Un conservatoire pour l’aligoté
2004, c’est tout l’ODG Bouzeron qui se mobilise désormais pour conserver
plus largement de nombreux individus aux potentiels génétiques
intéressants. Officiellement lancé, le conservatoire des aligotés "de"
Bouzeron vise à mieux connaître ce cépage unique en Bourgogne.
La richesse génétique des cépages se trouve essentiellement dans les vieilles parcelles qui se rarifient du fait de leur renouvellement. En effet, « les pratiques de la pépinière ont changé au début des années 1960. Cette filière s'est professionnalisée et structurée, la réussite au greffage augmente et ainsi à partir d'un cep le nombre de plants produits devient bien plus important. Les pépiniéristes proposent leurs sélections issues de peu de parcelles, alors qu'avant ils assemblaient le matériel confié par le viticulteur issu de sa sélection », complète le technicien du service Vignes & Vins à la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire, qui accompagne les porteurs du projet.
A cette même période, les travaux de sélection de la vigne ont débuté avec comme objectif d'assainir le vignoble des viroses graves qui étaient alors multipliés et dispersés par le greffage. Cépage moins rependu, l'Aligoté fut moins travaillé que les autres cépages bourguignons avec moins de 10 clones agréés aujourd'hui, alors que le Chardonnay en compte 28.
Après une sélection de parcelles à prospecter, répondant à des critères d'âge, de pureté variétale, et de qualité sanitaire vis à vis des viroses graves, 69 ceps ont été sélectionnés sur 5 parcelles du village de Bouzeron. Ce premier travail est le point de départ de la mise en place du conservatoire de ce cépage en 2013, avec l'installation de 58 individus différents. Ce chiffre est appelé à grandir. Le conservatoire « n’est pas fermé » et pourra en accueillir d’autres, venant aussi de vignobles d’autres régions.
Pour l’heure, la qualité sanitaire de chacun d’entre eux a été vérifiée. A partir de ce pool d’individus, l’objectif désormais est de refaire de la sélection. Des nouveaux individus diversifiés devraient être proposés aux vignerons à échéance 25 ans pour « avoir un maximum de matériel adapté » aux conditions pédoclimatiques locales. Un délai nécessaire car « le potentiel génétique dépend aussi de l’environnement et des viticulteurs qui l’ont façonné en le travaillant (épigénétique) ». L’occasion donc de les tester ainsi pour voir si les caractéristiques initialement repérées subsistent sur jeunes vignes.
Préserver un patrimoine végétal
A l’initiative du projet, le Domaine de Villaine avec à sa tête Pierre de Benoist, a su convaincre l’ensemble des vignerons de la commune de s’investir dans la création d’un conservatoire de l’aligoté à Bouzeron, rapidement soutenu par la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire, le Pays Chalonnais et le Conseil régional de Bourgogne. « En Bourgogne, Bouzeron est la seule appellation village issue de cépage aligoté. C’est dire la qualité des pieds de vigne présents ici. L’objectif est de proposer à terme à tous les vignerons de nouvelles alternatives. Le marché des vins blancs de qualité s’est normalement organisé autour du cépage chardonnay, reléguant les aligotés dans des sols pas toujours adaptés et ne favorisant pas les échanges entre terroir et végétal. Cette "douce princesse endormie" s’est un peu réveillée avec le kir mais les consommateurs de vins blancs cherchent des vins frais et, ficelés. Bouzeron donne cette précision aromatique et a son marché. Ces 600 pieds –un individu a environ sept plants– doivent être élargis à l’ensemble de la Bourgogne pour préserver un patrimoine végétal et développer la qualité des plants. Beaucoup de domaines ont gardé des vieilles parcelles donnant à la dégustation des vins fantastiques, comme au Domaine Lafarge à Volnay, au Domaine Ponsot à Morey-Saint-Denis ou chez Lalou Bizze-Leroy à Auxey-Duresses », explique le président de l’ODG Bouzeron, invitant tous les domaines bourguignons intéressés par le conservatoire de l’Aligoté à se manifester.