Vers une économie aux effets utiles
semblent évoluer de manière accélérée, où Internet impose des stratégies
cross-canal et de nouvelles formes de relations avec les clients, les
distributeurs ne peuvent plus se reposer sur la consommation de masse
pour gagner des parts de marché, mais sont dorénavant dans l’obligation
de fabriquer leur propre croissance. L'émergence d'une économie des effets utiles réenchantant la consommation ? En attendant, les guerres des prix font rage. Le Crédoc (Centre de recherche pour l'étude et l'Observation des conditions de vie) et l’Université Paris-Dauphine ont tenté de repérer les grandes innovations commerciales pour 2013.
Un pays qui épargne !
Dans le même temps, les budgets des ménages sont sollicités par des postes de dépenses peu ou pas compressibles (énergie, loyer…) ou davantage valorisées (communication, santé…). La protection sociale, l’avenir des enfants et le pouvoir d’achat forment le trio de tête des préoccupations, entraînant les consommateurs à radicaliser leurs arbitrages entre :
- d’une part, la consommation et l’épargne : en 2011, le taux d’épargne des Français a atteint 16,8% de leur revenu disponible brut, un taux inédit depuis 1982. La France figure parmi les pays d’Europe qui épargnent le plus, et cette tendance pourrait se poursuivre dans l’environnement économique actuel ;
- d’autre part, les différents postes de consommation : les dépenses « plaisir » (sorties, habillement) sont les premières victimes de l’austérité, sacrifiées si nécessaire. D’autres dépenses peuvent être facilement revues à la baisse (se déplacer moins, économiser l’énergie, rogner sur la diversité et la qualité des produits alimentaires…), mais ces restrictions ont un impact immédiat en termes de qualité de vie.
Ainsi, des pans entiers de la consommation sont sacrifiés pour rendre possibles d’autres dépenses (téléphonie mobile, internet, santé…). Le numérique et les TIC ont suscité le bouleversement le plus important depuis 35 ans dans les budgets de consommation des ménages. De nouveaux signes extérieurs de richesse...
Déboussolés, les Français le sont. Car, ils sont confronté à un contexte socioéconomique instable lié aux chocs de la mondialisation, à l’accélération des avancées technologiques et de leur diffusion, ainsi qu’aux mutations des comportements de consommation (évolution des structures sociales, effets de générations, ouverture des frontières…), le commerce est entré dans une dynamique de changement continu.
Des différences selon les secteurs
Si l’ensemble des secteurs s’appuie en moyenne sur les mêmes tendances de consommation, il existe tout de même quelques disparités sectorielles. L’hédonisme apparait clairement comme la tendance dominante dans tous les secteurs.
L’individualisme/singularisme ressort via la personnalisation pour le secteur Énergie-mobilité-télécoms et Equipement de la personne et via le conseil pour les services financiers. Dans l’alimentaire, les innovations commerciales font davantage référence - au-delà de l’hédonisme - à la rassurance (image de marque et fidélisation de la clientèle apparaissent comme des vecteurs stratégiques) et la défiance (rôle majeur accordé à l’achat malin). L’alimentaire se détache des autres secteurs par un nombre important de tendances exploitées, environ 15 en moyenne.
Avec la progression de l’individualisme/singularisme, les distributeurs semblent avoir bien intégré le besoin croissant de considération exprimé par les consommateurs, auquel ils répondent à la fois par une information de plus en plus poussée sur les produits et par des conseils adaptés aux exigences de chacun.
Les travaux récents menés au CRÉDOC témoignent d’attentes plus fortes en matière de « fabriqué en France ou localement », mais aussi de désintermédiation, d’achat de produits de ’seconde vie’ (développement des plateformes d’achats d’occasion, location…) et de ‘coproduction’ (participation à l’élaboration d’un produit dans le but de réduire les coûts). Or, visiblement, les enseignes exploitent encore trop peu ces attentes au regard de l’importance que les consommateurs leur accordent. Si l'on fait le parallèle avec l'épargne, des opportunités pourraient apparaitre...
Exemples de tendances et logiques de consommation
Que ce soit en circuit long ou court, ces exemples donnent du poids et des arguments face aux acheteurs et consommateurs pour mieux valoriser ses produits :
Individualisme/Singularisme :
- Co-constuction (ou coproduction) ; "Je participe à l'élaboration du produit ou du service"
- Conseil ; "On m'apporte un conseil spécifique"
- Personnalisation ; "On adapte le produit ou le service à mes goûts ou à mes besoins"
- Confiance ; "On me fait confiance"
Reliance :
- Réenchantement du lien social ; "La mise en relation avec d'autres personnes m'est facilitée"
- Lien communautaire ; "J'ai le sentiment d'appartenir à une communauté constituée par l'enseigne"
- Ethique/Commerce équitable /Générosité ; "Je participe à une démarche favorisant des entreprises ou des personnes en difficulté"
Responsable/Impact écologique ; "Je participe à limiter mon impact écologique"
Hédonisme
- Gain de temps ; "On me permet de gagner du temps"
- Marketing expérientiel ; "Acheter ce produit ou ce service me permet de faire un parcours original"
- Plaisir ; "Cela contribue à augmenter mon plaisir"
- Nouvelles technologies ; "J'utilise les nouvelles technologies"
Rassurance
- Garantie ; "On m'apporte une garantie sur le produit ou le service"
- Image de marque ; "J'achète le produit/service car j'ai confiance en la marque"
- Sécurité ; "Cela me permet de me sentir plus en sécurité"
- Fidélisation ; "On m'incite à renouveler un achat ou une visite auprès de l'enseigne"
Défiance
- Achat malin/"Bon plan" ; "Je bénéficie de prix bas ou de bonnes affaires"
- Fabriqué localement (région/territoire national) ; "On me permet de privilégier la production locale"
- Pair à pair ; "Cela me permet de conforter mon choix par les avis de mes pairs plutôt que par la marque"
- Désintermédiation ("anti-système") ; "On me permet de réduire le nombre d'intermédiaires"
Quels sont les besoins des consommateurs satisfaits par les innovations commerciales ?
:
« Est-ce que l’innovation commerciale me permet de… ? ».
Les cinq thèmes de la grille sociétale
« L’individualisme/singularisme » : il exprime le fait que l’individu
moderne, plus qualifié, surinformé, est désormais habitué à faire des
choix dans sa vie personnelle comme professionnelle. Il tolère de moins
en moins d’être réduit au statut d’élément anonyme d’une masse
indistincte et exprime un niveau d'exigence croissant (qualité de
l'accueil, réduction des temps d'attente, disponibilité des produits…).
Une « société de personnes » s’est affirmée, rimant avec une plus grande
individualisation des besoins.
« La reliance » : l'importance des valeurs individualistes ne signifie
pas le repli de l'individu sur lui-même. Les sociologues évoquent la
notion « d'individualisme relié » pour désigner la spécificité de la
quête de liens aux autres qui anime l'individu hypermoderne. Cette
reliance s'incarne, dans la consommation, par certains comportements de
nature « communautaire » ou « tribale », ainsi que par des choix
reflétant l'adhésion à un système de valeurs.
« L’hédonisme » : la force des valeurs individualistes, couplée à la
crise de la notion de progrès, favorise le règne de l'hédonisme,
c’est-à-dire le rejet de la contrainte, le bonheur tout de suite. Cette
orientation conduit notamment à la valorisation des « expériences
positive » qui deviennent la cible d'un marketing expérientiel en plein
développement, d’une utilisation accrue des nouvelles technologies
(notamment en direction des plus jeunes générations).
« La rassurance » : l’individu moderne, en tant que consommateur, se
trouve confronté à une multitude sans cesse croissante de choix
possibles. Les sociologues expliquent que la contrepartie peut être une
certaine difficulté à assumer cette liberté de choix. Le consommateur se
trouve ainsi souvent en quête de rassurance, c'est-à-dire d'éléments
susceptibles d'accroître son sentiment de sécurité, de lui offrir des
repères.
« La défiance » : l’Eurobaromètre de la Commission européenne indique
une tendance à l’accentuation du sentiment de défiance – qui
constituerait plutôt une ‘antivaleur’ par opposition à la confiance – à
l’égard des institutions depuis une dizaine d’années notamment, encore
renforcée par la crise financière récente. Dans le domaine du commerce,
elle s’exprime dans le développement d’une posture critique envers un
marketing suspecté de renchérir les produits sans supplément
significatif de valeur client.
Il apparaît que les innovations commerciales, dans leur ensemble,
mettent l’accent sur la volonté des distributeurs de permettre aux
consommateurs de vivre une expérience d’achat particulière autour de
l’enseigne ou de la marque. La notion de plaisir, l’organisation
d’événements exceptionnels et l’utilisation des nouvelles technologies
sont les trois critères les plus représentés (trois des quatre items
caractérisant l’ensemble « Hédonisme »).
La fidélisation (rattachée à l’ensemble « Rassurance ») constitue
également une préoccupation majeure des distributeurs, les Français
étant de plus en plus volatiles et zappeurs. Ce critère est exploité par
un grand nombre d’innovations commerciales (plus de 75%). Enfin, le
contexte économique a poussé les acteurs du secteur à proposer de
nombreuses innovations permettant aux consommateurs de réaliser des
économies. La proposition de bons plans, d’achats malins ou de
promotions (rattachés à la « Défiance ») est donc très courante en 2011.
L’innovation répond aux évolutions des modes de consommation
La mise en place de stratégies efficaces pour stimuler et inventer de nouvelles façons d’acheter et de créer de nouvelles valeurs ajoutées fonctionnelles ou émotionnelles devient alors essentielle. Les distributeurs doivent se montrer de plus en plus créatifs, l’innovation apparaissant comme un puissant levier de compétitivité pour permettre de se démarquer dans un paysage fortement concurrentiel. L’enjeu pour les entreprises repose donc sur leur capacité à produire des innovations commerciales proposant une valeur ajoutée en phase avec les attentes et les nouveaux arbitrages des consommateurs.
Les évolutions des modes de consommation