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Union viticole de Saône-et-Loire

« Tous les repères bougent »

La viticulture départementale aura connu une année 2012 « de tous les excès ». Sur les exploitations, les coûts de production ont bondi
avec la rude campagne. Les pertes de
récoltes se combinent aux coûts des maladies. L'Esca et la
flavescence dorée ont explosé. Dans ces conditions, Ecophyto 2018 laisse perplexe. La libéralisation des droits de plantation
n’est toujours pas enterrée. « Tous les repères bougent », même en matière de
marchés exports…
Par Publié par Cédric Michelin
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« C’est indéniable : 2012 a été l’année de tous les excès ». Le président de l’Union viticole de Saône-et-Loire, Robert Martin listait les principaux maux qui se sont abattus sur la viticulture départementale : gel d’hiver, oïdium, mildiou, Esca, flavescence dorée… mais aussi les dossiers structurants : Ecophyto 2018, gratuité de l’enlèvement des sous-produits viniques, libéralisation des droits de plantation, OCM, Pac, assurance récolte…

L’Esca explose



De Saint-Gengoux-de-Scissé, Danièle Jaillet revenait sur l’Esca, maladie qui a « explosé » en 2012 avec les conditions climatiques humides. Le remplacement de ces 500 ha de pieds coute 20 millions € par an aux viticulteurs du département. Après la manifestation « très digne » à Mâcon, le rappel au ministre et au président de l’Assemblée nationale, « où en est-on ? », questionnait-elle les élus, pour accélérer les timides avancées.
Président-délégué du BIVB et président de la Crecep (recherche) Bourgogne, Michel Baldassini précisait qu’après sept années à alerter l’IFV, « l’Esca devient une priorité nationale » puisqu’elle affecte à présent « 10 % » du vignoble français (800.000 ha). Les vignobles du Sud se sont ralliés à la cause des vignobles septentrionaux, ce qui a facilité la signature d’un accord donnant enfin des moyens à la recherche européenne. Viticulteur à La Chapelle-de-Guinchay, Guillaume Bouchacourt s’étonnait toutefois que le budget européen dédié à la recherche agricole (15 milliards d’€) ne soit pas mieux « fléché » vers les problématiques des professionnels.

Pas de trou dans la raquette



Le député du Mâconnais faisant partie de la Commission des Affaires à l’Assemblée nationale, Thomas Thévenoud rappelait son implication pour « mettre en place des fonds de garantie sanitaire, notamment sur la flavescence dorée ». Pour lui, le ministère devrait même apporter une réponse « début avril ». Sur cette jaunisse faisant l’objet d’une lutte obligatoire sur tout le département, le Directeur de la DDT de Saône-et-Loire, Christian Dussarat alertera le prochain préfet pour rappeler à tous –jardineries, communes, particuliers– « l’obligation de traiter ». Côté viticulteurs, « il faut encore faire beaucoup de pédagogie », estimait-il. En effet, ses rencontres avec les « minoritaires », l’obligent à insister sur « le devoir de chacun de protéger le collectif ». Ainsi, les traitements insecticides contre le vecteur de la maladie, la cicadelle, « n’ont pas le droit à des trous dans la raquette », illustrait-il. Responsable du service Vigne & Vin à la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire, Didier Sauvage indiquait être en contact avec ses homologues du Rhône pour la prospection.

Les friches beaujolaises inquiètent



De La Chapelle-de-Guinchay, Gérard Trichard soulevait le problème des vignes en friche. Président des crus du Beaujolais, Denis Chastel-Sauzet renchérissait et réclamait des actes « administratifs forts » pour « aller jusqu’au bout de l’arrêté préfectoral et faire arracher ces friches ». Président de la CAVB, Jean-Michel Aubinel soulignait les arrachages par « les propriétaires et à leurs frais » dans de pareils cas ont eu lieu dans le Bordelais, « qui fait jurisprudence » dans un sens.
Revenant sur le fond du problème, la défense des Hommes, Robert Martin élargissait le débat sur tous ces surcoûts de production qui avec la faible récolte, « grèvent immanquablement notre revenu et sont susceptibles de déstabiliser nombre d’entreprises, caves coopératives comme chai particulier ! Mettons-nous aussi à la place de nos propriétaires, qui voient leur patrimoine dépérir, inexorablement et tout aussi impuissants que nous ». Il en profitait pour « réclamer avec force la poursuite du Plan végétal à l’Environnement ». Plutôt que d’amputer la compétitivité des exploitations viticoles par une « réglementation galopante », le PVE avait permis de réaliser des investissements « non productifs, mais indispensables à la protection de notre environnement ». Annonçant l’inauguration le 4 avril prochain du Vinipôle Sud Bourgogne à Davayé, Didier Sauvage voit « l’innovation comme une source de progrès et développement des exploitations ».

Compétitivité par l’œnotourisme ?



Président de la Fédération des caves coopératives Bourgogne-Jura, Michel Barraut se déclarait également mécontent que les coopératives soient exclues du crédit d’impôt "compétitivité-emploi", lancé par le Gouvernement. Ce manque de visibilité global faisait dire à Robert Martin : « tous les repères bougent et demain encore. L’unité de notre profession s’impose, sans confondre défense des Hommes et défense des produits ».
Le président de la FDSEA de Saône-et-Loire, Yves Bonnot se voulait positif après les analyses économiques de la filière (voir encadré) : « les perspectives viticoles sont favorables, comme d’autres productions. Pourtant, le renouvellement des générations passe aussi par le financement. Sur 400 adhérents, la cave de Lugny ne fait qu’une installation par an. Comment demain avoir des producteurs avec des exploitations à taille humaine ? ». Pour le Département, l’élu de ce canton, André Peulet lui répondait indirectement. Le Conseil général mise sur l’œnotourisme et compte notamment développer le label Vignoble & Découverte en Saône-et-Loire.


L’Europe s’est fait tordre le bras



Au sujet de la libéralisation des droits de plantation viticole, la « boîte de pandore » n’est pas refermée, rappelait le vice-président de la Cnaoc, Jean-Michel Aubinel. « Le diable se cache même dans les détails ; ne serait-ce que sur les 1 % » (voir encadré). Effectivement, le député européen, Arnaud Danjean confirmait que « la décision définitive n’est pas prise ». Le rapporteur du texte sur l’OCM vitivinicole, le Français Michel Dantin semble confiant mais reste prudent. Arnaud Danjean avouait que « la Commission s’est fait tordre le bras par la mobilisation », prouvant au monde agricole, viticole et rurale que « les citoyens ont un levier » contre une Europe « sans majorité » et parfois trop libérale. « Autour, ça tangue, avec les problèmes Pac (sucre, lait…). Rien n’est figé » avant les décisions des trilogues : négociations finales entre la Commission, le Parlement et le Conseil Européen. D’autant avec un budget Pac en baisse (-12 %). « Pour autant, la France ne serait impactée qu’à hauteur de -3 % », chuchotait-il. Autre perturbation, la ré-ouverture des négociations de libre échange commercial avec les Etats-Unis est « mal partie », selon lui. Les exportations de vins de Bourgogne vers ce pays pourraient être néanmoins facilitées à moyen terme…




Risque de pénurie malgré la demande



Directeur adjoint développement des marchés agricoles au Crédit Agricole SA, Pierre Fayolle brossait un portrait de l’économie mondiale en matière de vins. L’érosion du vignoble mondial semble se confirmer mais le réchauffement climatique redéfinit aussi les zones de production. La consommation globale devrait « durablement croitre en volume et en valeur » avec en tête la Chine et les Etats-Unis. « Dans cinq ans, la Chine sera le 5e consommateur mondial et l’Allemagne sera 2e devant la France ». Du coup, d’une situation excédentaire en vin, les marchés se rapprochent de l’équilibre. Les marges des producteurs s’en retrouvent « consolidées avec des prix se maintenant ». Les échanges internationaux devraient augmenter. En réponse à la demande des marchés d’entrée de gamme, le vrac soulève bien des questions, notamment sur la « traçabilité » internationale, s’inquiétait Michel Baldassini. L'Australie exporte du vrac pour mettre en bouteille en Angleterre. Quid en Chine demain. Ce dernier rappelait aussi que les marchés des vins de Bourgogne vont « bien » malgré un contexte global en crise. 2012 aura même établi un nouveau record avec un chiffre d’affaires hors Beaujolais atteignant les 740 millions d’euros, toujours réalisé pour moitié à l’export. Les Américains étant les premiers consommateurs en valeur. L’Angleterre augmente mais avec des prix toujours « ras les pâquerettes ». Le Japon et le Canada sont fidèles. La Belgique baisse. La Grande distribution va « dans le bon sens » au contraire de la restauration (-2,4 %).

« De façon plus marquée sur les rouges », la « petite récolte » 2012 affiche -20 % –avec jusqu’à -60 % dans certains secteurs– pour 1,22 million d’hl et fait que les volumes vracs échangés sont logiquement en recul (650.000 hl ; -9 %/2011). Les cours sont eux en progression (+19 % bourgognes blancs ; +30 % bourgognes rouges). Reste maintenant que « le pire qui pourrait nous arriver, c’est une même année 2013 que 2012 ». Les allocations seraient difficiles à arbitrer alors...



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