Trois questions à Marie-Guite Dufay, présidente de la Région, autour de la future Pac et sa gestion régionale
Trois questions à Marie-Guite Dufay sur l'Europe, la Pac et le projet agricole régional.

1/ La construction européenne est arrivée à un tournant et l'on peut légitimement se demander si un budget européen correspondant à 1% du PIB de chaque pays, peut suffire eu financement des différentes politiques prévues au titre de l'agriculture, de la défense, de l'innovation, de la recherche... Qu'en pensez-vous et comment pressentez-vous les futurs arbitrages qui ne manqueront pas d'intervenir ?
La Commission européenne a en effet présenté, en mai 2018, sa proposition de cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027, dans le contexte particulier de la préparation de la sortie de l’Union du Royaume-Uni, troisième contributeur net au budget de l’UE. Globalement, je partage les enjeux et défis ayant guidés les propositions de la Commission en mai 2018 : climat, environnement, énergie, place de l’UE dans le monde (migration, sécurité, défense, frontières), Brexit. Il convient de trouver une nouvelle voie pour financer les politiques européennes. Le contexte est difficile d’un point de vue institutionnel et politique : Brexit, montée des nationalismes, méfiance vis-à-vis de l’UE. L’échéance des élections européennes de mai 2019 est cruciale pour l’avenir du projet européen.
Bénéficiaire de 1,4 milliard d’euros au titre des politiques de cohésion et de développement rural, la Région Bourgogne-Franche-Comté est directement concernée par les négociations sur le CFP 2021-2027. Il faut ajouter à cette somme, les aides dont bénéficient les agriculteurs au titre du 1er pilier de la PAC (aides aux revenus). Par ailleurs, nombreux sont les organismes de recherche, établissements scolaires, étudiants à bénéficier de fonds européens grâce à différents programmes communautaires consacrés à la recherche, à mobilité en milieu scolaire, à la jeunesse…. ! Je suis donc avec grand intérêt et vigilance ces négociations. Je me suis rendue à Bruxelles par deux fois sur le second semestre 2018, dont un déplacement avec la chambre régionale d’agriculture, pour faire valoir nos positions, notamment sur la PAC, auprès des décideurs européens.
La Commission propose un budget européen pour 2021-2027 de 1135 milliards d’euros en crédits d’engagement, soit 1,11% du revenu national brut (RNB) d’une UE de 27 États membres alors que le Parlement européen demande des engagements de dépenses à hauteur de 1,3% du RNB de l’UE-27. Je me suis officiellement prononcée pour une augmentation du budget européen, conformément aux propositions du parlement qui refuse notamment la baisse actuelle de la PAC.
Dans le contexte difficile dans lequel vont se tenir les prochaines élections européennes, je suis en effet très inquiète du sort réservé à la PAC : 1er pilier et développement rural. Les risques sont importants pour les agriculteurs et les territoires. Il faut aussi considérer que l’agriculture est et sera utile pour faire face aux enjeux climatiques, environnementaux, sociaux et territoriaux à venir.
2/ En tant qu'autorité de gestion comment vont se terminer les deux PDRR en Bourgogne et Franche-Comté ? Il y a des mesures en tension comme les bâtiments d'élevage, d'autres mesures qui fonctionnent moins bien... Quelles mesures sont prises pour optimiser les moyens disponibles ? Les programmes leader sont-ils maintenant pleinement opérationnels ?
Oui nos deux Programmes de développement rural (PDR), [puisque le périmètre de ces programmes est adossé aux anciennes régions], fonctionnent désormais à plein ! Nos taux de programmation sont de 66% pour le PDR de Bourgogne et de 64% pour le PDR de Franche-Comté. Au sein de chacun de ces programmes, des mesures sont en effet en fortes tensions comme le Plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations agricoles (PCAE). Nous avons dû réviser nos maquettes régulièrement, en lien avec la profession agricole, pour optimiser les moyens disponibles en faveur de nos agriculteurs ! Ce programme est donc une mesure phare des politiques publiques agricoles à mobiliser pour 2019.
La sécheresse exceptionnelle constatée en 2018 a consacré le rôle central du PCAE dans les outils disponibles pour une adaptation des élevages au changement climatique. La concertation avec la profession agricole et les financeurs a permis de faire évoluer les PCAE Bourgogne et Franche-Comté 2019 pour notamment prendre en compte des investissements liés au stockage de l’eau et du fourrage au sein des exploitations agricoles. A cet effet, une mobilisation supplémentaire du FEADER à hauteur de 3,5 millions d’euros en cofinancement des aides des Départements pour la Région pour abonder le dispositif bâtiment d’élevage du PCAE 2019 a été validée lors du comité de suivi de novembre 2018 pour accompagner les investissements dédiés à la sécheresse.
S’agissant des programmes Leader de BFC, après des débuts très difficiles liés au retard du déploiement du système d’information, les conditions de déploiement de la programmation sont désormais réunies. J’ai la plus grande confiance en notre intelligence collective entre les équipes de la région, les GAL pour que désormais nous mettions toute notre énergie en œuvre vers la programmation des aides en faveur du développement de nos territoires ruraux.
3/ Où en est-on de la préparation des prochaines programmations 2021-2027 ? Les défis restent-ils les mêmes ? Quelles évolutions peut-on prévoir sur les priorités à dégager dans le cadre des prochaines programmations et compte-tenu de l'évolution présente et à venir du contexte agricole régional ?
J’ai choisi d’engager très tôt les travaux sur les programmes européens pour la période post 2020. Nous avons déjà organisé une première instance régionale de concertation le 14 février dernier pour mobiliser le partenariat sur les nouveautés règlementaires notamment. Nous allons poursuivre les travaux ardemment sur le diagnostic de notre territoire et l’expression de nos besoins. Le maître mot de nos travaux est l’anticipation ! Quelles que soient les décisions qui seront prises sur les modalités de mise en œuvre du FEADER, je souhaite que nous mettions toutes les chances de notre côté pour être prêts quand les nouveaux programmes commenceront. Je souhaite également me mobiliser aux côtés de la profession agricole pour le calcul des futures enveloppes qui seront allouées à notre région et pour que celles-ci soient à la hauteur de nos besoins !
Les négociations sur la réforme de la Politique Agricole Commune sont en cours à Bruxelles et le projet de règlement concernant le PSN regroupant le 1er et 2e pilier positionne l’Etat dans un rôle majeur d’élaboration de ce plan en concertation avec les Régions. Toutefois, au sein de Région de France, la Région Bourgogne-Franche-Comté participe aux travaux de co-construction de ce PSN qui s’engage afin de faire valoir les enjeux et les besoins de son territoire.
Les Régions françaises ont investi beaucoup de moyens humains et financiers pour mettre en place les PDR et ont su exploiter le levier des crédits du FEADER au service de l’accompagnement des agriculteurs dans leur changement de pratiques. En dépit de difficultés internes à l’Etat Membre et d’organisation initiale entre elles et le Ministère de l’Agriculture et l’organisme payeur unique imposé l’ASP, elles dépassent aujourd’hui leurs voisins européens en termes de taux d’avancement, voisins qui ont pourtant une expérience plus ancienne de la gestion du 2nd pilier. Dans ce contexte, aux côtés des autres régions françaises, je milite pour que la Région conserve l’autorité de gestion du FEADER.
En termes de priorités, la Région Bourgogne-Franche-Comté a adopté, en assemblée plénière le 30 mars 2018, une position sur l’avenir de la politique agricole commune. Pour répondre aux grands enjeux actuels de l’agriculture, nous proposons que la PAC favorise l’émergence de nouveaux modèles agricoles, alimentaires et forestiers, axés sur l’innovation préservant l’emploi ; la diversité des productions et assurant un revenu à l’ensemble des acteurs de ces filières, au travers de quatre objectifs stratégiques :
- favoriser le renouvellement des générations ;
- sécuriser les exploitations et les exploitants agricoles en préalable, face aux aléas climatiques et sanitaires, aux risques de marché ;
- conforter la vocation multiple de l’agriculture et de la forêt ;
- répondre aux enjeux environnementaux et du changement climatique.
Nous avons aussi adopté un vœu sur l’avenir de la politique agricole commune, le 28 juin 2018. Demandant aux autorités françaises d’œuvrer au maintien du budget de la PAC pour faire face aux enjeux du secteur (compétitivité et innovation, environnement et changement climatique, emploi et revenu des agriculteurs) et au maintien d’un 2e pilier fort pour accompagner efficacement la transformation des systèmes agricoles et alimentaires.