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Essais de Bourgogne du Sud

Une concurrence accrue

Le 17 juin à Verdun-sur-le-Doubs et le 24 à Montpont-en-Bresse, la
coopérative Bourgogne du Sud présentait ses essais blé, orge et colza.
L’occasion de faire le point sur les marchés des céréales et sur
l’approvisionnement en engrais.
Par Publié par Cédric Michelin
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« C’est l’année ou jamais pour tester la résistance des variétés aux maladies ! ». Les agriculteurs retrouvant un temps le soleil de juin préféraient visiblement sourire des conditions climatiques de ce printemps atypique. En moyenne, les températures ont chuté d’un degré Celsius lors des dix derniers mois. Idem pour le manque d’ensoleillement (-10 jours). Le développement des céréales s’en est forcément ressenti. Après avoir dû repousser ces journées techniques, faute d’excès d’eau, Christine Boully revenait sur les conséquences. Physiologique d’abord, au printemps, le gel – juste au stade méiose – a impacté la mise en place du pollen, se traduisant par un manque de grains de blé, toutefois « pas très grave », estimait la responsable agronomique de la coopérative. « Plus ennuyeux », sur orges, les épillets surnuméraires (stériles) « baillent » - dans certains secteurs – mais un phénomène de compensation pourrait quand même remplir les grains.
Côté maladies, le piétin verse (humidité, température froide) présentait un risque élevé en ce début d’année. Il y a 6 semaines, la septoriose exerçait aussi « une pression très importante » et « encore actuellement ». En revanche, point de rouille brune détectée en 2013. Retardées par les pluies orageuses et le froid, les mycotoxines provoquant la fusariose « ne devraient pas être un risque majeur » avec une protection adéquate. D’ailleurs, la coopérative a testé une variété de blé ayant un gène de tolérance à cette maladie. Jacéo ne sera néanmoins pas proposé aux adhérents car « ne correspondant pas » aux débouchés de la coopérative (biscuiterie).
Bourgogne du Sud travaille toujours pour la fabrication de pains français et à l’export. Là, le critère pour accéder aux marchés est de présenter des blés ayant un rapport P/L « bas », proche de 0,5, qualité recherchée par les clients exports.

De nouveaux concurrents sur les marchés



Mais ce n’est pas le seul critère pour décrocher ces marchés, loin de là. Pour bien comprendre et suivre leurs évolutions récentes, Michel Duvernois revenait sur la campagne 2012. Les marchés céréaliers ont connu « d’importants mouvements ». Les cours variant principalement fin juin/juillet (delta de +/-50 €) « avec même une hausse de 17 € en un seul jour », restait dubitatif le directeur. Ainsi, le cours du blé a à nouveau dépassé les 300 €/t en été, est redescendu, avant de remonter en fin de campagne en raison des faibles stocks mondiaux.
2012 aura surtout été marquée par deux sécheresses simultanées inédites aux Etats-Unis (maïs) et en mer Noire (blé). De « nouveaux concurrents » sont ainsi arrivés sur les marchés. L’Inde principalement est venu se rajouter aux traditionnels exportateurs (USA, Brésil, Argentine…). Enfin, en décembre, les organismes financiers ont pris leurs profits, entrainant les cours à la baisse. Désormais, « les marchés à terme sont détenus - aux 2/3 - par des fonds financiers qui se promènent (dollar, pétrole, cuivre…) ». La loi de l’offre et de la demande n’est donc plus la seule à régner dans les salles des marchés.

L’Afrique du Sud optimiste



Les fondamentaux sont toutefois encore analysés par certains prévisionnistes. « Aujourd’hui rassurés, les acheteurs misent sur des consommations normalisées et des réserves mondiales plus rassurantes ». Au delà de cette tendance générale, d’importants changements sont à noter et à venir.
En blé cette année, si la concurrence ne devrait pas venir des Etats-Unis (-62 Mt prévus) mais davantage de la mer Noire (+30 Mt), l’Afrique du Sud est elle optimiste. « C’est moins bon pour nous », reconnaît Bourgogne du Sud. D’autant qu’un de ses principaux acheteurs, l’Egypte -engagée dans sa "révolution" pour une vraie démocratie- « n’a plus de sous » .

La « locomotive » maïs



Mais la véritable « locomotive » des marchés devrait rester celle du maïs. Sur ce dernier, 109 millions de tonnes sont attendus en plus, soit six fois la production annuelle française ! Mais avec des stocks « bas », les cours ont baissé mais « ne se sont pas effondrés ». Avec de belles conditions climatiques, l’Ukraine approvisionne la Turquie « qui visite ensuite nos clients du Sud », s’inquiétait Michel Duvernois. Du coup, le marché maïs est « plus embêtant » que celui du blé pour Bourgogne du Sud, d’autant que le marché à terme est « très liquide ». La coopérative va donc se montrer « prudente ».
Revenant aux blés, Michel Duvernois alertait enfin sur le fait que les blés ukrainiens « ont corrigé leurs risques mycotoxines », histoire de rappeler que le taux de protéine en France « pose des problèmes ». « Pas à la coopérative », rassurait le directeur qui invitait néanmoins ses adhérents à bien « se démarquer » sur la qualité.



Géostratégie des énergies





Au milieu des colzas, Gilles Guillaume analysait l’évolution des marchés engrais. Pourtant promise à des hausses durables, la baisse actuelle du prix des énergies rebat les cartes. « Depuis 2009, les Etats-Unis – avec l’exploitation de leur gaz de schistes - sont en mesure de devenir le premier exportateur de pétrole. Le prix du gaz est là-bas, trois fois moins cher », précisait quelques instants auparavant Michel Duvernois. Ce qui a un impact direct sur l’agriculture. « Le prix du gaz affecte directement le prix des engrais puisqu’il constitue 50 % de leur prix de revient », expliquait Gilles Guillaume, responsable des approvisionnements.


Engrais le plus utilisé, l’urée est principalement produite dans des usines en Algérie, au Qatar, en Arabie saoudite, en Egypte, en Chine et en Inde. Depuis mars, une baisse des prix est observée (310 €/t départ Sète). La coop’ en a acheté 20.000 t et reste « aux achats ». pour parvenir à dénicher des contrats « 30 à 40 €/t moins cher » lors des réceptions en août/septembre/octobre. Produits intermédiaires, les solutions azotées (210 €/t) arrivent depuis Rouen, « ce qui handicape » la coopérative qui, du coup, fait des achats groupés près de Saint-Denis-sur-Seine. Mais l’incertitude plane. Cette succursale de Total vient d’être rachetée par des financiers qataris. La coopérative a du constituer des stocks en provenance de Rouen et de Toul. Une réflexion est aussi en cours sur les approvisionnements entre solution azotée et soufrée (39 et 36 S respectivement). Enfin, l’ammonitrate est toujours lié au prix de l’urée (-25 % à l’unité d’azote), « sans savoir ce qu’il en sera dans quelque mois ». Pour suivre ces évolutions, « tous les lundis matins, nous comparons les prix spots, les disponibilités pour que la coopérative constitue un mix d’achat moyen à travers son plan azote ». L’an dernier, cela a permis d’amoindrir l’inflation : + 3,5 % pour ammonitrate (340 €/t) ; +10 % pour les solutions azotées (360 €/t pour le 39 et 305 €/t pour le 36S) et +6,9 % pour l’urée (382 €/t en septembre).






Essais blés : Apache en perte de vitesse



Première variété correspondante aux débouchés de Bourgogne du Sud, Apache est toutefois « en perte de vitesse en terme de potentiel de rendement (95 % de la moyenne) ». Aprilio fait mieux (103 %). Dommage, le "barbu" Arezzo (104 %) ne correspond pas au marché export. En revanche, la coopérative fonde « quelques espoirs » sur Calisol (cycle identique à Apache ; P/L intéressant ; bonne note de panification) mais son potentiel est moyen (101,2 %). A faire derrière un maïs grain ou ensilage, Graindor est une variété rustique « solide ».


Les éleveurs se tourneront peut-être plus vers deux hybrides – Hyxtra et Hyfi – donnant une « bonne production » de paille. Hyxtra n’est que BP mais la meunerie Nicot lui a néanmoins donné une « bonne note » de panification. Son rendement (109 %) fait même de lui le premier sur ce critère.


« Repêché », Ionesco « n’est pas une grande variété ». A condition de finir son cycle (plus tardif qu’Apache), Laurier (107 %) a un bon PS/protéine mais un mauvais W. Muzik est « à bannir d’un précédent maïs grain ou ensilage » mais présente une qualité « correcte ». Rubisko est adapté au semis précoce et demi-précoce et a un P/L « bas », en plus d’être résistant cécidomyie. Avec un potentiel de 106,4 % (4e des essais), la coopérative fonde dessus quelques « espoirs ». SyMoisson est « très tolérant fusariose » mais « avait gelé dans certaines zones l’an dernier ». Ascott « n’aura pas l’avenir espéré ». Aubusson a été fortement impacté par le gel en 2012 et le témoin non traité était carrément « grillé » par la fusariose. Dommage car les clients le recherche. Calabro, « petit frère » de Rubisco, est plus précoce, convient aux "petites terres", est tolérant chlortoluron et à la verse. Une variété « assez passe-partout » qui a en plus été repérée par la meunerie locale.


Ayant un profil sanitaire moyen, Nucléo est « à mettre dans des sols profonds » et présente un P/L bon pour l’export. Pakito a été « repéré » par la filière Banette pour sa mie jaune. Avec Graindor, Richepain est enfin la variété qui a le « plus craint l’excès d’eau du printemps ».





Profil cultural : observer pour comprendre



Visiblement la parcelle du Gaec des Trois Rivières à Verdun ne manque pas d’eau. Elle remontait même par capillarité dans le profil cultural profond d’un mètre alors que la nappe est environ 5 m plus bas. Dans cette terre argileuse (50 à 55 %), les horizons de terre mis à jour ne révélaient aucune zone de rupture (pH homogène de 6,7). Ainsi bien implanté, le système racinaire du blé descendait verticalement. Dans le meilleur des cas, ces racines peuvent plonger jusqu’à 2 m dans le sol. Ce dernier ici n’a pas été labouré depuis 2 ans. La préparation du sol n’étant fait qu’avec des dents brevetées "Michel" (à 40 cm) pour faire éclater la semelle de labour la première année. Du coup, avec la présence de vers de terre, le sol dégrade bien la matière organique comme les menues pailles laissées en couvert. « Parfois, les céréaliers qui enfouissent la paille par maniaquerie, rendent la parcelle "bleue", le sol étant en situation d’anaérobie alors, asphyxié », précisait Pascal Bucheton. A l’inverse, parfois, un sol sans labour peut développer des vulpins et surtout bromes, même en intercalant des cultures de printemps et d’automne.





Essais colza : « Des zones ne feront rien »



Les semis tardifs colza ont engendré une levée compliquée en septembre. Des pucerons ont pu apporter des viroses. La reprise de la végétation fut poussive et la floraison vers le 20 avril enregistrait donc un mois de retard. Avec la pluie, le froid, le vent et les excès d’eau, des avortements vont affecter le rendement. « Des zones ne feront rien ». Côté variétés, si Adriana a été conservé pour sa « haute teneur en huile », c’est bien Atenzo qui fera certainement « une grosse partie de la sole l’an prochain » avec aussi sa bonne vigueur au départ et sa tenue à l’égrenage. DK Extorm est régulièrement cultivé mais sensible clomazone (herbicide qui fait blanchir le feuillage). Anisse est moyen en huile et ne sera pas retenu. Depuis 4 ans, Dynastie s’est bien adapté au climat continental avec un bon rendement. ES Neptune est le plus précoce, faible en huile avec un rendement moyen. Il sera proposé en gamme "éco". Hardi a un petit PMG. Attletick a un beau potentiel, riche en huile et surtout « passe-partout » type de sol. Ginfizz ne sera pas proposé. Puncher doit confirmer son rendement mais sa teneur en huile est « bonne ». Destiné aux terres profondes, Sensation est « dépassé ». Bien que moyen en huile, Diffusion est un « beau matériel » tolérant au phoma. Précoce, DK Extrovert est moins productif que DK Extorm. Sur le même créneau que Neptune (gros grains PMG, petites terres exclues), Hertz sera en gamme éco. La gamme entière sera affinée en fonction des résultats d’essais, notamment pour les nouveautés.




Essais orges : annulés en raison des chaleurs brutales



Lundi, les essais fongicides sur orges à Montpont-en-Bresse étaient annulés. En raison des fortes chaleurs brutales, le feuillage s’est desséché rapidement et les écarts d’efficacité entre les différents programmes étaient gommés par la sénescence. Dommage car ils montraient l’intérêt d’un programme avec deux passages intégrant les nouvelles matières actives de la famille des SDHI. Reste maintenant donc à confirmer par l’analyse des rendements.


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