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Complémentation des veaux

Tout dépend du pâturage !

"L’efficacité de la complémentation des veaux sous la mère" était l’un des thèmes de la journée technique consacrée à la production de mâles charolais le 13 septembre dernier à Jalogny. Le principal enseignement de cet atelier, c’est que l’efficacité économique de la complémentation dépend avant tout de la maîtrise du pâturage.
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Débouché phare des zones d’élevage allaitant type Saône-et-Loire, le broutard est aujourd’hui un produit très pointu qui doit satisfaire à un certain nombre de critères de race, de poids, de conformation, voire même de potentiel de performances. Pour répondre à la demande, les éleveurs choisissent leurs taureaux en conséquence. Ils font attention aux qualités laitières de leurs vaches. Et dans la plupart des cas, ils font le choix de complémenter les veaux sous la mère pour gagner des kilos. Une complémentation qui varie selon les systèmes et qui a un coût. Donc autant qu’elle soit efficace !
Pour Jean-Pierre Farrié de l’Institut de l’élevage et Julien Renon de la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire, « l’efficacité de la complémentation est une notion relative qui dépend d’abord des conditions de pâturage. Pour obtenir un gain de poids vif d’un kilo par rapport à des animaux non complémentés, 4 à 10 kg d’aliments peuvent être nécessaires suivant l’herbe ingérée. Les modalités de distribution et le type d’aliment utilisé n’ont qu’un rôle secondaire. Mais elles jouent par contre un rôle important pour le contrôle des risques digestifs », indiquent les deux ingénieurs.
Si l’intérêt de la complémentation est évident pour pallier un manque d’herbe lié à un aléa climatique, « il ne faut pas que la complémentation se substitue à la bonne gestion du pâturage, et plus largement, à l’amélioration du système fourrager », mettent en garde Jean-Pierre Farrié et Julien Renon.
La complémentation dans le jeune âge peut avoir des effets sur le comportement alimentaire ultérieur. « Elle favorise généralement l’adaptation aux régimes à l’auge après le sevrage. En revanche, des niveaux de consommation trop importants, de l’ordre de 5 kg par veau à l’approche du sevrage, tendent à pénaliser les performances ultérieures », informent les techniciens.
« Sur le plan économique, l’intérêt de la complémentation devra être raisonné sur une période qui dépasse la seule période de distribution, du fait des arrière-effets qui se produisent plus ou moins rapidement après le sevrage ».

Le concentré remplace toujours de l’herbe


« Le concentré ingéré par des veaux au pâturage se substitue toujours à de l’herbe pâturée, en plus ou moins grande quantité selon les situations », insistent Jean-Pierre Farrié et Julien Renon. C’est pour cette raison que le rapport entre les quantités d’aliments apportées et le gain de poids supplémentaire permis peut varier de 4 à 10 kg d’aliments pour 1 kg de poids vif. « En cas de manque d’herbe entraînant une forte concurrence au pâturage entre les vaches et les veaux, la complémentation se traduit par des gains de poids importants. Il en va de même quand la qualité de l’herbe offerte se dégrade, comme c’est souvent le cas en conditions humides.
En revanche, en conditions de pâturage favorables, le concentré ingéré prend la place d’une quantité d’herbe de bonne valeur alimentaire. Même si les quantités consommées sont plus faibles, l’efficacité de la complémentation apparaît moins bonne »,
font remarquer les techniciens.

Pas plus d’1,5 kg par 100 kg de poids vif


« Pour raisonner l’intérêt de la complémentation au pâturage, il faut donc en premier lieu s’interroger sur les possibilités de maîtrise de la quantité et de la qualité de l’herbe offerte par la gestion du pâturage », insistent Jean-Pierre Farrié et Julien Renon. « A l’âge de 3 mois un veau est capable d’ingérer environ 1 kg de MS d’aliments de bonne qualité en plus du lait de la mère, et environ 5 kg de MS à l’âge de 8 mois. Le rythme d’augmentation de la quantité d’aliments consommés au nourrisseur renseigne donc indirectement sur l’herbe réellement ingérée et sur la qualité du pâturage. Un niveau de consommation d’environ 1 kg d’aliments pour 100 kg de poids vif (soit autour de 2,5 kg/tête/jour pour un lot de veaux pesant en moyenne autour de 250 kg) traduit une consommation d’herbe à peu près équivalente. Celle ci, au delà de son intérêt économique évident, prépare un bon développement de la panse, ce qui est intéressant après le sevrage. Un niveau de consommation supérieur à 1,5 kg par 100 kg de poids vif traduit un manque d’herbe et ne devrait pas se prolonger au-delà de 1 mois. Il peut servir d’indicateur pour décider le sevrage en cas de situation exceptionnelle, comme une sècheresse. En situation de forte consommation, il est préférable d’opter pour des types de concentrés riches en cellulose et en fibres qui puissent jouer le rôle de « préparation du futur ruminant » à la place de l’herbe », conseillent Jean-Pierre Farrié et Julien Renon.

Des conséquences après sevrage


« En général, la complémentation des veaux au pâturage permet par la suite une meilleure adaptation aux régimes d’auge, et favorise un meilleur démarrage. Mais cet avantage tend ensuite à disparaître, par l’effet d’une croissance compensatrice qui bénéficie aux veaux non complémentés. Les lots qui ont eu les plus fortes complémentations et les plus fortes croissances sous la mère sont aussi ceux qui ensuite perdent le plus sur le potentiel de croissance à l’auge », indiquent les techniciens. « Les performances sous la mère supérieures à 1.500 g/j pénalisent l'efficience de l'engraissement et la marge du naisseur engraisseur », renchérit Julien Renon. Cet effet est néanmoins atténué quand les compléments utilisés sont plus cellulosiques.
« Pour produire des jeunes bovins « classiques » (16-18 mois ; 720 - 750 kg vifs), des veaux complémentés sous la mère, plus lourds au sevrage, auront besoin d’une durée d’engraissement légèrement plus courte. Mais la quantité globale d’aliments concentrés nécessaires sur l’ensemble de la période reste plus importante, et n’est pas forcément compensée par une économie sur les autres constituants de la ration », font remarquer Jean-Pierre Farrié et Julien Renon.

Rationné ou à volonté…


Le choix du type d’aliment va dépendre des objectifs de croissance attendus. Il est aussi fonction des périodes de naissance et des objectifs de mise en marché. Au pré, la distribution rationnée présente une bonne efficacité technique. Elle est peu risquée mais se heurte à la contrainte des apports quotidiens réguliers. La distribution à volonté d’aliments du commerce spécialement formulés dans ce but apporte simplicité et sécurité au plan digestif. Mais des formules fermières efficaces et moins coûteuses peuvent être envisagées. En bâtiment, pour des vêlages d’automne et de début d’hiver, les aliments du commerce constituent une solution simple. Les compositions fermières mélangeant des concentrés et une part de fourrage fibreux donnent des résultats intéressants, sous réserve de disposer d’aménagements qui permettent une distribution aisée. Enfin dans le cas extrême de vêlages de fin d’été, la modalité de complémentation choisie peut déboucher sur la possibilité de sevrer en fin d’hiver, au moment du lâcher, les veaux les plus lourds.

Intérêt de la complémentation ?


L'intérêt de la complémentation diffère selon les systèmes. « On a d'autant plus intérêt à complémenter ses veaux avec des périodes de vêlages précoces pour une vente en broutards lourds avant la rentrée en bâtiment. En revanche, si la plage de vêlage se situe sur le deuxième partie d'hiver, l'intérêt est d'autant moins évident que les animaux repassent en stabulation pour être repoussés ou engraissés », concluent Jean-Pierre Farrié et Julien Renon.

D’après le dossier réalisé par Jean-Pierre Farrié de l’Institut de l’élevage et Julien Renon de la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire. 
Documents complémentaires disponibles sur le site de la chambre : www.sl.chambagri.fr


Aliments




Maîtriser les risques digestifs


« Dans le cas des aliments du commerce granulés, l’incorporation de nombreuses matières premières complémentaires entre elles et l’agglomération permettent d’obtenir une bonne sécurité digestive avec des taux de cellulose relativement bas, et donc la possibilité de valeurs alimentaires élevées. Les mélanges bruts de matières premières (mash du commerce ou mélanges fermiers), moins coûteux, sont plus adaptés à une distribution quotidienne qui permettra de limiter le tri par les veaux. Pour une distribution à volonté dans un nourrisseur, l’incorporation de matières premières cellulosiques (luzerne ou pulpes déshydratées), permettra de contrôler les risques digestifs.




En cas de fabrication à la ferme, la sécurité de ce type de formule peut encore être améliorée en y incorporant des fibres (foin ou même paille) et un liant (mélasse), si les équipements le permettent (présence d’une mélangeuse ; nourrisseur adapté). Chez les naisseurs engraisseurs c’est un moyen efficace pour préparer l’adaptation au régime d’engraissement et raccourcir la période de transition
».


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