Une si longue attente
Mais encore fallait-il faire prévaloir sa différence et son appartenance à un territoire. C’est en 1988 que débute la réflexion. Le choix de se lancer dans une démarche AOC date de 1991. Il faudra cinq années pour que soit constitué un dossier déposé auprès de l’INAO. Ce dernier donne le feu vert en 1996 pour la désignation de deux commissions d'enquête. Chaque année, ces commissions invitent les producteurs à revoir leur copie et à en modifier un ou deux point précis. Un ping-pong qui va durer quatorze années !
De la place pour de nouveaux producteurs
Jusqu’au décret du 21 janvier 2010 qui attribue, enfin, au fromage de chèvre charolais une AOC. La zone de production s’étend sur quatre départements que sont l’Allier, la Loire, le Rhône et la Saône-et-Loire, dans un rayon de 60 km autour de Charolles. Les vingt producteurs - contre trente-cinq au départ - produisent environ 65 tonnes de lait.
Président de l’Organisme de gestion et de défense du fromage charolais, Daniel Rizet estime que, « après quatre années d’AOC, nous voyons arriver de nouveaux clients. Nous expédions nos fromages aussi bien dans les grandes villes hexagonales qu’à l’étranger à l’image du Canada, des Etats-Unis, de l’Allemagne ou du Danemark. Les clients ont consenti à une hausse progressive des prix qu’ils n’auraient peut-être pas accepté s’il n’y avait pas l’AOC. Néanmoins, nous n’avons pas les volumes suffisants pour répondre aux demandes tout au long de l’année ». Et de souhaiter « développer la production et donc les volumes. Ce serait bien qu’il y ait des candidats à l’installation ». Car, aujourd’hui se pose aussi un problème de renouvellement de génération.
Obtenue le 12 juin dernier et publié le 20 juin au Journal officiel, l’AOP est aux yeux de Daniel Rizet un réel plus : « l’AOP nous apporte une protection européenne. J’espère que cela poussera à augmenter les volumes et nous amènera une meilleure valorisation de la part de nos clients ».
Une jolie carte de visite
Installée en 2010 à Montceaux-L’Etoile, Sophie Bonnet a réalisé un rêve car « l’élevage de chèvres est une passion depuis mon adolescence. » Seule à travailler sur son exploitation, elle s’occupe de ses 42 chèvres de race alpine et de ses deux vaches jersiaises. « J’ai commencé par faire du lait. Je suis en AOC depuis le début. Je n’ai pas pu faire de la transformation, faute de soutien de la part des financeurs. Mais après trois années, soit j’arrêtais soit je créais une fromagerie ». C’est au mois de mars 2013 que cette productrice bio lance sa fromagerie et en juin 2013 que l’intégralité de son lait est transformé en fromage dont un tiers en AOC. Elle réalise 75 % de vente à la ferme et 25 % en magasin bio, en restaurants et à travers des Amap. « L’AOC a été une vraie plus-value. Cela permet par exemple de rentrer dans les magasins, notamment bio, et les restaurants. En plus, c’est valorisant de faire du charolais. L’une des contraintes est d’être autonome en fourrage ». Quant au futur, « je ne souhaite pas forcément grandir. 42 chèvres c’est gérable seul. Plus, ce serait difficile ».
Une déjà longue histoire
C’est au XVIe siècle que les chèvres apparaissent dans le Charollais et le Brionnais. La présence de grands domaines conduit les personnes sans terre, les manouvriers et les métayers à élever ces animaux. Les métayers les font pâturer dans de rares prés communaux et sur de larges chemins ruraux. Naît alors le fromage charolais, très présent dans l’alimentation paysanne. L’élevage de chèvres devient progressivement le travail dévolu aux femmes. Mais ce n’est qu’une activité complémentaire à l’élevage de bovins qui permet à la fois l’entretien des haies et des prairies tout en garantissant un revenu et une alimentation substantielle pour le ménage. Les fromages sont vendus à la ferme ou sur les marchés, notamment aux ouvriers et aux mineurs des villes proches.