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Fromages fermiers

Un contexte favorable en crèmeries

Le 12 décembre dernier à l’occasion de son assemblée générale à Charolles, le syndicat de défense du fromage Charolais recevait Philippe Olivier, le président des crémiers-fromagers de France. En fin connaisseur du métier, l’homme a livré, non sans une certaine truculence, sa vision des choses. Et cela conforte plutôt les choix des producteurs de Charolais AOC.
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En invitant Philippe Olivier, les responsables du syndicat de défense du fromage Charolais ont voulu faire partager le point de vue des crémiers-fromagers. Une profession qui constitue une cible de choix pour les promoteurs du Charolais, confiait le président du syndicat, Daniel Rizet. Ce créneau est en effet préféré à la grande distribution et aux centrales d’achat pour valoriser tout le travail accompli par les éleveurs saône-et-loiriens.
Philippe Olivier est aujourd’hui le président des crémiers-fromagers de France. L’homme est entré dans le métier en 1967, une époque où « la profession n’intéressait personne », confie-t-il. Issu d’une famille de « marchands de fromages », Philippe Olivier a développé son entreprise dans le Nord de la France. Passé dans les mains de son fils, elle réalise aujourd’hui 51 % de son chiffre d’affaires à l’export, détient trois boutiques, plus dix points de vente et compte parmi sa clientèle 800 restaurateurs dans le monde !

Regain d’intérêt pour le métier


Parlant de son métier, Philippe Olivier rappelait que le nombre de crèmeries est passé de 14.000 dans l'après-guerre à 2.600 à la pire époque, pour remonter à 3.200 aujourd’hui. Les crémiers-fromagers représentent - avec la vente directe - seulement 10 % du volume de fromage commercialisé. Ils vendent pour moitié sur les marchés et pour moitié en boutique.
Depuis quelques temps, le métier semble bénéficier d’un certain regain d’intérêt. « Nous avons repris 2,8 % de la vente des fromages à la grande distribution », indiquait Philippe Olivier. « Nous vivons une période favorable. A Bordeaux, dix nouvelles boutiques se sont montées ! Dans les grandes villes, les meilleurs crémiers enregistrent des progressions à deux chiffres ! C’est plus difficile dans les petites villes, mais il y en a beaucoup où il n’y a pas encore de crèmerie ». Le président des crémiers rapportait par ailleurs qu’il faut au moins 50.000 habitants par crèmerie.

Retour aux fromages affinés, typés


Pour Philippe Olivier, la grande distribution n’est plus vraiment la bête noire de la profession. « C’est la génération d’avant qui a souffert de la grande distribution. Aujourd’hui, il y a deux créneaux bien distincts et il y a de la place pour tout le monde ». Le président des crémiers constatait que la vente des fromages a changé : « au lieu d’essayer de répondre à la demande, on essaie davantage de vendre ce qu’on a envie de vendre… ». En fait, contrairement aux décennies passées, la clientèle d’aujourd’hui ne craint plus les fromages affinés, goûteux, typés. C’est au contraire ce qu’elle recherche et pour cela, elle s’en remet au savoir-faire des fromagers. Les clients d’aujourd’hui sont aussi mieux informés sur les fromages qu’ils aiment. « Ils consultent internet avant de venir ! », confiait Philippe Olivier.

L’idée reçue d’une clientèle élitiste


Le président des crémiers mettait en garde contre l’idée reçue que la clientèle de ces boutiques spécialisées serait élitiste et que les crèmeries seraient des « boutiques de luxe » : « 7 % de ma clientèle étaient des chômeurs qui voulaient se payer un bon camembert le week-end ! On a beaucoup d’instituteurs. Ceux qui nous font défaut, ce sont les professions libérales », confiait Philippe Olivier.

25 kg de fromage par an et par habitant


Dans son exposé, le président des crémiers signalait que 50 % du fromage consommé ne le sont plus à la fin des repas. Une tendance qui menace le traditionnel plateau de fromage. Néanmoins, il faut savoir que la consommation de fromage est passée de 3 kg par an et par habitant en 1900 à 16 kg au début des années 80 pour atteindre 25 kg aujourd’hui. Les régions les plus consommatrices de fromage sont Paris, Rhône-Alpes et le Nord.



Sujets qui fâchent…


Sans langue de bois, cet échange avec les producteurs de Charolais n’a pas évité les questions délicates. A commencer par l’intérêt de l’appellation elle-même vis-à-vis des crèmeries. « Dans nos boutiques, les gens nous demandent avant tout un bon chèvre. L’AOC, c’est important surtout pour l’export », estimait Philippe Olivier. Les producteurs saône-et-loiriens l’ont aussi questionné sur la saisonnalité de la sortie des Charolais. En clair, « les crémiers devraient comprendre qu’on ne vende pas de fromage de chèvre à Noël », lançait un producteur. Sur cette question, le président ne cachait pas que jouer l’honnêteté en refusant de fournir un fromage à contre-saison était très risqué pour un crémier. La faute est aussi dans le camp des « grands restaurateurs » qui, malgré leurs beaux discours, sont capables de mettre du chèvre dans les menus de réveillons ! Dernier sujet de controverse soulevé par le représentant des crémiers : les prix trop bas pratiqués par les producteurs en vente directe qui portent un coup dur aux crémiers détaillants.