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Pâturage hivernal des bovins

Une piste à creuser 

La ferme expérimentale de Jalogny poursuit son expérimentation sur le pâturage hivernal des bovins. Au terme de trois saisons, la pertinence économique de cette conduite en plein air semble se confirmer : les animaux sont en bonne santé ; la prairie rattrape son retard et des économies en fourrages sont mises en évidence.
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A la ferme de Jalogny, le pâturage hivernal de génisses conduites en plein air est testé depuis trois saisons. Ce travail expérimental s’inscrit dans un programme national intitulé “Casdar Salinov” soutenu par le ministère de l’Agriculture et FranceAgriMer qui réunit plusieurs sites expérimentaux. En bovins, outre la ferme de Jalogny, l’expérimentation est également conduite dans le Limousin (Les Vaseix) ainsi qu’en Auvergne (Laqueuille).
L’expérimentation a un double objectif : montrer qu’il est possible de profiter d’une ressource d’herbe habituellement perdue et tester le « parc stabilisé d’hivernage » (PSH) comme alternative économe au logement des animaux (lire encadré).
Les parcs sont utilisés pour affourager les animaux. Empierrés et régulièrement paillés, ils évitent la formation de bourbiers préjudiciables au confort des animaux et aux conditions de travail de l’éleveur. Si les bovins ont en principe libre accès à la pâture, ils peuvent être temporairement fermés sur le parc, le temps que la parcelle « se refasse », explique le responsable de la ferme Julien Renon.

Economie sur la ration hivernale


Sachant qu’un centimètre de hauteur d’herbe équivaut à 300 kg de matière sèche par hectare, le pâturage hivernal consiste avant tout à valoriser un stock sur pied qui est perdu lorsque les animaux sont rentrés. Cette ressource herbagère pourrait, en théorie, faire économiser jusqu’à 50 % de la ration hivernale. Le pâturage se prépare dès l’automne. Il faut en effet pouvoir compter sur « un reste d’herbe d’arrière saison », indique Julien Renon. Mais la hauteur d’herbe à l’entrée des animaux dans la parcelle ne doit pas être excessive : 10 à 15 cm environ. Car au-delà, il se produit un gaspillage par piétinement.

Pâturage ras


Sur les trois hivers passés, il a été observé que ce stock d’herbe sur pied disparaissait très rapidement dans le premier mois, quelle que soit sa hauteur de départ d’ailleurs. Lorsque la hauteur d’herbe descend à 4 ou 5 cm, « on atteint la limite de ce que ce que sont capables d’exploiter des bovins. Comme l’offre devient très restreinte, la consommation se reporte sur le fourrage en libre-service », explique Julien Renon. Par la suite, l’exploitation de la parcelle se fait en mode « pâturage ras ». Les bovins broutant l’herbe au fur et à mesure de la pousse hivernale. Et si la pousse n’est plus suffisante, il est possible d’affourager les animaux sur le PSH voir même de les bloquer.
Durant ces trois années, les expérimentateurs se sont aperçus qu’il ne fallait pas donner de fourrage trop appétant aux animaux. « Les génisses vont à la facilité et si le fourrage leur semble meilleur, elles ne feront pas l’effort d’aller pâturer », explique Julien Renon. Une paille sera donc plus adaptée qu’un bon foin tant qu’il y a de l’herbe disponible et accessible par les bovins.
La première année, l’économie de fourrage était comprise entre 12 et 23 % à Jalogny. Mais ce taux est monté jusqu’à environ 40 % sur le site expérimental d’Auvergne. Le bilan des trois hivers tendrait plutôt vers une économie de fourrage de l’ordre de 30 %.

Des génisses qui se portent bien


Quant aux animaux, le plein air tel qu’il est mis en œuvre ici ne leur a pas porté préjudice. Excepté un « accident de parcours » le second hiver, les génisses ont atteint les objectifs de croissance théoriques. « Même si on n’en voit pas beaucoup dans les pâtures, les génisses arrivent à consommer de l’herbe en hiver. Le moindre verdissement, elles le mangent », indique Julien Renon. Du coup, avec un affouragement adapté, faisant la part belle à des fourrages fibreux, les animaux « se portent bien ». Les responsables de la ferme de Jalogny ont également observé que ces génisses mises au taureau au terme de cet hivernage en plein air, « remplissaient très bien ».

Retard de pousse : rattrapage au printemps


Concernant la prairie, un retard de pousse printanière est systématiquement constaté. Mais l’écart de végétation « se gomme tout ou parti » avec les mois. A priori, le pâturage hivernal altèrerait peu la pâture. Reste à voir comment évolue la flore avec le temps. « On craint que des mauvaises herbes ne se développent dans les zones dégradées. La quantité serait maintenue. Pour la qualité, ça reste à observer dans le temps », signale Julien Renon.
La parcelle de Jalogny avait l’inconvénient d’être très argileuse et de se trouver à vingt minutes de route du siège de la ferme. Un aménagement de l’accès aux parcs a été nécessaire et les 80 mètres de chemin reliant la parcelle à la route ont souffert des allers et venues pour l’affouragement. Dans le Limousin, les sols limono-sableux du site convenaient nettement mieux à ce type de conduite.
Sous cette forme, le pâturage hivernal pourrait être étendu à des vaches suitées de gros veaux (vêlage de septembre-octobre).


PSH : une solution alternative pour le plein air


Le parc stabilisé d’hivernage est un parc à ciel ouvert dont le sol a été empierré et qui reçoit une litière de paille, copeaux de bois ou autre. Les deux PSH aménagés par la ferme de Jalogny sont équipés d’abreuvoirs et de râteliers à fourrages et ils sont délimités par une clôture électrique. Ces parcs sont installés dans une parcelle argileuse à très bon potentiel aux alentours de Cluny. Pour les besoins de l’expérimentation, un dispositif de récupération des effluents permet d’étudier précisément « ce qui sort » de ces PSH. Le résultat de ces études devrait permettre de préciser le statut de ce type d’aménagement au regard de la réglementation environnementale. Le coût d’un PSH serait environ le tiers de celui d’un bâtiment classique et ce mode de logement en plein air serait nettement moins gourmand en paille. Une donnée qui justifie à elle seule de tester cette alternative au bâtiment en dur. Surtout lorsqu’il est associé à un pâturage hivernal qui fait également économiser en fourrage. Mais l’économie ne serait réelle qu’à condition qu’il n’y ait pas besoin de récupérer les jus. Les responsables de la ferme de Jalogny se sont donnés pour objectif d’établir si des PSH pourraient « légalement » être utilisés en Saône-et-Loire et sous quelles conditions.


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