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Julien Taton à Saint-Albain

Un soja bio hautement valorisé

Julien Taton a une exploitation céréalière à Saint Albain, au nord de
Mâcon. Installé en 2001 en céréales et maraîchage, il suit les traces de
ses parents et de son oncle, reconvertis en agriculture biologique en
1998 et pratiquant le non labour. Vendredi dernier, à La Chapelle-Thècle,
il témoignait des avantages et inconvénients liés à la culture du soja.
Culture qui, en bio, est hautement valorisée !
Par Publié par Cédric Michelin
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Suite au départ en retraite de sa mère, il se recentre en 2010 sur ses 110 ha de céréales et d’oléagineux et se lance dans la transformation en farine et huile, avec l’appui d’un salarié. C’est cette étape qui lui permet aujourd’hui de dégager du revenu (voir encadré).
Mais là n’était pas le propos du jour ce vendredi 19 juin à la Chapelle-Thècle. Chez Jean-Christophe Roux, Julien Taton était venu témoigné de ses pratiques « innovantes » dans le cadre des journées Innov’Actions, coordonnées par les chambres d’agriculture de Bourgogne notamment.
« Pour mon itinéraire technique, j'ai les grandes lignes mais comme je suis en zone inondable, je dois beaucoup m'adapter en fonction du climat, du salissement des parcelles... », débutait Julien Taton. Cette fatalité n’altère pas son moral pour autant. Comprendre le fonctionnement de ses sols est, pour lui, « un vrai enrichissement personnel ».
« J'ai intégré le soja en culture de printemps pour permettre de couper le cycle des rotations. Le soja me permet d'avoir une bonne tête d'assolement pour ensuite produire des céréales. De plus, j'ai beaucoup de parcelles en zones inondables où le soja reste un très bon compromis et, est moins sensible aux ravageurs ».

Les faux-semis pour stimuler la levée des adventices



Mais tout n’est pas simple tous les jours. Julien ne pratique aucun labour dans la culture du soja. Il effectue un premier passage au mois de février avec du matériel de déchaumage, puis réalise des faux-semis afin d'éliminer le stock d'adventices. L'objectif est de détruire l'herbe, sans dessécher le sol tout en éliminant les mottes. Sa difficulté aujourd'hui est de réaliser ces opérations avec du matériel classique.
Ses parcelles inondables, il les a travaillées l’an dernier avec un outil équipé d’une dent Michel. « Une erreur », juge-t-il avec le recul. Il recherche maintenant un matériel « assez spécifique »… et donc onéreux. Il n’a pas encore la possibilité d’investir dans le vibroculteur de ses rêves, un "Allrounder" de chez Kockerling (40.000 €). « Je n’ai pas de possibilité de prêt. Les plus proches agriculteurs bio sont à Loisy et à la Chapelle-Thècle », regrette-t-il.

Herse étrille puis bineuse



En tout cas, son tracteur à faible régime lui permet de réaliser des économies de carburant, qui est son principal poste de dépenses. Car pour bien préparer son lit de semences (monograine 12 rangs réglé à 40 cm d’écartement), il est obligé de faire « beaucoup de passages » successifs. « Le mieux, selon moi, est de passer en premier la herse étrille pour gérer les petites herbes avant qu’elles ne poussent trop et ensuite passer la bineuse ». Son astuce est d’utiliser une dent Durou pour gérer les liserons dans ses sols inondés, en plus d’alterner sa rotation. « La dent Durou ne vibre pas avec un aileron et donc à n’importe quelle vitesse, l’efficacité est là », ce qui lui permet de ralentir son débit de chantier et sa puissance pour tirer l’outil. « Je la passe aussi en alluvions car cela égoutte le sol », rajoute-t-il. Mais cela ne suffit pas toujours : « l’an dernier, j’ai eu 30 ha de soja qui sont restés aux champs car trop mouillés, plantes et gousses avaient pourri. Soit une perte de 40.000 € », se souvient-il.

Faible coût de production



Autre technique éprouvée sur ses terrains : « j’ai tendance à faire un buttage pour recouvrir le premier étage du soja. Ainsi, quand la herse étrille re-nivelle le sol, cela permet au soja de se décaler : pour que le premier étage soit le deuxième. Ainsi, la plante utilise moins d’énergie pour mettre en place le bourgeon ». Ses rendements varient selon les années de 15 à 30 quintaux par ha avec une moyenne autour de 20. Mais en agriculture biologique, la réflexion économique n’est forcément pas la même qu’en conventionnel. « Il n’y a que le temps qui fait la charge ». Ses charges opérationnelles se limitent donc à l’achat de semences de ferme bio (100 €/ha). Pas d’intrant. Il évalue à 130 €/ha ses charges de mécanisation sur la base de 6 h de travail et une consommation de 7 l avec son tracteur de 100 chevaux (avec bineuse).
De la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire, Emilie Chaumont faisait la même analyse. « On trouve une marge de 730 €/ha. La différence se fait sur les charges en engrais ». Julien Taton concluait toutefois en mettant en garde sur les coût de séchoir et de transport, « le double en bio ».


Transformation des céréales et oléagineux



Sa production de soja est ensuite transformée en partie sur l'exploitation (15-20 tonnes de tourteaux). Le reste est livré à un fabriquant d'aliment. La transformation de ses produits lui apporte une « belle valeur » ajoutée, et lui permet aujourd'hui de dégager de « bonnes marges ». « Dès 2010, je me suis lancé dans la transformation en farine et huile sur l'exploitation. J'ai investi 10.000 euros dans un moulin. Les frais de maintenance ne dépassent pas les 300 euros par an. A cela, se rajoute l'électricité et des frais annexes », résume Julien Taton. Côté commercialisation, « je valorise mon blé en sacs de farine qui font de 1 à 25 kg, et le colza et le tournesol sont mis en bouteilles d'huile d'un litre ». Actuellement, une majorité de mon huile est destinée à l'alimentation animale plutôt qu'humaine. « Mais je m'emploie à renverser ce rapport », explique Julien.


En blé, le calcul est encore différent. Avec un rendement moyen de 40 q/ha, Julien Taton estime qu’il tire des bénéfices de sa parcelle à partir d’un rendement de 20 q, car il produit et valorise sa farine.


Le soja quant à lui, est transformé en tourteaux et en huile. Les tourteaux sont destinés à l'alimentation des porcs et des vaches laitières, et l'huile à l'alimentation de volailles. « Mon investissement dans le moulin a été rentabilisé en trois mois. Aujourd'hui, c'est clairement cette activité de transformation et de commercialisation qui me permet de dégager du revenu », se réjouit-il. Revers de la médaille : « après, il faut arriver à organiser la masse de travail ». « Mais ce n’est pas insurmontable », conclut-il.


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