Un patrimoine à taille humaine
réservaient un large temps d’échanges autour des "Chambres d'hôtes et gîtes en milieu rural". Plus qu’une simple activité complémentaire ou de
tourisme, il s’agit également pour les agriculteurs de valoriser leurs
productions agricoles et développer leur patrimoine.
Des offres séduisantes
Vincent Lambrecht, notaire à Bligny-sur-Ouche (21), rappelait ensuite que les gîtes ruraux et les chambres d’hôtes bénéficient d’un « régime fiscal dérogatoire ». Cet avantage, par rapport à l’hôtellerie traditionnelle, explique le développement important de ce mode d’hébergement en Bourgogne. « Sur les 39 millions de nuitées annuelles (pour 105.000 lits marchands) au global, 500.000 (pour 4,8 % des lits) sont passées en chambres d’hôtes et 1.000.000 en gîtes ruraux (pour 11,8 % des lits) ». Des parts de marchés conséquentes donc qui profitent « deux fois plus aux gîtes qu’aux chambres ».
2013 : année morose
Pour autant, la conjoncture n’épargne pas ces établissements. Après une baisse de la fréquentation de 0,7% en 2012, 52 % des professionnels interrogés estiment que « 2013 est la pire année depuis 5 ans ».
En moins de vingt ans, les chambres d’hôtes sont passées de 9.000 à 38.000 en France. En Bourgogne, 2.100 meublés sont recensés dont 1.422 gérés par les Gîtes de France. Les taux d’occupation varient selon les prestations offertes et l’emplacement géographique ainsi que l’attrait touristique : en Côte-d’Or, le taux moyen d’occupation est de 47,4 % mais seulement de 37,3 % en Saône-et-Loire. Des différences qui se font également jour en matière de clientèles étrangères (Belges, Allemands…).
Montée en gamme des prestations
« Trois chambres génèrent en moyenne un chiffre d’affaires de 18.000 €/an » avec des prix compris entre 54 et 58 € la nuitée dans notre région. Les études montrant que « les clients évoluent » et certains réclament « une montée en gamme en matière de prestations ».
Une tendance qui pousse les gérants à se professionnaliser davantage encore. Professeur à l’Université de Dijon, Hubert Boss-Platière et Benjamin Travely, notaire à Marcigny, approfondissaient cette « dichotomie » croissante entre « activité accessoire » et ceux qui s’y consacrent pleinement. Derrière, « la question principale a trait à la protection du patrimoine par le cadre sociétaire ou d’entreprise, via notamment une déclaration d’incessibilité ».
Des repas à base des produits de la ferme
En revanche, l’agriculteur se lançant dans l’agrotourisme doit « prendre garde au caractère principal et accessoire. Le seul critère du lieu agricole pour un gîte paraît insuffisant. Il faut aussi prendre le critère économique : les prestations devant être tirées de l’exploitation elle-même, notamment les repas. Sinon, le caractère d’activité agricole risque d’être requalifié sur un plan social et fiscal », expliquaient-ils.
Fermage : accord express du bailleur
D’autres questions se posent également dans le cas d’un exploitant locataire de bâtiments, assujettis aux statuts du fermage par exemple. « Il peut exercer (L 311-1 du code rural) mais la question de la sous-location peut se poser, ce qui est prohibé faisant que le bailleur a le droit de résilier le bail. Des autorisations existent néanmoins dans un usage de vacances ou de loisirs ou pour des bâtiments à usage d’habitation. Mais il faut l’accord express du bailleur avant toute ouverture d’activité touristique et voir avec lui, la question de l’indemnisation éventuelle dans le cas de travaux ».
Côté relation avec les clients, il s’agit évidemment de « respecter des conditions contractuelles », que détaillaient Gilles Mentré, notaire à Montceau-les-Mines et Nicolas Peyrat, notaire à Tournus. Après les obligations déclaratives auprès de la commune (Cerfa avec accusé de réception), « il faut remettre un contrat de location saisonnière avec un état descriptif recensant le maximum de caractéristiques », résumaient-ils puisque des « sanctions en cas de non respect des obligations » sont prévues par le législateur, avec des peines de 3e classe (450 €) et même de 5e classe (1.500 €). Des questions de droits qui vont jusqu’au respect du droit de l’urbanisme de la commune comme le rappelaient Hélène Rudloff, notaire à Tournus, et Frédérique Denis-Buisson, notaire à Couches, même si « une modification du PLU » est possible suite à un départ en retraite alors que l’exploitant avait son habitation en zone agricole.
Défiscaliser pour capitaliser
Exploitant des chambres d’hôtes près de Beaune, Jean-Louis Martin témoignait dans une vidéo où il expliquait avoir trouvé là « un moyen de gagner sa vie ». Insistant sur la « dimension humaine » de cette activité, il tire un chiffre d’affaires annuel « proche de 300.000 € » mais sans avoir « de repos pendant 6 à 8 mois ». Ses investissements lui ont permis « d’améliorer son patrimoine » concluait-il.
Des propos confirmés par Nadège McNamara et Laurent Melin, respectivement notaires à Autun et Chalon-sur-Saône. Ces deux notaires prenaient un autre cas réel pour parler du financement et de la fiscalité. Le cas choisi était celui d’un gite de dix couchages en Saône-et-Loire, classé 3 épis, avec des tarifs débutant à 510 €/semaine en basse saison. Pour les travaux et l’acquisition, le coût total atteignait 290.000 € (100.000 € emprunté). Côté rentabilité, « le total des produits de 2011 s’élève à 9.700 € pour des charges annuelles de 12.392 € ». Un déficit permettant les « exonérations fiscales partielles ou totales » prévues dans les zones dites de « revalorisation rurale ». Avec un tel résultat économique négatif en 2011, le résultat fiscal est « intéressant pour déduire » et ainsi « sauvegarder le patrimoine en vue de transmettre un bâtiment ».
« Des gains fiscaux générant des réductions d’impôts sur le revenu » que comprenaient bien le conseiller au Crédit Agricole, Daniel Follet qui néanmoins se disait en 2013 « plus sensible au taux de remplissage prévisionnel (entre 40 et 45 %) et à la rentabilité avec le calcul du prix en fonction de la prestation » pour mettre en amont en place un financement.
Le banquier évalue également si le créateur va s’installer avec des labels pour se faire connaître et être bien répertorié, notamment sur Internet, prépondérant aujourd’hui (80 %) en matière de réservation de vacances. « Plus le projet sera grand, plus les apports personnels devront être conséquents ; un peu moins si il y a valorisation d’un produit agricole en parallèle » mais l’autofinancement se situe généralement à hauteur de 30 % minimum (plus les frais) pour un prêt d’une durée de 15 ans maximum.
Un financement « lourd avec hypothèque », concédait-il, qui explique peut-être aussi pourquoi il y a « assez peu de reprises de gîtes ou chambres d’hôtes mais plutôt des successions familiales ». En revanche, compte tenu des charges, « la rentabilité est souvent meilleure qu’en hôtellerie après la montée en charge de 3-4 ans, nécessaire pour se constituer une clientèle fidèle », concluait-il.