Un contexte incertain pour les exportations de vins et spiritueux
Les exportations françaises de vins et spiritueux ont subi une deuxième année de recul en valeur. Une évolution préoccupante pour un vignoble aujourd’hui très dépendant des ventes à l’étranger, notamment sur pays-tiers.

Les exportations françaises de vins et spiritueux, l’un des fleurons de la balance commerciale du pays, n’ont pas été épargnées l’année dernière par les conséquences de l’inflation et les incertitudes géopolitiques. En 2024, les ventes à l’étranger ont connu un nouveau fléchissement en valeur de 4 % par rapport à 2023, à 15,6 milliards d’€ (Md€), ont indiqué les dirigeants de la fédération des exportateurs de vins et spiritueux (FEVS) lors du salon Wine Paris. Le reflux affecte les vins (-3 %) mais aussi les spiritueux (-6,5 %), remarque la FEVS, qui y voit un coup d’arrêt à la « premiumisation » des produits français. La « correction » est particulièrement spectaculaire pour le Cognac, dont les ventes sont en recul de 0,6 % en volume, mais de 10,9 % en valeur.
Dans le détail, les ventes en valeur reculent particulièrement vers la Chine (-20 %), en raison d’un contexte économique défavorable « accentué par l’enquête antidumping sur les brandies européens », souligne la FEVS. Les États-Unis, premier client de la France et de loin, avec 3,8 Md€ (presque un quart du total), font exception, avec une progression de 5 %. Une évolution largement en trompe-l’œil. « Il y a eu un effet de compensation », a assuré le président de la Fédération Gabriel Picard. « Les exportations vers les États-Unis avaient considérablement reflué en 2023 et nos clients américains ont reconstitué leurs stocks l’année dernière. En réalité, les achats sont plutôt stables ».
Dans ce contexte, la stabilisation des volumes exportés (-0,1 %), après la chute importante de 2023 (-10,4 %) pourrait apparaître comme un motif de satisfaction. Ce n’est pourtant pas l’avis des dirigeants de la FEVS. « Les records en valeur de ces dernières années nous ont masqué la réalité de la baisse régulière des quantités sur le moyen terme », commente Gabriel Picard. « Entre 2021 et 2024, nous avons perdu 29 millions de caisses (de 12 bouteilles N.D.L.R.) à l’export. C’est l’équivalent cumulé des exportations de Bordeaux et de la Bourgogne ». Cette déperdition, si elle se confirmait, « ne serait pas sans conséquence pour la viticulture mais aussi pour les productions agricoles destinées à la production de spiritueux et d’alcool », a souligné Gabriel Picard, estimant que les plans d’arrachage et de distillation auraient à cet égard « autant d’effet que de l’eau répandue sur du sable ».
Oui aux accords commerciaux
Les dirigeants de la FEVS ont également attiré l’attention sur la part considérable des pays tiers dans la ventilation des exportations françaises. « En 2024, près des trois-quarts des exportations françaises ont été faites hors d’Europe », a insisté Gabriel Picard. Selon lui, ce poids doit être pris en compte dans les négociations commerciales. « Nous considérons par exemple que l’accord CETA avec le Canada a été un bon accord », juge le président de la FEVS, qui s’est dit également favorable aux négociations avec le Mercosur. « On ne peut pas nous dire qu’il faut diversifier nos débouchés (très dépendants des États-Unis et de la Chine, N.D.L.R.) et dans le même temps nous fermer les possibilités de nous développer ailleurs ».
Compte tenu des incertitudes géopolitiques actuelles et de leurs potentielles répercussions sur le commerce, les exportateurs réclament « une prise de conscience » des enjeux économiques, de la part des dirigeants français et européens. « Nous attendons notamment des politiques français des prises de parole maîtrisée sur ces sujets », a critiqué Gabriel Picard à propos du différend entre l’Union européenne et la Chine sur les véhicules électriques. « Sur ce sujet, c’était à l’Europe de s’exprimer, nous nous sommes beaucoup trop mis en avant », a estimé le dirigeant de la FEVS. Si l’incertitude demeure sur les taxes américaines à l’égard des produits européens, Gabriel Picard a estimé que 2025 se présentait pour l’heure « plutôt correctement ». La filière compte cependant bien prendre elle-même son destin en main en améliorant son organisation. La FEVS a ainsi constitué l’année dernière « la Maison des vins et spiritueux », en compagnie de l’UMVIN (Union des maisons et marques de vins), de la Fédération des vins d’apéritif (FFVA) et de la Fédération des spiritueux (FFS). « Ensemble, nous serons plus crédibles et plus forts sur les dossiers politiques et réglementaires », a souligné Gabriel Picard à propos de cette structure présidée par Jean-Pierre Cointreau.