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Économie de Saône-et-Loire

Une vision partagée

Pour la première fois dans une interview croisée, les trois présidents
de Chambres consulaires de Saône-et-Loire livrent leur vision de
l’économie, analysent la place de l’Agriculture et ses incidences sur
chacun des différents territoires qui composent le département. Autour
d’une vision partagée.
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Quelle place occupe l’agriculture dans le développement économique de la Saône-et-Loire ?
Christian Decerle : la Saône-et-Loire est le 2e département français en matière de surface agricole utile et présente une très grande diversité de productions, autour des deux locomotives que sont l’élevage allaitant et la viticulture.
L’élevage est dans l’ADN de notre département. Berceau de la race charolaise –qui s’est exportée dans plus de 85 pays dans le monde–, la Saône-et-Loire dispose à Saint-Christophe-en-Brionnais d’un lieu de transaction historique, devenu le 5e marché au Cadran de France.
La viticulture également très présente sur notre département, représente la moitié de la surface du vignoble bourguignon. Elle bénéficie à la fois d’un positionnement qualité/prix très favorable et de très belles appellations en Côte chalonnaise (Givry, Rully, Mercurey Montagny…), dans le Mâconnais (Saint-Véran, Pouilly-Fuissé…) et le Beaujolais (Moulin-à-Vent, Saint-Amour…). Elle repose aussi sur un subtil équilibre entre caves particulières et caves coopératives, ainsi que sur des outils de valorisation et de promotion, comme les deux maisons des Vins de Mâcon et Chalon-sur-Saône.
N’oublions pas non plus la diversité, la richesse et la complémentarité des filières avicoles, caprines, laitières, maraîchères, horticoles… très présentes aussi sur le territoire. La volaille de Bresse aura d’ailleurs, été, en 1957, la première AOC de France reconnaissant une production animale.
Enfin, je souhaite évoquer la filière équine ; les AQPS (autres que pur-sang) sont nés et se sont développés en Saône-et-Loire ; ils fournissent toujours aujourd’hui de nombreux et prestigieux chevaux de courses.

Bernard Echalier : la filière aval joue effectivement un rôle complémentaire et important auprès des acteurs de l’agriculture. LDC par exemple est un des principaux employeurs du département, et la plate-forme portuaire de Chalon-sur-Saône s’inscrit en appui de la filière céréalière, permettant de la connecter à la Méditerranée. Nous avons d’ailleurs, dans le cadre des actions de la CCI de Saône-et-Loire, construit en son temps le silo céréalier présent sur le port des Tellines à Fos-sur-Mer, un axe majeur pour la commercialisation des céréales du département.

Ch. D. : enfin, soulignons que l’agriculture de Saône-et-Loire s’est développée et modernisée dans un souci permanent de respect de son environnement, avec un bocage exceptionnel en Charollais-Brionnais notamment.

Du producteur au client, quelle est la place de l’agroalimentaire et des métiers de bouche ?
B. E. : de nombreux acteurs de l’agroalimentaire sont présents sur le département. Qu’il s’agisse des abattoirs qui permettent de transformer en très grande proximité avec les producteurs, ou encore des acteurs en aval, tels que Bigard, LDC, Palmidor, Paul Sapin, Sobemab, Ecke Granini… Notre département présente de très forts atouts.
La CCI 71 s’est toujours impliquée aux côtés du monde agricole. Je peux citer, par exemple, la création de l’Aire du Poulet de Bresse sur l’axe de l’autoroute A39. C’est aujourd’hui le premier point de vente de volaille de Bresse en France.
Nous intervenons aussi dans le secteur de l’œnotourisme pour en renforcer le développement et, comme le présentait Christian il y a quelques instants, pour assurer la promotion de la viticulture départementale. Celle-ci génère toute une économie locale (restauration, gîtes, nuitées…) qui n’est pas délocalisable et qui irrigue tous les territoires de proximité, faisant ainsi aussi travailler les artisans. Cela permet aussi sans doute de participer à la création d’emplois sur les exploitations.

Marcel Chifflot : les artisans, notamment au travers des métiers de bouche, sont des acteurs importants de la promotion des productions de notre département.
La Chambre de Métiers et de l’Artisanat accompagne, par exemple, les bouchers lors du Festival du Bœuf à Charolles pour mettre en avant leur talent, valoriser les compétences de nos apprentis et donner envie à de nouvelles générations de s’engager dans ces métiers. C’est aussi un formidable outil de promotion du travail des éleveurs.

B. E. : en complément de Marcel, la CCI et la CMA gèrent conjointement un CFA interprofessionnel à Mercurey dans lequel les métiers de bouche sont particulièrement représentés.
Autre outil de valorisation des productions agricoles, la restauration. La Saône-et-Loire compte ainsi 41 grandes tables labellisées ou étoilées, dont un 3*, Lameloise à Chagny. Je rappelle aussi que nous avons mis en place un réseau de restaurateurs en milieu rural, Les Tables de Pays, qui compte 46 adhérents et valorise la cuisine de terroir et l’utilisation de produits locaux.

Ch. D. : deux chefs étoilés du département sont d’ailleurs eux-mêmes fils d'éleveurs reconnus, Jérôme Brochot et Cédric Burtin.

Quels sont les enjeux, selon vous, devant lesquels se trouve l’agriculture du département ?
M. C. : en tant que consommateur, je pense que le Bio est un véritable enjeu ; c’est surtout une opportunité pour les agriculteurs, d’ainsi répondre aux attentes des consommateurs. D’ailleurs, un pavillon Bio, le plus grand d’Europe, vient d’ouvrir à Rungis. D’une manière générale, je constate bien que les gens sont localement demandeurs de filières courtes.

B. E. : à mon sens, les producteurs doivent arriver à se rapprocher des consommateurs, pour notamment leur permettre de trouver la rémunération correspondante au travail de grande qualité des agriculteurs. Il est nécessaire que les producteurs retrouvent de justes rémunérations.
Comment faire ? Se préoccuper, quel que soit le métier, du client final, pour arriver peut-être à lui proposer le produit qui lui convient. Les filières courtes sont sans doute des réponses, en parallèle des actions menées par les groupements de producteurs. L’export doit aussi être une priorité même si, j’en ai conscience, il y a de nombreuses contraintes. La viticulture est un bon exemple en matière d’export. Nous expédions, depuis le port de Chalon-sur-Saône, 10 containers de vins à destination des Etats-Unis tous les jours. Plus l’agriculteur sera proche du consommateur, plus il pourra dégager des marges, de mon point de vue.

Ch. D. : je rejoins mes collègues, Marcel et Bernard, sur l’évolution des modes de consommation et des attentes des consommateurs. Cela constituera l'un des enjeux forts des années à venir pour nos filières agricoles.

M. C. : je suis prêt à acheter plus cher, comme de plus en plus de clients, des produits de qualité.

Ch. D.
: le prix n’est effectivement pas le sujet déterminant lorsque le produit est de qualité. Le monde agricole est lucide sur l’évolution des attentes sociétales concernant les conditions de production. Cela constituera de véritables évolutions pour la profession et appellera à renforcer les partenariats entre les différents acteurs économiques. N’opposons pas les modèles et recherchons la complémentarité, des circuits courts à l'exportation.

B. E. : l’export est effectivement un sujet sur lequel il conviendrait d’investir pour accompagner la vente des productions agricoles de notre département. C’est ce qu’ont fait d’autres filières comme l’industrie.

En conclusion, les relations entre Chambres consulaires occupent une place importante en Saône-et-Loire. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi ?
M. C. : quel que soit notre métier, nous sommes tous des dirigeants d’entreprises avec les mêmes problématiques (recrutement, marchés, trésorerie, développement…). Il est dès lors naturel de développer des actions ensemble.

B. E. : deux choses nous réunissent : des problématiques communes en matière de développement des entreprises, alors que nous sommes aussi réunis par le territoire. Par exemple, sur le Charollais, nous allons trouver des industriels, des agriculteurs, des artisans et des commerçants. Et cela se reproduit sur tous les territoires. C’est cet équilibre entre activités économiques qui irrigue nos territoires et participe à leurs développements. Il suffit de voir le nombre d’emplois induits par nos différents secteurs économiques.
C’est aussi un moyen de nous enrichir mutuellement de nos expériences respectives et de nous ouvrir sur les professions des uns et des autres. Nous avons aussi rapproché nos équipes sur des projets communs, au service de nos entreprises.
Dès lors, comme vient de l’indiquer Marcel, il est naturel de travailler ensemble.

Ch. D. : les choses se sont faites naturellement entre élus et collaborateurs pour engager des actions communes sur des projets au service des entreprises de notre département. Le retour d’expérience est très positif, je pense notamment à notre offre commune de formation qui monte en puissance, et nous encourage incontestablement à poursuivre dans cette voie.