Traçabilité, compétitivité, durabilité
Trois défis pour redresser la filière Viande
Suite au scandale de la viande de cheval, une mission commune
d’information sur la filière viande a été créée au Sénat. Après quatre
mois de travaux, quarante propositions en sont ressorties. Les deux
sénatrices, Bernadette Bourzai (Corrèze) et Sylvie Goy-Chavent (Ain), les
ont présentées le 18 juillet. Retour.
d’information sur la filière viande a été créée au Sénat. Après quatre
mois de travaux, quarante propositions en sont ressorties. Les deux
sénatrices, Bernadette Bourzai (Corrèze) et Sylvie Goy-Chavent (Ain), les
ont présentées le 18 juillet. Retour.
« Tricher avec les règles est une tentation constante ». Pour la sénatrice de l’Ain, Sylvie Goy-Chavent, même si la sécurité sanitaire de la filière viande est « plutôt rassurante », « l’industrialisation du secteur et la multiplication des intermédiaires diluent les responsabilités ». Après le "horse gate", une mission commune sur la filière viande a été créée au Sénat. Il apparaît que les problèmes ne sont pas sanitaires, mais relève bel et bien de la fraude pure. « Personne n’est mort d’avoir mangé de la viande de cheval », lance la rapporteure de la mission, Sylvie Goy-Chavent. Sénateur de Saône-et-Loire, René Beaumont faisait parti de cette mission d'enquête. Cette
mission a rencontré les responsables de la section bovine de la FDSEA et des organisations économiques de Saône-et-Loire, à l'occasion de son déplacement chez Bigard à Cuiseaux.
Pour lutter contre la fraude, la mission préconise de renforcer les effectifs de contrôle relevant de la direction générale de l’alimentation (DGAl) et de la répression des fraudes (DGCCRF). Seul problème : alors que les besoins sont croissants, les effectifs au sein de ces services diminuent, eux, de façon constante.
La sénatrice propose aussi « un agrément pour les traders en viande » qui serait perdu en cas de fraude.
La mission commune d’information sur la filière viande préconise d’instaurer un étiquetage obligatoire de l’origine nationale pour les viandes brutes et transformées. « Les contrôles sont trop peu nombreux. L’industrie agroalimentaire pratique ce qu’on appelle l’autocontrôle. Des vérifications devraient être faites de façon impromptues pour en vérifier les frigos », recommande Bernadette Bourzai, la présidente de la mission et sénatrice de Corrèze.
Abattoirs et prix bas
Autre préoccupation de la mission : le déclin de la filière viande. « Le revenu des éleveurs stagne et le coût de l’alimentation animale impacte les exploitations », convient la sénatrice
qui insiste pour que la Pac favorise enfin l’élevage.
Jusque-là pas vraiment de surprise, sauf que « la faiblesse du maillon de l’élevage engendre la faiblesse du maillon industriel ». Parmi les propositions, les sénateurs proposent donc de créer un schéma national des abattoirs décliné par région, destiné à orienter la politique de l’Etat et des collectivités territoriales en direction de l’industrie de la viande.
L’abattage sans étourdissement, sujet de polémique actuelle sur Internet, « doit rester une dérogation », recommande la mission qui affirme dans son rapport que, à contrario, « l’abattage avec étourdissement minimise les souffrances animales ». Un étiquetage obligatoire du mode d’abattage selon des modalités non stigmatisés est également préconisé ainsi que l’imposition de contrôles vétérinaires physiques au poste d’abattage pour toutes les espèces et la mise en place d’un suivi des incidents d’étourdissement et des égorgements. Pour rappel, l’abattage avec étourdissement est la règle, mais la réglementation européenne permet de ne pas étourdir les animaux lorsque des méthodes particulières d’abattage sont prescrites par des rites religieux.
La modernisation des bâtiments d’élevage fait aussi partie des priorités des sénateurs. En la matière, ils souhaitent que soit lancé un plan sectoriel de modernisation des élevages avicoles et des entreprises de l’aviculture.
Mais un problème demeure dans la filière : « la religion des prix bas » et la concurrence entre la grande distribution. Pour Bernadette Bourzai, « ce modèle n’est plus tenable »...
Traçabilité, compétitivité, durabilité :
trois défis pour redresser la filière viande
(Juillet 2013)
_____________________
Mission commune d’information
sur la filière viande en France et en Europe
Bernadette BOURZAI (Présidente) et Sylvie GOY-CHAVENT (Rapporteure)
Cette synthèse est destinée à faciliter la lecture et l’utilisation du rapport sur la filière viande en France et en Europe. Seul le rapport engage la mission commune d’information du Sénat.
L’
affaire de la viande de cheval, qui a éclaté en février 2013, n’a eu aucune conséquence connue en termes de santé publique. Pour autant, la tromperie et les pratiques de l’industrie agroalimentaire révélées à cette occasion ont profondément choqué les consommateurs. Pointés du doigt, les professionnels de la filière viande se défendent, mais la suspicion est bien présente.
C’est dans ce contexte que le Sénat a mis en place une mission commune d’information sur la filière viande en France et en Europe, composée de 27 membres de toutes les sensibilités politiques et appartenant aux différentes commissions permanentes du Sénat, à la demande du groupe UDI-UC du Sénat, dans le cadre du « droit de tirage annuel » accordé aux groupes par l’article 6 bis du règlement.
Au-delà du scandale de la viande de cheval, cette mission s’est fixé pour objectif de mieux comprendre les mécanismes à l’œuvre au sein de la filière viande : les mécanismes de contrôle sanitaire, les équilibres économiques de la production à la distribution, la manière dont la filière doit composer avec les attentes sociétales ont constitué autant de champs d’investigation. Les travaux de la mission ont été guidés par une interrogation centrale : comment donner au consommateur toutes les garanties qu’il est en droit d’attendre des produits carnés ? Comment rétablir la confiance et redresser la filière ?
DES INVESTIGATIONS APPROFONDIES DANS UN DÉLAI TRÈS COURT
La mission a mené ses travaux dans un délai très court : moins de quatre mois se sont écoulés entre le 27 mars, date de sa réunion constitutive, au cours de laquelle elle a élu sa présidente, sa rapporteure, son bureau et défini son programme de travail, et le 17 juillet 2013, date à laquelle le rapport a été adopté.
Une telle rapidité s’explique par l’urgence de la situation. Les différentes composantes des filières viande vont mal et la situation s’aggrave. Rencontrés lors des déplacements de la mission, les professionnels ont confirmé la nécessité de trouver des solutions rapides à des difficultés de plus en plus inquiétantes pour l’avenir de la filière.
Dans ce court laps de temps, la mission a procédé à un grand nombre d’auditions, 62 au total, et a organisé 2 tables rondes. Elle a effectué 4 déplacements sur le terrain pour rencontrer les acteurs des filières viandes − administrations et pouvoirs publics, experts, professionnels, associations … − à Bruxelles et aux Pays-Bas, en Bretagne, en Saône-et-Loire et dans l’Ain et au marché d’intérêt national de Rungis.
FILIÈRE VIANDE : LES CHIFFRES CLEFS
L’affaire de la viande de cheval a concerné au total 50 000 tonnes de viande pendant deux ans, dont 800 tonnes en France.
En 2013, suite au scandale de la viande de cheval, 55 % des personnes interrogées seulement se déclarent satisfaites de la sécurité des produits alimentaires, contre 77 % cinq ans plus tôt (selon le baromètre TNS Sofres/Ania).
En 2012, la Direction générale de l’alimentation (DGAL) du ministère de l’agriculture a conduit 9 776 inspections dans 12 803 établissements de la filière viande.
Les effectifs de la DGCCRF ont connu une baisse d’environ 14 % depuis 2008. En moyenne, seulement un agent de la DGCCRF serait chargé dans chaque département de l’ensemble des contrôles en matière de sécurité alimentaire.
L’industrie d’abattage découpe emploie 50 000 salariés, la charcuterie salaison en emploie 33 800 et les boucheries charcuteries artisanales 80 000.
Au total, l’industrie de la viande en France représente près de 5 000 entreprises, employant 230 000 personnes, pour un chiffre d’affaires de 61 milliards d’euros.
La France est en Europe :
- le 1er producteur de viande bovine (1,64 millions de tec) ;
- le 6e producteur de viande ovine (117 000 tec) ;
- le 3e producteur de viande porcine (2,31 millions de tec) ;
- le 1er producteur de volaille de chair (1,8 millions de tec).
Le cheptel compte :
- en bovin allaitant, 4,1 millions de têtes ;
- en ovin, 3,8 millions de têtes ;
- en porcin, 14 millions de têtes.
La France compte 75 000 éleveurs bovins (cheptel allaitant), 22 500 éleveurs ovins, 20 000 exploitations porcines, 20 000 exploitations avicoles.
En 2012, un revenu courant avant impôt (RCAI) par actif non salarié de 17 100€ pour les éleveurs bovins, 16 500 € pour les éleveurs ovins, 52 900€ pour les éleveurs porcins et 37 400€ pour les éleveurs de volaille de chair, soit une moyenne de 38 300 € contre 76 500€ pour les agriculteurs en grandes cultures.
Les Français consomment 24,3kg/an de viande bovine,
3,3 kg/an de viande ovine, 33,4 kg/an de viande porcine, 25,2kg/an de viande de volaille.
LA SÉCURITÉ SANITAIRE, SOCLE DE LA CONFIANCE
DES CONSOMMATEURS
LA SÉCURITÉ SANITAIRE DES PRODUITS DE LA FILIÈRE VIANDE EST GLOBALEMENT ASSURÉE
La crise de la vache folle en 1996 et 2000 avait durablement entamé la confiance du consommateur dans la viande bovine. Au prix d’efforts de traçabilité exemplaires, et d’une réglementation draconienne, les européens bénéficient désormais d’un des niveaux de sécurité sanitaire les plus élevés du monde dans le domaine de la viande, qu’elle soit bovine, ovine, porcine ou de volaille.
Mais la viande n’échappe pas à l’industrialisation croissante de la production et à une structuration du marché à l’échelle européenne. La chaîne de transformation s’allonge et les acteurs et intermédiaires commerciaux sont nombreux, ce qui accroît les risques.
Malgré tout, la mission d’information a pu constater que le dispositif de sécurité sanitaire mis en place dans la filière viande à la suite de la crise des années 1990 présente un fonctionnement globalement satisfaisant :
- Une réglementation exigeante, fondée sur les principes posés par le paquet hygiène, assure une harmonisation forte des pratiques à l’échelle européenne et met en avant une approche intégrée de la filière, « de la fourche à la fourchette ». Son application repose sur une collaboration entre les professionnels du secteur, auxquels incombe une obligation de résultat en matière de sécurité alimentaire, et les autorités officielles, qui effectuent des contrôles approfondis auprès de l’ensemble des maillons de la filière.
- L’affaire de la viande de cheval a révélé que le dispositif de traçabilité fonctionnait bien et que le système de gestion des alertes à l’échelle nationale comme à l’échelle européenne permettait un règlement rapide des crises.
POUR UNE MEILLEURE COPRODUCTION DE LA SÉCURITÉ SANITAIRE ENTRE LES ENTREPRISES, LES POUVOIRS PUBLICS ET LE CONSOMMATEUR
En période de difficultés économiques, la tentation de la fraude est plus forte, les contraintes plus difficiles à accepter. Il apparaît dès lors nécessaire de renforcer la pression de contrôle auprès d’opérateurs relativement peu contrôlés : établissements de quatrième transformation et établissements de remise directe au consommateur (détaillants et restauration). La réduction drastique des effectifs de la DGAL et de la DGCCRF − dont les personnels ont prouvé leur efficacité − est jugée très préoccupante dans la mesure où elle remet en cause leur capacité à exercer un niveau de contrôle suffisant. Un tel effort ne sera possible qu’en renforçant les effectifs des services officiels de contrôle.
La mission s’est interrogée sur le rôle dans la filière des négociants ou traders qui, à la différence des établissements manipulant et stockant la viande, ne sont pas soumis à une procédure d’agrément pour l’exercice de leur activité. Afin de lutter contre la fraude alimentaire, il apparaît nécessaire de créer un agrément pour les activités de trading dans la filière viande et de renforcer les sanctions applicables en cas de tromperie du consommateur.
Afin de restaurer durablement la confiance du consommateur, la mission d’information juge indispensable de généraliser l’étiquetage obligatoire de l’origine nationale pour l’ensemble des viandes brutes et transformées. Cette obligation existe actuellement pour les seules viandes bovines brutes et devrait être étendue aux autres viandes brutes. Face aux réticences des professionnels et de certains États membres de l’UE, la mission invite à faire preuve d’une grande fermeté dans les négociations européennes.
L’AFFAIRE DE LA VIANDE DE CHEVAL,
UNE FRAUDE À GRANDE ÉCHELLE ET NON PAS UN SCANDALE SANITAIRE
Révélée en février 2013 à la suite d’une alerte lancée par les autorités britanniques, la présence de viande de cheval dans des plats préparés censés contenir du bœuf résultait d’une double falsification d’étiquetage (espèce et origine) opérée sur des produits en provenance de Roumanie et transitant successivement par les entrepôts d’un trader néerlandais, l’usine Spanghero en France puis une filiale de l’opérateur Comigel au Luxembourg.
La réaction rapide des pouvoirs publics européens et français, reposant sur un échange d’informations efficace, la mise en place de tests et de plans de contrôle renforcés ainsi que la concertation avec les professionnels a permis de retracer l’origine de la fraude dans un délai très bref et de la faire cesser.
UN MODÈLE ÉCONOMIQUE DANS L’IMPASSE APPELANT UN PLAN DE RELANCE SANS PRÉCÉDENT
UN DÉCLIN PRÉOCCUPANT DE LA FILIÈRE VIANDE
Chaque filière présente des chiffres inquiétants :
- 2 millions de porcs produits en moins depuis le début des années 2000.
-: 44 % des poulets consommés sont importés, contre 8 % en 1990.
- 20 % de baisse des effectifs du troupeau bovin et 31 % de baisse du troupeau ovin en 20 ans.
Votre mission s’interroge : qui peut prétendre bien gagner sa vie dans la filière viande ? Les revenus des éleveurs restent faibles, et l’industrie d’abattage-découpe a une rentabilité réduite. L’Observatoire des prix et des mages montre qu’aucun des maillons de la chaîne n’est prospère.
Le secteur de la viande est pénalisé par la hausse des coûts des matières premières. 60 à 70 % du coût de production d’un porc ou d’un poulet résulte de son alimentation. La répercussion de la hausse des coûts de production ne s’est pas faite.
L’élevage constitue une activité astreignante : le renouvellement des générations se fait difficilement. Or ce sont les jeunes générations qui entraînent investissement et progrès technique. Il y a un risque de pertes de savoir-faire et de baisse de niveau technique de l’élevage français.
Les difficultés de la production agricole vont de pair avec celles de l’industrie de transformation de la viande. Car il n’y a pas d’élevage sans industrie à proximité et pas d’industrie sans élevage.
La mission commune d’information, au terme de ces auditions, constate que ces difficultés proviennent principalement : d’un déficit de compétitivité à tous les maillons des filières et d’une course au prix bas encouragée par la grande distribution qui comprime les marges de l’ensemble des acteurs de la filière.
Ces difficultés sont renforcées par des distorsions de concurrence avec certains de nos partenaires européens, notamment l’Allemagne, qui ne peuvent plus durer, et par des excès de réglementation, tant au niveau européen qu’au niveau national.
POUR UN VASTE PLAN DE RELANCE DE NOTRE FILIÈRE VIANDE
La France dispose d’atouts pour rester le leader européen de l’élevage : un territoire, une expérience, une volonté.
Les pouvoirs publics ont pris la mesure de la crise de l’élevage et des filières viande, avec l’annonce de plans sectoriels porc et volailles ou encore le contrat de filière.
La mise en œuvre de la réforme de la PAC 2014-2020 doit conduire à une redistribution des aides en direction de l’élevage, utilisant tous les leviers disponibles.
L’agriculture doit retrouver le chemin de l’investissement pour se moderniser, et gagner en compétitivité en alliant performance économique et performance environnementale. L’industrie de la viande doit poursuivre sa modernisation.
Le secteur de l’abattage-découpe souffre aujourd’hui de surcapacités, la mission commune d’information souhaite promouvoir la création d’un schéma national des abattoirs (SNA) décliné par région, destiné à orienter la politique de l’État et des collectivités territoriales en direction de l’industrie de la viande.
La hausse du coût de l’alimentation animale et sa volatilité grèvent les revenus des éleveurs. À tous les échelons de la chaîne, ces variations doivent être répercutées. La mission estime nécessaire d’encadrer les pratiques promotionnelles qui entraînent la course aux prix bas, au détriment de toute la filière.
Les circuits courts, l’élevage biologique et les filières de qualité permettent de mieux valoriser la production française et doivent être encouragés par les pouvoirs publics. Notre modèle d’élevage doit rester divers, laissant de la place aux petites exploitations et aux abattoirs de proximité.
La filière viande peut conquérir des marchés à l’exportation. Chaque filière doit avoir les moyens de développer une stratégie collective offensive.
.
L’ALLÈGEMENT DES NORMES IMPOSÉES À LA FILIÈRE, UNE IMPÉRIEUSE NÉCESSITÉ
La France tend à pénaliser ses producteurs en adoptant des normes sanitaires et environnementales parfois excessives ou mal ciblées. Elles sont en outre souvent plus rigoureuses que les réglementations européennes.
C’est pourquoi la mission commune d’information souhaite que le « choc de simplification » annoncé par le Gouvernement subordonne l’adoption de toute norme nationale plus sévère que les normes européennes à une étude d’impact. ; aligne la réglementation française sur la réglementation européenne concernant la gestion des matériels à risques spécifiés (MRS) ; mette fin à l’obligation d’une nouvelle étude de sol préalable à l’approbation d’un plan d’épandage en cas de transfert, lorsqu’une étude a déjà été faite ; ou encore mette en place une procédure allégée d’enregistrement des élevages porcins jusqu’au seuil de 2 000 porcs.
DES ATTENTES SOCIÉTALES CROISSANTES ET CONTRADICTOIRES
POUR UNE MEILLEURE VALORISATION DE LA PLACE DE LA VIANDE DANS L’ALIMENTATION ET LA GASTRONOMIE
Si la consommation de viande augmente au niveau mondial, elle tend à stagner en Europe et est de plus en plus contestée par les mouvements végétariens, qui dénoncent ses supposés effets néfastes sur la santé.
La viande contient pourtant des nutriments indispensables à une alimentation équilibrée et sa place est pleinement reconnue dans le programme national pour l’alimentation (PNA) et le programme national nutrition santé (PNNS).
Elle occupe en outre une place de choix dans la gastronomie française, consacrée en 2010 par l’UNESCO.
C’est pourquoi la mission commune d’information souhaite amplifier le soutien des pouvoirs publics aux filières de qualité à haute valeur ajoutée par le développement des signes de qualité et marques collectives à forte notoriété.
ÉLEVAGE ET ENVIRONNEMENT
L’élevage est trop vite condamné au nom de la protection de l’environnement. Il consommerait trop de ressources rares (produits végétaux, eau, énergies fossiles), serait source de pollution en CO2 et en effluents (nitrates, algues vertes) et présenterait des nuisances de voisinage.
Il fait pourtant d’ores et déjà l’objet d’une réglementation très exigeante et les services environnementaux considérables rendus par les éleveurs, notamment l’entretien des paysages ruraux et le stockage du carbone grâce à l’élevage à l’herbe, sont insuffisamment pris en compte. Les effluents devraient en outre être davantage valorisés dans les années à venir comme engrais organiques et source d’énergie à travers la méthanisation.
La mission commune d’information souhaite que ces services environnementaux assurés par l’élevage soient mieux récompensés et encouragés.
UNE NÉCESSAIRE AMÉLIORATION DES CONDITIONS DE TRAVAIL DANS LA FILIÈRE VIANDE
Les conditions de travail dans l’élevage, l’abattage et la découpe sont particulièrement difficiles et sont causes de maladies professionnelles. En outre, face aux restructurations, les salariés de la filière sont insuffisamment formés et trop peu accompagnés pour faire face aux restructurations.
Aussi la mission d’information souhaite-t-elle développer des formations initiales et continues qualifiantes et transversales au sein de la filière viande.
LE BIEN-ÊTRE ANIMAL, UN IMPÉRATIF INSUFFISAMMENT PRIS EN COMPTE
La montée des exigences sociétales en matière de bien-être animal a conduit les pouvoirs publics à encadrer les pratiques aux stades de l’élevage, du transport et de l’abattage afin d’atténuer les souffrances des animaux.
L’abattage est un moment critique pour la protection du bien-être animal. Au terme de ses auditions, la mission commune d’information estime qu’il existe aujourd’hui suffisamment d’éléments pour pouvoir affirmer que l’abattage avec étourdissement minimise les souffrances animales.
Si elle n’est pas favorable à une interdiction de l’abattage sans étourdissement, qui doit rester une dérogation, la mission commune d’information souhaite :
- instaurer un étiquetage obligatoire du mode d’abattage, selon des modalités non stigmatisantes ;
- imposer des contrôles vétérinaires physiques au poste d’abattage pour toutes les espèces et mettre en place un suivi des incidents d’étourdissement ou d’égorgement.
L’ABATTAGE SANS ÉTOURDISSEMENT
Si l’abattage avec étourdissement est la règle, la réglementation européenne permet de ne pas étourdir les animaux lorsque des méthodes particulières d’abattage sont prescrites par des rites religieux. Il s’agit en l’occurrence des rites juifs et musulmans, dans le but de produire de la viande casher dans le premier cas et de halal dans le second.
L’abattage rituel musulman implique que l’animal soit conscient au moment de l’abattage, qu’il soit égorgé selon une technique particulière et que le sacrificateur soit musulman, majeur et en possession de ses facultés mentales.
L’abattage rituel juif impose que l’animal ne soit pas étourdi, que le sacrificateur soit expérimenté, que certaines parties de l’animal ne soit pas consommées et que la carcasse ne présente pas d’imperfections.
LES 40 PROPOSITIONS DE LA MISSION COMMUNE D’INFORMATION
Améliorer la sécurité sanitaire dans la filière viande
Proposition n° 1 : Créer au niveau européen un dispositif d’agrément pour les activités de négoce dans la filière viande.
Proposition n° 2 : Renforcer les contrôles des établissements de 4ème transformation, en particulier dans le secteur des plats préparés.
Proposition n° 3 : Approfondir la coopération entre services de contrôle des États membres de l’Union européenne chargés de la lutte contre les fraudes alimentaires.
Proposition n° 4 : Durcir les sanctions en cas de tromperie du consommateur sur les denrées alimentaires.
Proposition n° 5 : Intensifier les contrôles sanitaires effectués auprès des établissements de remise directe et de restauration collective.
Proposition n° 6 : Systématiser les visites sanitaires en élevage, notamment pour les élevages hors sol de porcs et volailles.
Proposition n° 7 : Maintenir un dispositif public indépendant de contrôle des abattoirs qui assure un niveau d’exigence sanitaire élevé et égal sur l’ensemble du territoire national.
Proposition n° 8 : Renforcer les effectifs des services de contrôle relevant de la DGAL et de la DGCCRF.
Proposition n° 9 : Harmoniser les contrôles réalisés à l’entrée des produits alimentaires aux frontières extérieures de l’Union européenne
Proposition n° 10 : Instaurer un étiquetage obligatoire de l’origine nationale pour les viandes brutes et transformées.
Relancer un modèle économique dans l’impasse
Proposition n° 11 : Procéder à une application nationale de la PAC 2014-2020 qui amplifie la redistribution des aides vers l’élevage, en utilisant tous les leviers disponibles.
Proposition n° 12 : Mettre en place un volet spécifique à l’élevage au sein de la politique nationale de l’installation des jeunes agriculteurs.
Proposition n° 13 : Créer une nouvelle prime couplée destinée à encourager l’engraissement des jeunes bovins.
Proposition n° 14 : Subordonner l’adoption de toute norme nationale plus sévère que les normes européennes à une étude d’impact.
Proposition n° 15 : Aligner la réglementation française sur la réglementation européenne concernant la gestion des matériels à risques spécifiés (MRS).
Proposition n° 16 : Mettre fin à l’obligation d’une nouvelle étude de sol préalable à l’approbation du plan d’épandage, lorsqu’une étude a déjà été faite.
Proposition n° 17 : Mettre en place une procédure allégée d’enregistrement des élevages porcins jusqu’au seuil de 2 000 porcs.
Proposition n° 18 : Renforcer le plan de modernisation des bâtiments d’élevage (PMBE) et le plan de performance énergétique (PPE).
Proposition n° 19 : Lancer un plan sectoriel de modernisation des élevages avicoles et des entreprises de l’aviculture.
Proposition n° 20 : Créer un schéma national des abattoirs (SNA) décliné par région, destiné à orienter la politique de l’État et des collectivités territoriales en direction de l’industrie de la viande.
Proposition n° 21 : Développer la contractualisation dans le secteur de la viande bovine.
Proposition n° 22 : Assurer aux éleveurs des évolutions de prix de vente qui prennent en compte les variations de leurs coûts de production.
Proposition n° 23 : Interdire la pratique de promotions « à prix cassés » qui constituent une forme de vente à perte.
Proposition n° 24 : Favoriser le développement des circuits courts et des filières de qualité, à côté des filières industrielles.
Proposition n° 25 : Conforter le rôle de l’observatoire des prix et des marges en donnant une force officielle aux indices qu’il publie.
Proposition n° 26 : Indiquer obligatoirement l’origine nationale de la viande servie sur les cartes des restaurants et en restauration collective scolaire.
Proposition n° 27 : Sanctionner l’abus de la mention « viande fraiche » pour la viande ovine réfrigérée conservée durant une longue durée.
Proposition n° 28 : Expérimenter le double étiquetage des prix, pour faire figurer les prix payés au producteur, sur une liste de produits phares.
Proposition n° 29 : Mettre en place un dispositif d’affichage dans les surfaces de vente des pratiques abusives constatées dans leurs relations avec leurs fournisseurs de viande.
Proposition n° 30 : Mettre en cohérence le dispositif français de soutien à l’export agroalimentaire.
Proposition n° 31 : Inscrire la viande dans le plan export agroalimentaire.
Proposition n° 32 : Préserver les restitutions aux exportations pour le grand export de poulet pendant une période transitoire.
Proposition n° 33 : Obtenir une révision des conditions d’application de la directive européenne sur le détachement de travailleurs.
Répondre à des attentes sociales croissantes
Proposition n° 34 : Soutenir les filières de qualité à haute valeur ajoutée par le développement des signes de qualité et marques collectives à forte notoriété.
Proposition n° 35 : Exonérer l’élevage à l’herbe de la taxe carbone.
Proposition n° 36 : Aménager l’étiquetage environnemental pour prendre en compte les bénéfices de l’élevage.
Proposition n° 37 : Aménager l’écotaxe poids lourds afin d’en exonérer le secteur de l’élevage.
Proposition n° 38 : Instaurer un étiquetage obligatoire du mode d’abattage, selon des modalités non stigmatisantes.
Proposition n° 39 : Imposer des contrôles physiques des vétérinaires au poste d’abattage, pour toutes les espèces et suivre les incidents d’étourdissement ou d’égorgement.
Proposition n° 40 : Développer les formations initiales et continues au sein de la filière viande.
Les 27 membres de la mission commune d’information sur la filière viande en France et en Europe
Mme Bernadette Bourzai, présidente − Mme Sylvie Goy-Chavent, rapporteure − M. Gérard Bailly, vice-président M. Claude Bérit-Débat, vice-président − M. André Dulait, vice-président − M. François Fortassin, vice-président M. Benoît Huré, vice-président − M. Georges Labazée, vice-président - M. Joël Labbé, vice-président − M. Gérard Le Cam, vice-président M. René Beaumont – M. Michel Boutant – M. Gérard César – Mme Laurence Cohen – M. Roland Courteau – Mme Anne Emery-Dumas M. Alain Fauconnier – M. Jean-Luc Fichet – M. François Husson – Mme Elisabeth Lamure – M. Jean-Jacques Lasserre
M. Jean-Claude Lenoir – M. Jean-Jacques Mirassou – Mme Renée Nicoux – M. Jackie Pierre – M. Rémy Pointereau – M. Charles Revet
Présidente
Mme Bernadette Bourzai
Groupe socialiste - Corrèze
Rapporteure
Mme Sylvie Goy-Chavent
Groupe UDI-IC - Ain
Secrétariat de la commission : 15, rue de Vaugirard - 75291 Paris Cedex 06 - Téléphone : 01.42.34.29.31 - c.sabouret@senat.fr
mission a rencontré les responsables de la section bovine de la FDSEA et des organisations économiques de Saône-et-Loire, à l'occasion de son déplacement chez Bigard à Cuiseaux.
Pour lutter contre la fraude, la mission préconise de renforcer les effectifs de contrôle relevant de la direction générale de l’alimentation (DGAl) et de la répression des fraudes (DGCCRF). Seul problème : alors que les besoins sont croissants, les effectifs au sein de ces services diminuent, eux, de façon constante.
La sénatrice propose aussi « un agrément pour les traders en viande » qui serait perdu en cas de fraude.
La mission commune d’information sur la filière viande préconise d’instaurer un étiquetage obligatoire de l’origine nationale pour les viandes brutes et transformées. « Les contrôles sont trop peu nombreux. L’industrie agroalimentaire pratique ce qu’on appelle l’autocontrôle. Des vérifications devraient être faites de façon impromptues pour en vérifier les frigos », recommande Bernadette Bourzai, la présidente de la mission et sénatrice de Corrèze.
Abattoirs et prix bas
Autre préoccupation de la mission : le déclin de la filière viande. « Le revenu des éleveurs stagne et le coût de l’alimentation animale impacte les exploitations », convient la sénatrice
qui insiste pour que la Pac favorise enfin l’élevage.
Jusque-là pas vraiment de surprise, sauf que « la faiblesse du maillon de l’élevage engendre la faiblesse du maillon industriel ». Parmi les propositions, les sénateurs proposent donc de créer un schéma national des abattoirs décliné par région, destiné à orienter la politique de l’Etat et des collectivités territoriales en direction de l’industrie de la viande.
L’abattage sans étourdissement, sujet de polémique actuelle sur Internet, « doit rester une dérogation », recommande la mission qui affirme dans son rapport que, à contrario, « l’abattage avec étourdissement minimise les souffrances animales ». Un étiquetage obligatoire du mode d’abattage selon des modalités non stigmatisés est également préconisé ainsi que l’imposition de contrôles vétérinaires physiques au poste d’abattage pour toutes les espèces et la mise en place d’un suivi des incidents d’étourdissement et des égorgements. Pour rappel, l’abattage avec étourdissement est la règle, mais la réglementation européenne permet de ne pas étourdir les animaux lorsque des méthodes particulières d’abattage sont prescrites par des rites religieux.
La modernisation des bâtiments d’élevage fait aussi partie des priorités des sénateurs. En la matière, ils souhaitent que soit lancé un plan sectoriel de modernisation des élevages avicoles et des entreprises de l’aviculture.
Mais un problème demeure dans la filière : « la religion des prix bas » et la concurrence entre la grande distribution. Pour Bernadette Bourzai, « ce modèle n’est plus tenable »...
Traçabilité, compétitivité, durabilité :
trois défis pour redresser la filière viande
(Juillet 2013)
_____________________
Mission commune d’information
sur la filière viande en France et en Europe
Bernadette BOURZAI (Présidente) et Sylvie GOY-CHAVENT (Rapporteure)
Cette synthèse est destinée à faciliter la lecture et l’utilisation du rapport sur la filière viande en France et en Europe. Seul le rapport engage la mission commune d’information du Sénat.
L’
affaire de la viande de cheval, qui a éclaté en février 2013, n’a eu aucune conséquence connue en termes de santé publique. Pour autant, la tromperie et les pratiques de l’industrie agroalimentaire révélées à cette occasion ont profondément choqué les consommateurs. Pointés du doigt, les professionnels de la filière viande se défendent, mais la suspicion est bien présente.
C’est dans ce contexte que le Sénat a mis en place une mission commune d’information sur la filière viande en France et en Europe, composée de 27 membres de toutes les sensibilités politiques et appartenant aux différentes commissions permanentes du Sénat, à la demande du groupe UDI-UC du Sénat, dans le cadre du « droit de tirage annuel » accordé aux groupes par l’article 6 bis du règlement.
Au-delà du scandale de la viande de cheval, cette mission s’est fixé pour objectif de mieux comprendre les mécanismes à l’œuvre au sein de la filière viande : les mécanismes de contrôle sanitaire, les équilibres économiques de la production à la distribution, la manière dont la filière doit composer avec les attentes sociétales ont constitué autant de champs d’investigation. Les travaux de la mission ont été guidés par une interrogation centrale : comment donner au consommateur toutes les garanties qu’il est en droit d’attendre des produits carnés ? Comment rétablir la confiance et redresser la filière ?
DES INVESTIGATIONS APPROFONDIES DANS UN DÉLAI TRÈS COURT
La mission a mené ses travaux dans un délai très court : moins de quatre mois se sont écoulés entre le 27 mars, date de sa réunion constitutive, au cours de laquelle elle a élu sa présidente, sa rapporteure, son bureau et défini son programme de travail, et le 17 juillet 2013, date à laquelle le rapport a été adopté.
Une telle rapidité s’explique par l’urgence de la situation. Les différentes composantes des filières viande vont mal et la situation s’aggrave. Rencontrés lors des déplacements de la mission, les professionnels ont confirmé la nécessité de trouver des solutions rapides à des difficultés de plus en plus inquiétantes pour l’avenir de la filière.
Dans ce court laps de temps, la mission a procédé à un grand nombre d’auditions, 62 au total, et a organisé 2 tables rondes. Elle a effectué 4 déplacements sur le terrain pour rencontrer les acteurs des filières viandes − administrations et pouvoirs publics, experts, professionnels, associations … − à Bruxelles et aux Pays-Bas, en Bretagne, en Saône-et-Loire et dans l’Ain et au marché d’intérêt national de Rungis.
FILIÈRE VIANDE : LES CHIFFRES CLEFS
L’affaire de la viande de cheval a concerné au total 50 000 tonnes de viande pendant deux ans, dont 800 tonnes en France.
En 2013, suite au scandale de la viande de cheval, 55 % des personnes interrogées seulement se déclarent satisfaites de la sécurité des produits alimentaires, contre 77 % cinq ans plus tôt (selon le baromètre TNS Sofres/Ania).
En 2012, la Direction générale de l’alimentation (DGAL) du ministère de l’agriculture a conduit 9 776 inspections dans 12 803 établissements de la filière viande.
Les effectifs de la DGCCRF ont connu une baisse d’environ 14 % depuis 2008. En moyenne, seulement un agent de la DGCCRF serait chargé dans chaque département de l’ensemble des contrôles en matière de sécurité alimentaire.
L’industrie d’abattage découpe emploie 50 000 salariés, la charcuterie salaison en emploie 33 800 et les boucheries charcuteries artisanales 80 000.
Au total, l’industrie de la viande en France représente près de 5 000 entreprises, employant 230 000 personnes, pour un chiffre d’affaires de 61 milliards d’euros.
La France est en Europe :
- le 1er producteur de viande bovine (1,64 millions de tec) ;
- le 6e producteur de viande ovine (117 000 tec) ;
- le 3e producteur de viande porcine (2,31 millions de tec) ;
- le 1er producteur de volaille de chair (1,8 millions de tec).
Le cheptel compte :
- en bovin allaitant, 4,1 millions de têtes ;
- en ovin, 3,8 millions de têtes ;
- en porcin, 14 millions de têtes.
La France compte 75 000 éleveurs bovins (cheptel allaitant), 22 500 éleveurs ovins, 20 000 exploitations porcines, 20 000 exploitations avicoles.
En 2012, un revenu courant avant impôt (RCAI) par actif non salarié de 17 100€ pour les éleveurs bovins, 16 500 € pour les éleveurs ovins, 52 900€ pour les éleveurs porcins et 37 400€ pour les éleveurs de volaille de chair, soit une moyenne de 38 300 € contre 76 500€ pour les agriculteurs en grandes cultures.
Les Français consomment 24,3kg/an de viande bovine,
3,3 kg/an de viande ovine, 33,4 kg/an de viande porcine, 25,2kg/an de viande de volaille.
LA SÉCURITÉ SANITAIRE, SOCLE DE LA CONFIANCE
DES CONSOMMATEURS
LA SÉCURITÉ SANITAIRE DES PRODUITS DE LA FILIÈRE VIANDE EST GLOBALEMENT ASSURÉE
La crise de la vache folle en 1996 et 2000 avait durablement entamé la confiance du consommateur dans la viande bovine. Au prix d’efforts de traçabilité exemplaires, et d’une réglementation draconienne, les européens bénéficient désormais d’un des niveaux de sécurité sanitaire les plus élevés du monde dans le domaine de la viande, qu’elle soit bovine, ovine, porcine ou de volaille.
Mais la viande n’échappe pas à l’industrialisation croissante de la production et à une structuration du marché à l’échelle européenne. La chaîne de transformation s’allonge et les acteurs et intermédiaires commerciaux sont nombreux, ce qui accroît les risques.
Malgré tout, la mission d’information a pu constater que le dispositif de sécurité sanitaire mis en place dans la filière viande à la suite de la crise des années 1990 présente un fonctionnement globalement satisfaisant :
- Une réglementation exigeante, fondée sur les principes posés par le paquet hygiène, assure une harmonisation forte des pratiques à l’échelle européenne et met en avant une approche intégrée de la filière, « de la fourche à la fourchette ». Son application repose sur une collaboration entre les professionnels du secteur, auxquels incombe une obligation de résultat en matière de sécurité alimentaire, et les autorités officielles, qui effectuent des contrôles approfondis auprès de l’ensemble des maillons de la filière.
- L’affaire de la viande de cheval a révélé que le dispositif de traçabilité fonctionnait bien et que le système de gestion des alertes à l’échelle nationale comme à l’échelle européenne permettait un règlement rapide des crises.
POUR UNE MEILLEURE COPRODUCTION DE LA SÉCURITÉ SANITAIRE ENTRE LES ENTREPRISES, LES POUVOIRS PUBLICS ET LE CONSOMMATEUR
En période de difficultés économiques, la tentation de la fraude est plus forte, les contraintes plus difficiles à accepter. Il apparaît dès lors nécessaire de renforcer la pression de contrôle auprès d’opérateurs relativement peu contrôlés : établissements de quatrième transformation et établissements de remise directe au consommateur (détaillants et restauration). La réduction drastique des effectifs de la DGAL et de la DGCCRF − dont les personnels ont prouvé leur efficacité − est jugée très préoccupante dans la mesure où elle remet en cause leur capacité à exercer un niveau de contrôle suffisant. Un tel effort ne sera possible qu’en renforçant les effectifs des services officiels de contrôle.
La mission s’est interrogée sur le rôle dans la filière des négociants ou traders qui, à la différence des établissements manipulant et stockant la viande, ne sont pas soumis à une procédure d’agrément pour l’exercice de leur activité. Afin de lutter contre la fraude alimentaire, il apparaît nécessaire de créer un agrément pour les activités de trading dans la filière viande et de renforcer les sanctions applicables en cas de tromperie du consommateur.
Afin de restaurer durablement la confiance du consommateur, la mission d’information juge indispensable de généraliser l’étiquetage obligatoire de l’origine nationale pour l’ensemble des viandes brutes et transformées. Cette obligation existe actuellement pour les seules viandes bovines brutes et devrait être étendue aux autres viandes brutes. Face aux réticences des professionnels et de certains États membres de l’UE, la mission invite à faire preuve d’une grande fermeté dans les négociations européennes.
L’AFFAIRE DE LA VIANDE DE CHEVAL,
UNE FRAUDE À GRANDE ÉCHELLE ET NON PAS UN SCANDALE SANITAIRE
Révélée en février 2013 à la suite d’une alerte lancée par les autorités britanniques, la présence de viande de cheval dans des plats préparés censés contenir du bœuf résultait d’une double falsification d’étiquetage (espèce et origine) opérée sur des produits en provenance de Roumanie et transitant successivement par les entrepôts d’un trader néerlandais, l’usine Spanghero en France puis une filiale de l’opérateur Comigel au Luxembourg.
La réaction rapide des pouvoirs publics européens et français, reposant sur un échange d’informations efficace, la mise en place de tests et de plans de contrôle renforcés ainsi que la concertation avec les professionnels a permis de retracer l’origine de la fraude dans un délai très bref et de la faire cesser.
UN MODÈLE ÉCONOMIQUE DANS L’IMPASSE APPELANT UN PLAN DE RELANCE SANS PRÉCÉDENT
UN DÉCLIN PRÉOCCUPANT DE LA FILIÈRE VIANDE
Chaque filière présente des chiffres inquiétants :
- 2 millions de porcs produits en moins depuis le début des années 2000.
-: 44 % des poulets consommés sont importés, contre 8 % en 1990.
- 20 % de baisse des effectifs du troupeau bovin et 31 % de baisse du troupeau ovin en 20 ans.
Votre mission s’interroge : qui peut prétendre bien gagner sa vie dans la filière viande ? Les revenus des éleveurs restent faibles, et l’industrie d’abattage-découpe a une rentabilité réduite. L’Observatoire des prix et des mages montre qu’aucun des maillons de la chaîne n’est prospère.
Le secteur de la viande est pénalisé par la hausse des coûts des matières premières. 60 à 70 % du coût de production d’un porc ou d’un poulet résulte de son alimentation. La répercussion de la hausse des coûts de production ne s’est pas faite.
L’élevage constitue une activité astreignante : le renouvellement des générations se fait difficilement. Or ce sont les jeunes générations qui entraînent investissement et progrès technique. Il y a un risque de pertes de savoir-faire et de baisse de niveau technique de l’élevage français.
Les difficultés de la production agricole vont de pair avec celles de l’industrie de transformation de la viande. Car il n’y a pas d’élevage sans industrie à proximité et pas d’industrie sans élevage.
La mission commune d’information, au terme de ces auditions, constate que ces difficultés proviennent principalement : d’un déficit de compétitivité à tous les maillons des filières et d’une course au prix bas encouragée par la grande distribution qui comprime les marges de l’ensemble des acteurs de la filière.
Ces difficultés sont renforcées par des distorsions de concurrence avec certains de nos partenaires européens, notamment l’Allemagne, qui ne peuvent plus durer, et par des excès de réglementation, tant au niveau européen qu’au niveau national.
POUR UN VASTE PLAN DE RELANCE DE NOTRE FILIÈRE VIANDE
La France dispose d’atouts pour rester le leader européen de l’élevage : un territoire, une expérience, une volonté.
Les pouvoirs publics ont pris la mesure de la crise de l’élevage et des filières viande, avec l’annonce de plans sectoriels porc et volailles ou encore le contrat de filière.
La mise en œuvre de la réforme de la PAC 2014-2020 doit conduire à une redistribution des aides en direction de l’élevage, utilisant tous les leviers disponibles.
L’agriculture doit retrouver le chemin de l’investissement pour se moderniser, et gagner en compétitivité en alliant performance économique et performance environnementale. L’industrie de la viande doit poursuivre sa modernisation.
Le secteur de l’abattage-découpe souffre aujourd’hui de surcapacités, la mission commune d’information souhaite promouvoir la création d’un schéma national des abattoirs (SNA) décliné par région, destiné à orienter la politique de l’État et des collectivités territoriales en direction de l’industrie de la viande.
La hausse du coût de l’alimentation animale et sa volatilité grèvent les revenus des éleveurs. À tous les échelons de la chaîne, ces variations doivent être répercutées. La mission estime nécessaire d’encadrer les pratiques promotionnelles qui entraînent la course aux prix bas, au détriment de toute la filière.
Les circuits courts, l’élevage biologique et les filières de qualité permettent de mieux valoriser la production française et doivent être encouragés par les pouvoirs publics. Notre modèle d’élevage doit rester divers, laissant de la place aux petites exploitations et aux abattoirs de proximité.
La filière viande peut conquérir des marchés à l’exportation. Chaque filière doit avoir les moyens de développer une stratégie collective offensive.
.
L’ALLÈGEMENT DES NORMES IMPOSÉES À LA FILIÈRE, UNE IMPÉRIEUSE NÉCESSITÉ
La France tend à pénaliser ses producteurs en adoptant des normes sanitaires et environnementales parfois excessives ou mal ciblées. Elles sont en outre souvent plus rigoureuses que les réglementations européennes.
C’est pourquoi la mission commune d’information souhaite que le « choc de simplification » annoncé par le Gouvernement subordonne l’adoption de toute norme nationale plus sévère que les normes européennes à une étude d’impact. ; aligne la réglementation française sur la réglementation européenne concernant la gestion des matériels à risques spécifiés (MRS) ; mette fin à l’obligation d’une nouvelle étude de sol préalable à l’approbation d’un plan d’épandage en cas de transfert, lorsqu’une étude a déjà été faite ; ou encore mette en place une procédure allégée d’enregistrement des élevages porcins jusqu’au seuil de 2 000 porcs.
DES ATTENTES SOCIÉTALES CROISSANTES ET CONTRADICTOIRES
POUR UNE MEILLEURE VALORISATION DE LA PLACE DE LA VIANDE DANS L’ALIMENTATION ET LA GASTRONOMIE
Si la consommation de viande augmente au niveau mondial, elle tend à stagner en Europe et est de plus en plus contestée par les mouvements végétariens, qui dénoncent ses supposés effets néfastes sur la santé.
La viande contient pourtant des nutriments indispensables à une alimentation équilibrée et sa place est pleinement reconnue dans le programme national pour l’alimentation (PNA) et le programme national nutrition santé (PNNS).
Elle occupe en outre une place de choix dans la gastronomie française, consacrée en 2010 par l’UNESCO.
C’est pourquoi la mission commune d’information souhaite amplifier le soutien des pouvoirs publics aux filières de qualité à haute valeur ajoutée par le développement des signes de qualité et marques collectives à forte notoriété.
ÉLEVAGE ET ENVIRONNEMENT
L’élevage est trop vite condamné au nom de la protection de l’environnement. Il consommerait trop de ressources rares (produits végétaux, eau, énergies fossiles), serait source de pollution en CO2 et en effluents (nitrates, algues vertes) et présenterait des nuisances de voisinage.
Il fait pourtant d’ores et déjà l’objet d’une réglementation très exigeante et les services environnementaux considérables rendus par les éleveurs, notamment l’entretien des paysages ruraux et le stockage du carbone grâce à l’élevage à l’herbe, sont insuffisamment pris en compte. Les effluents devraient en outre être davantage valorisés dans les années à venir comme engrais organiques et source d’énergie à travers la méthanisation.
La mission commune d’information souhaite que ces services environnementaux assurés par l’élevage soient mieux récompensés et encouragés.
UNE NÉCESSAIRE AMÉLIORATION DES CONDITIONS DE TRAVAIL DANS LA FILIÈRE VIANDE
Les conditions de travail dans l’élevage, l’abattage et la découpe sont particulièrement difficiles et sont causes de maladies professionnelles. En outre, face aux restructurations, les salariés de la filière sont insuffisamment formés et trop peu accompagnés pour faire face aux restructurations.
Aussi la mission d’information souhaite-t-elle développer des formations initiales et continues qualifiantes et transversales au sein de la filière viande.
LE BIEN-ÊTRE ANIMAL, UN IMPÉRATIF INSUFFISAMMENT PRIS EN COMPTE
La montée des exigences sociétales en matière de bien-être animal a conduit les pouvoirs publics à encadrer les pratiques aux stades de l’élevage, du transport et de l’abattage afin d’atténuer les souffrances des animaux.
L’abattage est un moment critique pour la protection du bien-être animal. Au terme de ses auditions, la mission commune d’information estime qu’il existe aujourd’hui suffisamment d’éléments pour pouvoir affirmer que l’abattage avec étourdissement minimise les souffrances animales.
Si elle n’est pas favorable à une interdiction de l’abattage sans étourdissement, qui doit rester une dérogation, la mission commune d’information souhaite :
- instaurer un étiquetage obligatoire du mode d’abattage, selon des modalités non stigmatisantes ;
- imposer des contrôles vétérinaires physiques au poste d’abattage pour toutes les espèces et mettre en place un suivi des incidents d’étourdissement ou d’égorgement.
L’ABATTAGE SANS ÉTOURDISSEMENT
Si l’abattage avec étourdissement est la règle, la réglementation européenne permet de ne pas étourdir les animaux lorsque des méthodes particulières d’abattage sont prescrites par des rites religieux. Il s’agit en l’occurrence des rites juifs et musulmans, dans le but de produire de la viande casher dans le premier cas et de halal dans le second.
L’abattage rituel musulman implique que l’animal soit conscient au moment de l’abattage, qu’il soit égorgé selon une technique particulière et que le sacrificateur soit musulman, majeur et en possession de ses facultés mentales.
L’abattage rituel juif impose que l’animal ne soit pas étourdi, que le sacrificateur soit expérimenté, que certaines parties de l’animal ne soit pas consommées et que la carcasse ne présente pas d’imperfections.
LES 40 PROPOSITIONS DE LA MISSION COMMUNE D’INFORMATION
Améliorer la sécurité sanitaire dans la filière viande
Proposition n° 1 : Créer au niveau européen un dispositif d’agrément pour les activités de négoce dans la filière viande.
Proposition n° 2 : Renforcer les contrôles des établissements de 4ème transformation, en particulier dans le secteur des plats préparés.
Proposition n° 3 : Approfondir la coopération entre services de contrôle des États membres de l’Union européenne chargés de la lutte contre les fraudes alimentaires.
Proposition n° 4 : Durcir les sanctions en cas de tromperie du consommateur sur les denrées alimentaires.
Proposition n° 5 : Intensifier les contrôles sanitaires effectués auprès des établissements de remise directe et de restauration collective.
Proposition n° 6 : Systématiser les visites sanitaires en élevage, notamment pour les élevages hors sol de porcs et volailles.
Proposition n° 7 : Maintenir un dispositif public indépendant de contrôle des abattoirs qui assure un niveau d’exigence sanitaire élevé et égal sur l’ensemble du territoire national.
Proposition n° 8 : Renforcer les effectifs des services de contrôle relevant de la DGAL et de la DGCCRF.
Proposition n° 9 : Harmoniser les contrôles réalisés à l’entrée des produits alimentaires aux frontières extérieures de l’Union européenne
Proposition n° 10 : Instaurer un étiquetage obligatoire de l’origine nationale pour les viandes brutes et transformées.
Relancer un modèle économique dans l’impasse
Proposition n° 11 : Procéder à une application nationale de la PAC 2014-2020 qui amplifie la redistribution des aides vers l’élevage, en utilisant tous les leviers disponibles.
Proposition n° 12 : Mettre en place un volet spécifique à l’élevage au sein de la politique nationale de l’installation des jeunes agriculteurs.
Proposition n° 13 : Créer une nouvelle prime couplée destinée à encourager l’engraissement des jeunes bovins.
Proposition n° 14 : Subordonner l’adoption de toute norme nationale plus sévère que les normes européennes à une étude d’impact.
Proposition n° 15 : Aligner la réglementation française sur la réglementation européenne concernant la gestion des matériels à risques spécifiés (MRS).
Proposition n° 16 : Mettre fin à l’obligation d’une nouvelle étude de sol préalable à l’approbation du plan d’épandage, lorsqu’une étude a déjà été faite.
Proposition n° 17 : Mettre en place une procédure allégée d’enregistrement des élevages porcins jusqu’au seuil de 2 000 porcs.
Proposition n° 18 : Renforcer le plan de modernisation des bâtiments d’élevage (PMBE) et le plan de performance énergétique (PPE).
Proposition n° 19 : Lancer un plan sectoriel de modernisation des élevages avicoles et des entreprises de l’aviculture.
Proposition n° 20 : Créer un schéma national des abattoirs (SNA) décliné par région, destiné à orienter la politique de l’État et des collectivités territoriales en direction de l’industrie de la viande.
Proposition n° 21 : Développer la contractualisation dans le secteur de la viande bovine.
Proposition n° 22 : Assurer aux éleveurs des évolutions de prix de vente qui prennent en compte les variations de leurs coûts de production.
Proposition n° 23 : Interdire la pratique de promotions « à prix cassés » qui constituent une forme de vente à perte.
Proposition n° 24 : Favoriser le développement des circuits courts et des filières de qualité, à côté des filières industrielles.
Proposition n° 25 : Conforter le rôle de l’observatoire des prix et des marges en donnant une force officielle aux indices qu’il publie.
Proposition n° 26 : Indiquer obligatoirement l’origine nationale de la viande servie sur les cartes des restaurants et en restauration collective scolaire.
Proposition n° 27 : Sanctionner l’abus de la mention « viande fraiche » pour la viande ovine réfrigérée conservée durant une longue durée.
Proposition n° 28 : Expérimenter le double étiquetage des prix, pour faire figurer les prix payés au producteur, sur une liste de produits phares.
Proposition n° 29 : Mettre en place un dispositif d’affichage dans les surfaces de vente des pratiques abusives constatées dans leurs relations avec leurs fournisseurs de viande.
Proposition n° 30 : Mettre en cohérence le dispositif français de soutien à l’export agroalimentaire.
Proposition n° 31 : Inscrire la viande dans le plan export agroalimentaire.
Proposition n° 32 : Préserver les restitutions aux exportations pour le grand export de poulet pendant une période transitoire.
Proposition n° 33 : Obtenir une révision des conditions d’application de la directive européenne sur le détachement de travailleurs.
Répondre à des attentes sociales croissantes
Proposition n° 34 : Soutenir les filières de qualité à haute valeur ajoutée par le développement des signes de qualité et marques collectives à forte notoriété.
Proposition n° 35 : Exonérer l’élevage à l’herbe de la taxe carbone.
Proposition n° 36 : Aménager l’étiquetage environnemental pour prendre en compte les bénéfices de l’élevage.
Proposition n° 37 : Aménager l’écotaxe poids lourds afin d’en exonérer le secteur de l’élevage.
Proposition n° 38 : Instaurer un étiquetage obligatoire du mode d’abattage, selon des modalités non stigmatisantes.
Proposition n° 39 : Imposer des contrôles physiques des vétérinaires au poste d’abattage, pour toutes les espèces et suivre les incidents d’étourdissement ou d’égorgement.
Proposition n° 40 : Développer les formations initiales et continues au sein de la filière viande.
Les 27 membres de la mission commune d’information sur la filière viande en France et en Europe
Mme Bernadette Bourzai, présidente − Mme Sylvie Goy-Chavent, rapporteure − M. Gérard Bailly, vice-président M. Claude Bérit-Débat, vice-président − M. André Dulait, vice-président − M. François Fortassin, vice-président M. Benoît Huré, vice-président − M. Georges Labazée, vice-président - M. Joël Labbé, vice-président − M. Gérard Le Cam, vice-président M. René Beaumont – M. Michel Boutant – M. Gérard César – Mme Laurence Cohen – M. Roland Courteau – Mme Anne Emery-Dumas M. Alain Fauconnier – M. Jean-Luc Fichet – M. François Husson – Mme Elisabeth Lamure – M. Jean-Jacques Lasserre
M. Jean-Claude Lenoir – M. Jean-Jacques Mirassou – Mme Renée Nicoux – M. Jackie Pierre – M. Rémy Pointereau – M. Charles Revet
Présidente
Mme Bernadette Bourzai
Groupe socialiste - Corrèze
Rapporteure
Mme Sylvie Goy-Chavent
Groupe UDI-IC - Ain
Secrétariat de la commission : 15, rue de Vaugirard - 75291 Paris Cedex 06 - Téléphone : 01.42.34.29.31 - c.sabouret@senat.fr