouse) a été initié en 2014, avec pour partenaires l’IFV et le LAAS. Comme son petit frère utilisé en maraîchage, Oz de Naïo, le robot Ted avait pour objectif premier le désherbage mécanique de la vigne. L’environnement viticole étant fondamentalement différent de l’environnement du maraîchage, la conception a dû être repensée : dimension, puissance, position des outils et énergie embarquée sont autant de paramètres pour lesquels l’expertise de l’IFV a été sollicitée. Les compétences de Naïo en termes de guidage et de navigation autonome dans la parcelle sont complétées par l’analyse d’image fournie par le LAAS. Ce projet a été financé en région Midi-Pyrénées par le programme Agile IT.
Conception
Une structure de type enjambeur a ainsi été définie pour privilégier le centrage des outils sur le rang, ce qui est la configuration la plus favorable pour le travail interceps. Pour plus de modularité et l’emploi éventuel d’une solution travaillant dans l’inter-rang, les concepteurs ont développé une solution composée de deux modules reliés par un arceau ou accolés l’un à l’autre. Chaque roue est motrice et directrice, ce qui autorise une grande maniabilité ; les modes de déplacement sont multiples : avec roues avant directrices seulement, avec roues avant et arrière directrices, dans le même sens pour une correction d’alignement (en crabe) ou dans des sens opposés pour un demi-tour sur place en manœuvre. Le poids du robot enjambeur doit se situer sous la tonne, car l'un des atouts majeurs d’un robot par rapport à un tracteur traditionnel doit être de moins tasser le sol malgré des interventions plus fréquentes.
Vision et intelligence artificielle
Mais ce qui fait d’un enjambeur un robot, ce sont ces capteurs et les programmes informatiques capable de prendre des décisions autonomes. Pour se faire, la vision stéréoscopique permet par analyse d’image de repérer l’alignement de la haie foliaire. C’est un alignement sur un repère physique, sans contact. Des essais ont été réalisés avec ce capteur à différents stades de développement de la canopée, car le repère évolue en cours de saison, depuis le débourrement jusqu’à l’arrêt de croissance de la végétation. La vision stéréoscopique peut être complétée par un capteur Lidar (Light Detection and Ranging) positionné plus bas pour repérer les troncs des ceps et les piquets.
Les informaticiens aimant les batteries, ce sont des batteries LiPo Fe qui ont été choisies pour leur densité énergétique « afin de donner la meilleure autonomie ». En prévision sans doute de recharge solaire ? Ce secteur industriel évolue en effet vite.
Premiers tests pour le travail du sol
Pour répondre à l’objectif premier, de premiers tests du robot ont été menés en l’équipant d’outils de travail du sol. « Nous avons testé le robot, équipé de deux outils interceps différents, dans une parcelle déjà entretenue mécaniquement pendant la saison. Cela permet de se mettre dans une configuration de travail attendue pour le robot : un entretien régulier. Les deux outils testés sont passifs : ils ne demandent aucune source d’énergie accessoire pour le travail autour du pied de vigne et leur animation. Leur utilisation sur le robot Ted est pertinente compte tenu du très faible risque de blessures qu’ils engendrent », résume Christophe Gaviglio de l’IFV. Les deux outils étaient un intercep et une étoile de binage. Dès lors, il ne faut pas confondre le test des outils de travail du sol de ce qui est vraiment nouveau, le test du robot !
Ainsi, l’IFV retient-il deux paramètres déterminants pour que le robot puisse faire un travail de qualité : la profondeur de travail des outils et l’alignement. Pour ce faire, la réactivité et la précision des commandes d’ajustement de cap vont donc être primordiales pour garantir un travail constant et efficace. Le besoin et la fréquence de l’ajustement de cap vont dépendre en grande partie des efforts latéraux subis par le châssis. La régulation de profondeur devrait aider à conserver ces efforts proches d’un côté par rapport à l’autre.
Comment comparer ?
L’utilisation d’un robot apporte certes une économie de main-d’œuvre importante sur des tâches répétitives et lentes, mais elle permet surtout une redistribution du temps de travail, prévoit l’IFV. « Selon la structure des exploitations, ce facteur sera plus important que la suppression de la masse salariale associée aux travaux robotisés », note Christophe Gaviglio. Il est cependant possible de donner une évaluation des coûts comparés entre le désherbage mécanique avec un tracteur classique, la robotisation et le désherbage chimique. Pour cela, l’IFV a resitué chacune des techniques dans son cadre d’utilisation : le désherbage chimique s’adresse à tous types d’exploitations compte tenu de sa facilité de mise en œuvre, son coût sera évalué pour une exploitation de 25 hectares, avec deux interventions. Le désherbage mécanique est plus délicat à mettre en œuvre sur de grandes surfaces. On estime qu’un ensemble tracteur-outil-chauffeur peut gérer correctement 12 à 15 hectares pour quatre interventions annuelles. A l’inverse, le robot de désherbage mécanique, utilisé très régulièrement (dix fois par an ou plus) pourra travailler sur des surfaces plus importantes : 20 hectares.
Est-ce rentable ?
Pour les stratégies évaluées, les coûts prennent en compte la main-d’œuvre, les amortissements, l’entretien, la traction et les fournitures. Cela montre qu’il est possible de positionner le désherbage mécanique robotisé de façon tout à fait compétitive par rapport à une solution mécanique classique. « Le coût reste plus élevé que le désherbage chimique, mais présente l’avantage de libérer du temps de travail pour les opérateurs », estime Christophe Gaviglio. Ces chiffres ne tiennent cependant compte que d’une utilisation du robot pour le désherbage mécanique. L’IFV espère que « l’amortissement du porteur autonome sera réparti sur des tâches plus nombreuses et le coût de chacune des opérations en sera mécaniquement réduit, avec le développement de la polyvalence du robot ». Les autres tâches envisageables sont la tonte, l’épamprage, les traitements, la pré-taille ou la "Taille rase de précision" (TRP).
Le robot pourrait également faire de nouvelle tâche comme enregistrer des données pertinentes en cours de travail (vigueur, détection de symptômes, etc).
Inévitable !
Les premiers résultats obtenus avec le robot Ted de Naïo sont donc « très prometteurs », se réjouit l’IFV. Ted doit cependant encore maintenant franchir d’autres étapes comme la fiabilité, la précision de guidage, le développement d’une vraie polyvalence et l’adéquation avec l’ensemble des outils. De nombreuses améliorations restent donc à faire, devant être testées, en vue d’aller vers une phase d’industrialisation, avec en parallèle le besoin d’un cadre réglementaire (sécurité). Mais, « l’arrivée des robots en agriculture semble inévitable pour répondre aux enjeux économiques et environnementaux », conclut Christophe Gaviglio. Les questions posées par leur utilisation restent nombreuses : fiabilité, autonomie réelle et acceptabilité en font partie.
Si des emplois qualifiés (informaticiens, mécaniciens, ETA…) accompagneront certainement cette filière, la société entière doit se poser maintenant la question de l’évolution des métiers humains à terme remplacés par les robots, y compris dans les services (intérim, administration…). Et cela alors que le phénomène de robotisation va toucher de nombreux autres secteurs que la viticulture et l’agriculture…
Conception
Une structure de type enjambeur a ainsi été définie pour privilégier le centrage des outils sur le rang, ce qui est la configuration la plus favorable pour le travail interceps. Pour plus de modularité et l’emploi éventuel d’une solution travaillant dans l’inter-rang, les concepteurs ont développé une solution composée de deux modules reliés par un arceau ou accolés l’un à l’autre. Chaque roue est motrice et directrice, ce qui autorise une grande maniabilité ; les modes de déplacement sont multiples : avec roues avant directrices seulement, avec roues avant et arrière directrices, dans le même sens pour une correction d’alignement (en crabe) ou dans des sens opposés pour un demi-tour sur place en manœuvre. Le poids du robot enjambeur doit se situer sous la tonne, car l'un des atouts majeurs d’un robot par rapport à un tracteur traditionnel doit être de moins tasser le sol malgré des interventions plus fréquentes.
Vision et intelligence artificielle
Mais ce qui fait d’un enjambeur un robot, ce sont ces capteurs et les programmes informatiques capable de prendre des décisions autonomes. Pour se faire, la vision stéréoscopique permet par analyse d’image de repérer l’alignement de la haie foliaire. C’est un alignement sur un repère physique, sans contact. Des essais ont été réalisés avec ce capteur à différents stades de développement de la canopée, car le repère évolue en cours de saison, depuis le débourrement jusqu’à l’arrêt de croissance de la végétation. La vision stéréoscopique peut être complétée par un capteur Lidar (Light Detection and Ranging) positionné plus bas pour repérer les troncs des ceps et les piquets.
Les informaticiens aimant les batteries, ce sont des batteries LiPo Fe qui ont été choisies pour leur densité énergétique « afin de donner la meilleure autonomie ». En prévision sans doute de recharge solaire ? Ce secteur industriel évolue en effet vite.
Premiers tests pour le travail du sol
Pour répondre à l’objectif premier, de premiers tests du robot ont été menés en l’équipant d’outils de travail du sol. « Nous avons testé le robot, équipé de deux outils interceps différents, dans une parcelle déjà entretenue mécaniquement pendant la saison. Cela permet de se mettre dans une configuration de travail attendue pour le robot : un entretien régulier. Les deux outils testés sont passifs : ils ne demandent aucune source d’énergie accessoire pour le travail autour du pied de vigne et leur animation. Leur utilisation sur le robot Ted est pertinente compte tenu du très faible risque de blessures qu’ils engendrent », résume Christophe Gaviglio de l’IFV. Les deux outils étaient un intercep et une étoile de binage. Dès lors, il ne faut pas confondre le test des outils de travail du sol de ce qui est vraiment nouveau, le test du robot !
Ainsi, l’IFV retient-il deux paramètres déterminants pour que le robot puisse faire un travail de qualité : la profondeur de travail des outils et l’alignement. Pour ce faire, la réactivité et la précision des commandes d’ajustement de cap vont donc être primordiales pour garantir un travail constant et efficace. Le besoin et la fréquence de l’ajustement de cap vont dépendre en grande partie des efforts latéraux subis par le châssis. La régulation de profondeur devrait aider à conserver ces efforts proches d’un côté par rapport à l’autre.
Comment comparer ?
L’utilisation d’un robot apporte certes une économie de main-d’œuvre importante sur des tâches répétitives et lentes, mais elle permet surtout une redistribution du temps de travail, prévoit l’IFV. « Selon la structure des exploitations, ce facteur sera plus important que la suppression de la masse salariale associée aux travaux robotisés », note Christophe Gaviglio. Il est cependant possible de donner une évaluation des coûts comparés entre le désherbage mécanique avec un tracteur classique, la robotisation et le désherbage chimique. Pour cela, l’IFV a resitué chacune des techniques dans son cadre d’utilisation : le désherbage chimique s’adresse à tous types d’exploitations compte tenu de sa facilité de mise en œuvre, son coût sera évalué pour une exploitation de 25 hectares, avec deux interventions. Le désherbage mécanique est plus délicat à mettre en œuvre sur de grandes surfaces. On estime qu’un ensemble tracteur-outil-chauffeur peut gérer correctement 12 à 15 hectares pour quatre interventions annuelles. A l’inverse, le robot de désherbage mécanique, utilisé très régulièrement (dix fois par an ou plus) pourra travailler sur des surfaces plus importantes : 20 hectares.
Est-ce rentable ?
Pour les stratégies évaluées, les coûts prennent en compte la main-d’œuvre, les amortissements, l’entretien, la traction et les fournitures. Cela montre qu’il est possible de positionner le désherbage mécanique robotisé de façon tout à fait compétitive par rapport à une solution mécanique classique. « Le coût reste plus élevé que le désherbage chimique, mais présente l’avantage de libérer du temps de travail pour les opérateurs », estime Christophe Gaviglio. Ces chiffres ne tiennent cependant compte que d’une utilisation du robot pour le désherbage mécanique. L’IFV espère que « l’amortissement du porteur autonome sera réparti sur des tâches plus nombreuses et le coût de chacune des opérations en sera mécaniquement réduit, avec le développement de la polyvalence du robot ». Les autres tâches envisageables sont la tonte, l’épamprage, les traitements, la pré-taille ou la "Taille rase de précision" (TRP).
Le robot pourrait également faire de nouvelle tâche comme enregistrer des données pertinentes en cours de travail (vigueur, détection de symptômes, etc).
Inévitable !
Les premiers résultats obtenus avec le robot Ted de Naïo sont donc « très prometteurs », se réjouit l’IFV. Ted doit cependant encore maintenant franchir d’autres étapes comme la fiabilité, la précision de guidage, le développement d’une vraie polyvalence et l’adéquation avec l’ensemble des outils. De nombreuses améliorations restent donc à faire, devant être testées, en vue d’aller vers une phase d’industrialisation, avec en parallèle le besoin d’un cadre réglementaire (sécurité). Mais, « l’arrivée des robots en agriculture semble inévitable pour répondre aux enjeux économiques et environnementaux », conclut Christophe Gaviglio. Les questions posées par leur utilisation restent nombreuses : fiabilité, autonomie réelle et acceptabilité en font partie.
Si des emplois qualifiés (informaticiens, mécaniciens, ETA…) accompagneront certainement cette filière, la société entière doit se poser maintenant la question de l’évolution des métiers humains à terme remplacés par les robots, y compris dans les services (intérim, administration…). Et cela alors que le phénomène de robotisation va toucher de nombreux autres secteurs que la viticulture et l’agriculture…