Une tradition de fromages fermiers
Concentration de la production
La baisse du nombre d’éleveurs est plus accentuée : plus d’un sur deux a cessé la production depuis 2000 (- 56 % contre - 44 % au niveau national). Cette baisse s’observe dans les quatre départements bourguignons. Elle est la plus forte en Saône-et-Loire (- 61 %), mais ce département reste de loin celui qui compte le plus d’éleveurs avec près des trois quarts des élevages régionaux. Comme pour les autres productions animales, la concentration a été importante depuis 2000 et de nombreux petits troupeaux ont disparu entre les deux recensements. C’est le cas de plus de la moitié des troupeaux de moins de 100 chèvres (- 59 %). Alors qu’en 2000, ils représentaient 64% du cheptel, ils ne regroupent plus que 45 % des effectifs de chèvres. La baisse est encore plus forte pour les tout petits troupeaux de moins de 10 chèvres : 2 sur 3 ont disparu en 10 ans. A l’opposé, le nombre d’élevages de plus de 200 chèvres a presque doublé passant de 12 à 22. Ils détiennent désormais près de 30 % du cheptel contre 17 % en 2000. Malgré un doublement de la taille des troupeaux en dix ans, les élevages bourguignons demeurent de taille modeste : un sur deux a moins de 10 chèvres. En moyenne, les exploitations détiennent 36 chèvres contre 68 au niveau national. Les troupeaux nivernais et icaunais se rapprochent de cette moyenne nationale avec 60 chèvres par troupeau, tandis que Saône-et-Loire et Côte-d’Or se caractérisent par de petits troupeaux avec respectivement 31 et 15 chèvres par élevage. Les exploitations de faible dimension économique (moins de 25.000 euros par an de production brute standard) représentent un tiers des élevages caprins, mais elles ne détiennent que 7 % des chèvres. 57 % d’entre elles ont disparu depuis 2000. Avec en moyenne 8 chèvres par troupeau, l’élevage caprin constitue un revenu de complément pour des exploitants plutôt âgés, 57 ans en moyenne.
Développement des exploitations spécialisées
90 % des chèvres sont élevées dans 305 exploitations moyennes et grandes (production brute standard annuelle supérieure à 25.000 euros) détenant au moins 10 chèvres. Parmi celles-ci, 100 sont spécialisées dans la production caprine, soit 19 % de plus qu’en 2000. Elles regroupent la moitié des effectifs régionaux, contre un peu plus d’un tiers il y a dix ans. Le cheptel caprin s’est donc concentré dans ces exploitations spécialisées, dont près des deux tiers sont localisées en Saône-et-Loire. En moyenne, sur de petites surfaces, 44 hectares de surface agricole utilisée (SAU), elles élèvent 142 chèvres, contre 131 en 2000. Ces structures sont majoritairement de forme individuelle (65 %), avec à leur tête des chefs plutôt jeunes : 44 % ont moins de 40 ans. Les femmes sont particulièrement actives : elles représentent 43 % des chefs d’exploitation et 45 % du travail familial. Le recours au travail salarié est développé : les salariés permanents hors main-d’oeuvre familiale réalisent 20 % du travail total. Près de la moitié d’entre eux se consacrent principalement à la fabrication et à la commercialisation des fromages.
Agrandissement des exploitations avec divers herbivores
Un cinquième des chèvres sont détenues par des exploitations spécialisées dans l’élevage de plusieurs espèces herbivores (bovins, caprins, ovins) sans que l’une d’entre elles ne prédomine. L’élevage bovin et caprin contribue dans des proportions comparables à l’activité économique des exploitations. Ces élevages sont moins nombreux qu’en 2000 (baisse de 14 %), par contre la taille de leur atelier caprin a fortement augmenté, passant en moyenne de 51 à 70 chèvres. Leur SAU s’est également agrandie (+ 45 %), mais demeure modérée avec 89 hectares en moyenne. L’agrandissement de ces exploitations se traduit par une progression de la main-d’oeuvre : on compte désormais en moyenne 2,2 équivalents temps plein par exploitation contre 1,9 il y a 10 ans. Le recours au salariat est peu fréquent, l’essentiel du travail étant assuré par l’exploitant et sa famille. Les femmes y contribuent particulièrement : elles représentent 40 % de la main d’oeuvre familiale. Minoritaires en 2000, les formes sociétaires se sont développées et sont maintenant majoritaires. Un tiers des chefs d’exploitation a moins de 40 ans
Abandons en masse
Les exploitations spécialisées dans l’élevage bovin viande ou lait viande détiennent 9 % du total bourguignon, soit 2.400 chèvres. Leurs troupeaux caprins sont de petite taille, 28 chèvres en moyenne. 87 % de ces exploitations élèvent moins de 50 chèvres. L’élevage caprin contribue peu à leur activité économique : en moyenne il représente 14 % de leur production brute standard. En dix ans, 59 % de ces exploitations ont disparu. Leurs exploitants ont très probablement choisi d’abandonner l’atelier caprin pour se consacrer exclusivement à l’élevage bovin. Les structures de cette catégorie mettent en valeur des surfaces importantes : en moyenne 145 hectares. Elles sont majoritairement de forme sociétaire ( 61 %), avec à leur tête des chefs d’exploitation plutôt âgés : seul un quart d’entre eux a moins de 40 ans. Les femmes sont moins nombreuses à la tête de ces élevages : elles ne représentent que 19 % des chefs d’exploitation, mais assurent 35 % du travail total. La main-d’oeuvre est quasi exclusivement familiale (92 %).
Une alimentation reposant sur l’herbe
L’élevage caprin en Bourgogne est fondé sur la valorisation des prairies : les surfaces toujours en herbe représentent en moyenne 69 % de la SAU des exploitations moyennes et grandes avec au moins 10 chèvres. Le pâturage est fréquent, pratiqué par 68 % des exploitations (77 % pour les moyennes et grandes avec au moins 10 chèvres). Dans ce cas, les chèvres pâturent plus de 7 mois en moyenne.
Une tradition de fromages fermiers reconnue
La production caprine en Bourgogne est historiquement liée à la fabrication de fromages fermiers dont plusieurs bénéficient d’une appellation d’origine contrôlée (AOC). En 2008, d’après les chiffres de l’enquête sur le cheptel caprin effectuée auprès d’un échantillon représentatif de 108 éleveurs bourguignons, la transformation à la ferme est pratiquée par 9 élevages sur dix. Sur les 13,3 millions de litres de lait produits cette année-là, 9,1 millions ont été transformés à la ferme ou autoconsommés soit près de 70 % du lait produit. La Bourgogne est ainsi la 6ème région française pour sa production de lait et la 3ème pour les volumes transformés à la ferme derrière Rhône-Alpes et Centre. Une cinquantaine d’éleveurs livrent tout ou partie de leur lait à une fromagerie. Parmi eux, une vingtaine livrent la totalité de leur production. Ces éleveurs qui ne réalisent aucune transformation se rencontrent dans les départements où la tradition de fromages fermiers est moins forte, Nièvre et surtout Yonne. La taille importante de leurs troupeaux, 200 chèvres en moyenne, et donc des volumes de lait à transformer et commercialiser, peut également expliquer ce choix. La reconnaissance par l’INAO, des AOC Mâconnais en 2006 et Charolais en 2010 a bénéficié à l’ensemble de la production caprine. Les livraisons régionales de lait aux fromageries ont ainsi progressé de 44 % entre 2006 et 2010. Cependant, ces jeunes appellations sont confrontées au défi de recruter de nouveaux producteurs. Lors du recensement agricole de 2010, seule une vingtaine d’éleveurs caprins a déclaré être engagée dans une démarche d’appellation d’origine.
Des circuits courts développés
Conséquence de cette tradition de transformation fermière, la commercialisation en circuits courts est très présente : en 2010, les trois quarts des exploitations moyennes et grandes détenant au moins 10 chèvres la pratiquent. Elle est moins fréquente dans les troupeaux de grande taille : seule la moitié des élevages de plus de 150 chèvres y ont recours. La vente directe au consommateur est privilégiée et pour 59 % des exploitations, la vente à la ferme constitue le mode de commercialisation principal. La vente sur le marché est également pratiquée, particulièrement par les éleveurs caprins spécialisés. La part du chiffre d’affaires commercialisé en circuit court varie selon la spécialisation des exploitations. Deux tiers des élevages caprins spécialisés réalisent au moins 75 % de leur chiffre d’affaires « produits laitiers » grâce aux circuits courts. A l’opposé, ce mode de vente constitue seulement un complément (10 % et moins du chiffre d’affaires) pour la moitié des exploitations spécialisées bovins. Par manque de temps, de technique ou d’installations aux normes, ces exploitations vendent probablement leurs fromages frais à un affineur qui se charge également de la commercialisation.