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Cours d’eau en Morvan

Une visite pleine d’enseignements…

Le 18 mai, le Centre permanant d’Initiative à l’Environnement de Bourgogne, la Parc naturel régional du Morvan et la Fédération départementale de la pêche de Saône-et-Loire organisaient une visite d’aménagements de berges de cours d’eau dans des prairies morvandelles. L’occasion de voir en quoi consiste concrètement la restauration d’une "ripisylve" et ses conséquences pour un agriculteur.
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Le 18 mai dernier, une visite d’aménagement de berges de cours d’eau en milieu prairial était organisée à La Grande-Verrière dans le Morvan. Rendez-vous était donné dans une prairie traversée par un affluent du Méchet à deux pas du bourg. L’automne dernier, à la demande de son propriétaire qui se désolait des dégâts occasionnés par ce ruisseau de montagne « très dynamique », des travaux de préservation des berges et de leur végétation ont été effectués. Une série d’aménagements qui n’ont rien coûté au propriétaire ni à l’exploitant de la prairie car ils ont intégralement été pris en charge dans le cadre du Contrat territorial Sud Morvan. Les travaux ont ainsi pu être financés par l’Agence de l’eau, la Région, le fond Feader et la fédération départementale de la pêche qui en a assuré la maitrise d’ouvrage.
Les aménagements en question consistent en premier lieu à « limiter l’accès au cours d’eau par les vaches », explique Rémy Chassignol, technicien à la fédération de pêche. Cela s’est concrétisé par la pose de 860 mètres de clôture électrique de part et d’autre du ruisseau, à environ 1,50 m du bord. En dépit de cette clôture, les animaux conservent de larges accès à la rivière, notamment pour l’abreuvement, mais aussi pour franchir le cours d’eau au niveau d’un gué stabilisé, spécialement empierré à cet effet.

Truites, vairons, saumons…


Le principal objectif de ce type d’initiative est la restauration de la "ripisylve", mot savant pour désigner les arbres et la végétation bordant naturellement les cours d’eau. Une "ripisylve" qui a pratiquement disparu de certains affluents des rivières morvandelles, signalaient les intéressés. La restauration de ces bordures de frênes, de "vernes" et autres saules ne profite pas qu’aux protecteurs de la nature. En fait, elle intéresse aussi les pêcheurs car de la présence de ces arbres dépend notamment la bonne santé et la reproduction des truites, expliquait Rémy Chassignol. Classé en première catégorie piscicole, cet affluent du Méchet qui descend directement du Massif du Haut Folin, « abrite encore des espèces intéressantes telles la Fario, le chabot, le vairon, la lamproie ou même le saumon » ! Pour favoriser sa réimplantation, 20.000 alevins de saumon seraient en effet déversés dans le Méchet tous les ans. « L’année passée, sept saumons remontant de l’Atlantique ont été dénombrés au passage de Gueugnon », signalait le président de la fédération de la pêche de Saône-et-Loire Georges Guyonnet. Des données qui annoncent un retour sérieux du saumon dans les eaux morvandelles.
Un constat encourageant qui milite pour la revégétalisation des rives. Elle est en effet indispensable pour refroidir les eaux et fournir des endroits aux poissons pour se cacher, argumentent les pêcheurs.

Consolider les berges


Outre ses intérêts purement environnementaux au regard de la qualité de l’eau (lire encadré), le retour de la "ripisylve" est également un moyen de stabiliser les berges des rivières capricieuses. Une protection naturelle efficace que les anciens connaissaient parfaitement…
C’est pour toutes ces raisons qu’il est préférable d’éviter le piétinement des berges par les bovins. Mal perçu de prime abord, le clôturage des cours d’eau est avant tout destiné à permettre à ces arbres de bords de rivière de repousser. Dans l’absolu, cette mise en défens des zones de berges suffirait à engendrer l’apparition spontanée d’aulnes, frênes ou saules. Mais pour ne pas donner l’image de zones de terre livrées à elles-mêmes, les responsables de la fédération de la pêche ont préféré y planter des arbres : une quarantaine d’aulnes dans cette parcelle. Les frênes ont été écartés car ils sont en ce moment décimés par un champignon pathogène inquiétant, confiait le technicien de la fédération.
Les intervenants ont également planté des saules, notamment sur les berges sujettes à érosion. Ils ont ainsi réalisé près 80 mètres de tressage de branches de saules vivantes (voir photo) là où les berges étaient attaquées par le courant.
A l’issue d’un premier hiver, les aménagements réalisés semblaient avoir plutôt bien résisté. La forte montée des eaux des premiers jours de mai ayant toutefois laissé des traces bien visibles. Quant à la végétation, de jeunes aulnes sont en train de repartir et les saules de berge ont, semble-t-il, bien tenu.

Intégralement pris en charge…


Reste à mesurer l’impact pour l’exploitant, ici locataire. Si la pose des clôtures et les différents travaux d’aménagement (berges, gué…) ne sont pas à sa charge pour le moment, il reste néanmoins à assumer l’entretien de ces nouvelles installations… Aux dires des promoteurs de l’opération, les éleveurs « volontaires » opteraient davantage pour une clôture électrique que pour des barbelés. La hauteur du fil permettrait aux bovins de brouter aux pieds des piquets et sous la clôture, fait remarquer Rémy Chassignol. Des ronces devraient néanmoins apparaître derrière la clôture et le coût pour empêcher que cette végétation ne détériore cette clôture n’est pas chiffré. Autre crainte : l’apparition de ces nouvelles "ripisylves" pourrait être mal interprétée par certains contrôleurs Pac. Ce genre de raideur administrative a déjà été signalé pour d’autres projets de ce type. Sans doute est-il du ressort des financeurs et autre promoteurs de ces aménagements d’aller expliquer leur bien-fondé à l’administration.

Et après ?


En dépit de ces quelques inconvénients, une fois les berges revégétalisées, l’exploitant devrait malgré tout en tirer bénéfice. Outre la solidification des berges, ces aménagements garantissent une meilleure qualité d’eau pour les troupeaux grâce à des zones d’abreuvement propres spécialement aménagées. Les passages à gué sont un plus indéniable. Et savoir que les truites et les vairons se portent mieux ou que le saumon revient frayer dans son pré est un motif de satisfaction supplémentaire. Tout comme le seront les témoignages de reconnaissance que ne manqueront pas de manifester les amoureux de la nature aux éleveurs…
Une question semble toutefois à éclaircir : si tous les éleveurs ou propriétaires concernés se portaient soudain volontaires pour ce type d’aménagement, les financeurs continueraient-ils de suivre ? Et si l’incitation sympathique se transformait en jour en obligation sans contrepartie ?



Nouveau Sdage
« Tout le monde est invité à donner son avis sur l’eau »


Si elle n’a drainé que très peu de participants, cette visite s’inscrit dans le cadre d’une vaste consultation du public sur l’eau. A l’heure où la collectivité s’apprête à réécrire un nouveau Sdage (schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux), lequel fixera de nouvelles "grandes mesures de gestion" pour les six années à venir, « tout le monde est invité à donner son avis sur l’eau », introduisait en ouverture de la réunion l’animatrice du CPIE. Une volonté d’information et d’implication des citoyens qui justifiait cette visite dans un pré bordant un affluent du Méchet. Absents de la réunion, les agriculteurs ont sans doute raté une occasion de défendre leur point de vue. Dommage. Car dans ce genre de consultation, il y a fort à parier que les ennemis de la profession sauront peser dans les décisions futures.






"Ripisylve"
Une vingtaine de volontaires dans le 58 et le 71


De son côté, le Parc du Morvan anime sur son territoire le contrat territorial Sud Morvan, lequel concerne 53 communes des bassins de l’Arroux et de l’Aron. C’est l’une des actions de ce contrat, portant sur la restauration des ripisylves, qui avait provoqué la colère des agriculteurs de la Nièvre l’an dernier. Une vingtaine d’éleveurs ou de propriétaires du 58 se sont néanmoins portés volontaires pour des projets semblables à celui de La Grande-Verrière. Des aménagements qui ont été intégralement pris en charge par les financeurs publiques. La représentante du Parc reconnaissait par ailleurs que dans le Morvan, ce ne sont pas les problèmes de pollution de l’eau qui posent problème, mais plutôt la dégradation de la morphologie et de la végétation des cours d’eau.





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