Un cheval au chevet des malades en fin de vie
Équivalée et le Haras national de Cluny ont accueilli un cheval extraordinaire à l’occasion du Grand National de Dressage les 21 et 22 mai derniers. Peyo était un cheval promis à cette discipline exigeante, mais son destin l’a dirigé vers une tout autre vocation. On l’appelle même Docteur Peyo, depuis qu’il promène son gabarit et son instinct dans les unités médicales dédiées à la fin de vie.

Photo Race/Marine Bouchot
Peyo est l’un des rares animaux acceptés à l’intérieur d’un établissement de santé. Avec Hassen Bouchakour, son propriétaire et l’un des acteurs de l’association "Les sabots du cœur", il est autorisé à parcourir les couloirs, voire dans certains cas, à entrer dans les chambres et à s’approcher des lits de long séjour.
Car Peyo est un cheval pas comme les autres. C’est un animal qui a accompagné environ 1.500 patients, malheureusement décédés depuis. Parmi eux, il y avait 405 enfants. La présence bénéfique de Peyo dans les unités de soins a fait l’objet d’un véritable travail scientifique. Des facultés inhabituelles ont en effet été constatées chez Peyo. Ce cheval extraordinaire détecte la fin de vie et sa présence apporte des effets bénéfiques et rassurants pour les patients, soignés pour une longue maladie. Ces effets sont d’ailleurs mesurés et permettent généralement une évolution des traitements : diminution des anxiolytiques, morphiniques et antalgiques. Par ailleurs, sa présence génère aussi une amélioration de l’humeur du malade, ainsi que l’apaisement des patients et des familles.
L’association Sabots du Cœur réalise alors tout un accompagnement autour des patients en fin de vie. « Pendant une heure ou une journée, nous partageons un moment chaleureux en toute intimité, au calme », présente Hassen Bouchakour. « Nous apportons la sérénité et de la douceur, pour apaiser les personnes en fin de vie ».
Dans ce protocole, Hassen joue lui aussi un rôle ; il prépare et organise la fin de vie. Il aide à cerner les angoisses, à réaliser les derniers rêves, à trouver parfois des situations financières ou matérielles pour les familles dans une situation précaire. « Nous recevons environ 500 demandes par an et pouvons en assumer la moitié », poursuit Hassen Bouchakour. « C’est un rythme énorme, avec près de 20 prises en charge par mois. Nous ne travaillons qu’en France, même si on nous sollicite ailleurs ». L’association vit presque uniquement à partir de dons. Ces sommes permettent notamment « mes déplacements et ceux de Peyo afin que cela ne coûte rien aux familles ».
Un caractère difficile remarqué
À l’origine, Peyo était un cheval promis à une carrière sportive, mais son caractère l’a détourné de son destin. Au début des années 2010, Hassen Bouchakour, un cavalier spécialiste du dressage, cherchait un animal pour la compétition et des activités artistiques (cabaret). « On m’a proposé Peyo ; je l’ai pris même s’il représentait tout ce que je ne voulais pas, en termes de couleur, de conformation. Ensuite, j’ai découvert son caractère, anxieux, jaloux, nerveux ».
La collaboration entre le destrier et le cavalier démarre mal. « Je ne comprenais pas son agressivité ; il n’était pas câlin, ni proches des personnes, alors que c’est fréquent chez les chevaux. Je n’arrivais pas à communiquer avec lui, alors que c’est un critère décisif pour le dressage. Si bien, que lassé, j’ai décidé de le remettre en vente », se remémore Hassen Bouchakour. Et lors du contact avec le vendeur, l’animal se métamorphose. « L’acheteur m’a demandé de le monter. Je lui demande d’avancer » … Et Peyo avance. « J’en ai déduit que le problème, ce n’était pas lui, mais moi. L’année d’après, nous étions champions de France ». Il y a eu un déclic : « il n’aimait pas qu’on le touche. J’ai alors compris qu’il était conditionné différemment », analyse Hassen Bouchakour qui continue de s’interroger. « Pourquoi ce cheval était-il si différent des autres ? Je voyais bien qu’il s’arrêtait sur les personnes affaiblies psychologiquement, moralement ».
Puis Hassen apprend que des personnes avec qui son cheval avait eu un comportement particulier sont décédées entre-temps. « C’est là qu’une phase d’observation débute, avec des vétérinaires, oncologues, psychiatres, pédiatres et chercheurs, où il est demandé à Peyo de "marquer" des chambres de patients les plus fragiles », explique Hassen Bouchakour. Ce qu’il réussit à accomplir. Les capacités extraordinaires de Peyo étaient prouvées par ce véritable travail scientifique, qui a été mené sur plus de mille cas. Il s’avère que Peyo est capable de détecter des cancers, des tumeurs, des fragilités.
Dès lors, le cavalier change son organisation autour du cheval. « Des équipes soignantes l’ont laissé accéder dans leurs services de santé. Car il se rapproche des gens qui présentent des troubles de santé mentale ou physique. Ce n’est pas de l’empathie, car ça n’existe pas chez l’animal. C’est son instinct qui le pousse vers des humains malades », poursuit Hassen Bouchakour.
Parfois, le cheval "accepte" de rencontrer le malade. « Je prends le relais pour créer une rencontre. Et si Peyo ne montre pas d’opposition, il est amené dans la chambre du malade. Parfois ça marche et il se rapproche, comme pour couver ou protéger. Et d’autres fois, il reste à distance… ». Mais à chaque fois, un peu ou beaucoup de bienveillance mutuelle illuminait cette rencontre d’un instant.
Un cheval qui repère les patients les plus fragiles
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