Un emploi par passion
Le 21 décembre, le lycée de Mâcon-Davayé était l’hôte d’une étape du Tour de France de l’égalité. Se consacrant à la filière vitivinicole, la dernière table ronde se penchait sur les conseils pour "Trouver un emploi dans les métiers du vin quand on est une femme". Retour.

En poste depuis deux mois pour son « véritable premier emploi », après de nombreux stages, l’ancienne élève de Davayé, Lise Lacroix positivait d’emblée. Elle perçoit autour d’elle une tendance vers davantage d’égalité envers les femmes. Ce qui ne dédouane néanmoins personne de devoir faire ses preuves dans son travail, comme tout le monde. « Il ne faut jamais se décourager. Il faut garder confiance en soi », conseille-t-elle. « J’ai osé postuler en tant que chef de culture. Ils m’ont retenu devant des hommes expérimentés. C’est certes physique comme métier, mais il y a plein de machines et des astuces existent. Il n’y a pas de honte à se faciliter le boulot et à travailler à son rythme, tant qu’il est fait à temps. Surtout, c’est dans la tête que cela se passe. Je dirige des hommes. Il faut absolument leur répondre, de façon sûre et sans agressivité, sinon on peut se faire "manger". Quand on est sûre de soi, ça répond bien souvent à la question ».
Prendre de la hauteur
Avec plus de recul avec sa carrière, Virginie Taupenot mettait cependant en garde à ne pas « faire toujours plus. Ce n’est pas parce que vous êtes une femme que vous avez à prouver deux fois plus ». Elle conseillait plutôt de « prendre de la hauteur sans se laisser faire » quitte, sinon, à « aller voir des gens à votre écoute ». C’est justement un des rôles de l’association qu’elle préside, Femme et vins de Bourgogne, créée en 2000. Virginie Taupenot nuançait toutefois l’enthousiasme de sa jeune consœur sur les progrès des mentalités. « De nombreuses femmes ont encore le sentiment que leur candidature n'est pas prise en compte de façon juste ». L’association collecte alors leur curriculum vitae (CV) et les transmets dans son réseau. La viticultrice de Morey-Saint-Denis, qui a travaillé à l’étranger avant de revenir sur le domaine familial, conseille d’en faire de même, ne serait-ce que pour voir justement d’autres mentalités et d'autres approches du métier. Avec des avantages et inconvénients comme partout. Virginie Taupenot l’assure, il faut « faire ses armes, trouver sa place. Maintenant à 46 ans, j’ai moins à prouver, je suis moins dans le combat et j’ose, je rentre dedans mais sans jamais être trop agressive ». La patience et l'expérience sont des vertus.
Gagner le respect
Le respect et l’égalité peuvent parfois se gagner de façon singulière et sans combat. Une stagiaire dans la salle témoignait « avoir eu un maître de stage qui l’a traitée d’égal à égal. Mais un jour des confrères vignerons à lui se sont permis des remarques sexistes. Après un moment, des clients anglais sont arrivés et comme aucun ne parlaient correctement l'angalis, j’ai saisi ma chance, parlant pour ma part parfaitement anglais. Et j’ai gagné le respect de tous ».
La viticulture n’est pas le seul métier où les compétences des femmes sont parfois remises en cause. Loin de là même. De part ses études en Commerce des vins, Marine Ferrand a même été « confrontée à des avances qui vont trop loin » de la part d’autres commerciaux. Mais pas en viticulture, félicitait-elle. Revenue sur le domaine familial avec sa mère, elle reconnaît travailler avec des « hommes extraordinaires », citant son oncle et son ex-compagnon. Une inversion peu fréquente qui tendrait à démontrer que les femmes n’ont pas les mêmes rapports que les hommes, entre hiérarchie au travail et relations personnelles. Ne pas répéter ou copier les erreurs passés des hommes est une démonstration d'intelligence.
Transpirer la passion
Pour trouver un emploi, femme ou homme d’ailleurs, il faut « oser, persévérer et surtout aimer le métier que vous faites de toutes vos forces », expliquait Sophie Cinier qui s’applique cette philosophie à Fuissé. Nadine Gublin confirmait, elle qui compare l’œnologie à un « métier de création. A ce titre, il faut être passionné pour transformer un raisin en un produit très élaboré. Sinon, cela ne fonctionne pas ». C’est ce qu’elle cherche chez un candidat ou une candidate. « Garçon ou fille, cela se remarque tout de suite par l’investissement personnel… Quand vous transpirez la passion, vous réussirez », assurait-elle.
Evidemment, la passion ne peut pas tout. « J’ai été déçue, j’ai même parfois pleuré, mais je me suis toujours relevée de ces injustices », levait haut la tête Julia Scavo, sommelière internationalement reconnue. « Je ne suis pas une combattante, mais j’aime la compétition loyale et juste. La persévérance plus que le combat », rajoutait-elle, démontrant sa force intérieure, en paix avec elle-même.
Toutes célébraient les hommes « intelligents », « respectueux » ou « justes » qu’elles ont croisé ou avec lesquels elles travaillent. Sans oublier, leurs conjoints « merveilleux » qui les soutiennent dans leur vie de famille et de couple. L'équilibre étant un tout.
Ce que résumait simplement Michèle Vianes, « Mesdames, osez ! Messieurs, écoutez ! ». Et inversement...