Une Europe "techno" et "schizo" ?
thème « quel projet de viticulture Européenne ? ». Malheureusement, même
à Beaune, peu de citoyens et vignerons étaient présents. L’occasion
néanmoins pour deux parlementaires Européens, Nathalie Griesbeck et
Arnaud Danjean, de faire un point sur la gouvernance Européenne avec une
vision critique, instructive et constructive…
Nathalie Griesbeck débutait les hostilités : « il y a un décalage entre les réalités du terrain et les technocrates, qui n’ont pas les pieds sur terre. C’est notre rôle de parlementaires d’être sur nos circonscriptions de 8,5 millions d’habitants en moyenne ! ». Arnaud Danjean nuançait la critique d’une commission « technocratique » : « ils n’inventent pas des lois pour le plaisir. Des groupes d’influence, des élus, des lobbys… leur soufflent ». Le président délégué du BIVB, Michel Baldassini posait alors la question de qui gouverne réellement : « avant, on avait l’impression que c’était la Commission qui était aux commandes ». Mais aujourd’hui, difficile de dire. Entre le Parlement, la Commission et le Conseil des Ministres européens, un "trilogue" (dialogue à trois) s’est mis en place pour prendre les décisions. Un bien pour un mal ?
En réaction plus que proactifs
Reste que « ce sont bien les Commissaires qui sont à l’initiative législative et qui décide de mettre un texte sur la table ». Du coup, Arnaud Danjean reconnaissait "simplement" « recevoir » des textes de loi sans « pouvoir faire des propositions » de lois. Mais, le rôle du Parlement a été tout de même renforcé. « Auparavant, nous n’étions qu’un organisme de consultation. Aujourd’hui, si un texte n’est pas voté au Parlement, il ne s’applique pas ».
Mais la contrepartie est complexe à gérer. « Chacun veille sur son terroir et très peu de Parlementaires ont une vue générale ». De plus, « l’important est de savoir qui fait quoi pour changer les choses. Et la France est un peu schizophrène en la matière. Certains Français (Parlementaires, Ministres et Commissaires, NDLR) disent parfois l’inverse de ce qu’ils font de retour en France », dénonçait Nathalie Griesbeck.
La tentation administrative : l'entreprenariat
L’occasion donc de parler du principe de subsidiarité en Europe, terme compliqué signifiant déléguer à quelqu’un d’autre, en l’occurrence à chaque Etat membre. « On a oublié cette idée de bon sens. Au départ, l’Europe est là pour les thèmes qui ont du sens commun. Simple. Mais la tentation bureaucratique "classique" est d’augmenter son portefeuille d’actions. Ça existe à tous les niveaux comme dans les Communautés de Communes. La philosophie est partout la même : faire des économies mais au final, on ne dégraisse pas, on en rajoute ». Ce qui faisait dire aux deux députés Européens, jusque là moqueurs sur la "perfide Albion" anglaise : « c’est au fond le message du Royaume-Uni qui se demande si l’Europe ne se mêle pas de trop de choses, voir de tout et s’il n’y a pas danger ? ».
Une Europe à géométrie variable ?
Les élus ne faisaient pas que critiquer donc mais apportaient aussi des propositions d’améliorations. Nathalie Griesbeck voudrait justement revenir à cette « subsidiarité : l’unité dans la diversité ». Arnaud Danjean allait plus loin : « il faut simplifier les décisions pour les rendre plus intelligibles et faire une Europe à plusieurs vitesses et facettes. Par exemple, les Etats n’ayant pas la monnaie commune, ne devraient pas avoir leur mot à dire sur l’Euro ». Une Europe à géométrie variable « en fonction des intérêts de chacun »… Bizarrement, cette idée était présentée pour maintenir le principe d’unité et de paix, socles de l'Europe. Car les deux députés craignent que « sinon les peuples comprendront de moins en moins les décisions, fruits de 28 compromis ». La « superposition des règlements » finissant le travail de blocage. Nathalie Griesbeck rappelait que « la porte du changement s’ouvre de l’intérieur », invitant les Français à regarder leurs pratiques, prenant trop souvent un « malin plaisir à en rajouter des couches ». Mais la France à toute les agricultures et tous les modèles économiques de viticulture et veut les conserver...
La viticulture offensive pour conquérir des marchés
Même si les viticulteurs Européens ne touchent pas d’aide directe (DPU), la production est régulée, avec notamment les droits à plantation. La mise en marché est également aidée avec des fonds pour la promotion. Désormais, les traités commerciaux (USA, Canada…) sont à l’avantage de la viticulture Française. « Il faut être offensif pour avoir accès à ses marchés mais méfiance, il y aura des contreparties. Il faut dans le même temps préserver les éleveurs pour ne pas déshabiller Paul pour déshabiller Jacques », expliquait Arnaud Danjean.
Côté production, avec ses hiérarchies et son positionnement sur des signes de qualités, « ce qui nous apparaît à nous Français comme une évidence – la défense d’une viticulture de qualité avec des producteurs rémunérés sans subventions – n’est pas une évidence pour les pays du Nord par exemple, non producteurs et clients ». Ce qui explique en partie pourquoi il faut « savoir mobiliser et savoir rester vigilant ». Le vice-président de la CAVB, Christophe Ferrari rebondissait sur les mesures environnementales qui « nous fait aller vers une viticulture responsable de qualité avec plus ou moins d’enthousiasme mais qui pose la question des pertes de récoltes et pénuries de vins derrière » suite à des conditions climatiques difficiles. l'ex président de la CAVB, Claude Chevalier rajoutait que les viticulteurs doivent en plus faire face à l’Esca, évoquant ainsi l’interdiction de l’Arsénite de Soude en France.
Malgré « la complexité des dossiers » à monter, Michel Baldassini concluait de manière positive : « depuis 2008, les aides sont mieux fléchées en Bourgogne pour aller sur l’investissement, la promotion et l’innovation (recherche) » et moins sur la seule restructuration (distillation et arrachage).