Stratégie nationale de lutte contre les feux de forêt
Quelles actions pour diminuer le risque d’incendies dans les forêts ?

Frédéric RENAUD
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Dans la continuité de l’adoption de la loi sur les feux de forêt, le 10 juillet, le Préfet de Saône-et-Loire Yves Séguy s’est rendu sur la Lande de Nancelle, à quelques kilomètres de Mâcon, pour évoquer avec les propriétaires forestiers privés et les services de l’État, les modalités de prévention des feux de forêt.

Quelles actions pour diminuer le risque d’incendies dans les forêts ?
Le Préfet s'est déplacé sur la Lande de Nancelle, pour discuter avec les représentants de l'ONF et des propriétaires forestiers (CRPF) des adaptations préconisées par la "stratégie nationale de défense des forêts contre les incendies".

Le préfet de Saône-et-Loire s’est déplacé dans le bois de Verzé, à la Roche-Vineuse, le 28 juillet afin d’échanger avec des acteurs de la préservation des forêts sur les risques des feux de forêt ainsi que sur le contenu du nouvel arrêté feux de plein air. Yves Séguy a ainsi relayé la mobilisation de l’État sur cette problématique des feux de forêt, que la toute récente loi du 10 juillet 2023 concrétise. Le texte prévoit une « stratégie nationale de défense des forêts et des surfaces non boisées contre les incendies ».

Sur la Lande de Nancelle, le Préfet a écouté les frères Brochot expliquer les aménagements conduits pour limiter le risque dans les forêts qu’ils possèdent. « Nous avons réalisé des saignées, le long des voies forestières, à la pioche ou à la pelleteuse. Elles amènent de l’humidité dans la forêt, lorsque ces fossés y déversent les écoulements qui surviennent lors des intempéries. Ces saignées servent aussi de coupe-feu, par l’humidité qu’elles contiennent ».

La prévention des feux de forêt passe aussi par une responsabilisation générale de la population. À cet effet, le représentant de l’État rappelle aussi l’existence d’un arrêté préfectoral, édicté le 10 juillet. Ce document instaure notamment des interdictions des feux en forêt et préconise « la destruction des végétaux, le broyage ou l’enfouissement » plutôt que « le brûlage des déchets verts », généralement interdit.

Car « l’origine des feux de forêt est 9 fois sur 10 d’origine humaine », rappelle Yves Séguy. Alors, les bois et leurs abords doivent être adaptés à ce risque. C’est pourquoi l’Office national des forêts (ONF) invite à « débroussailler le long des routes, où les départs de feu se produisent très souvent », rappellent Régis Michon et Sébastien Batifoulier, deux techniciens.

Ce qui n’est encore qu’une recommandation en faveur du débroussaillement pourrait évoluer en « obligations légales de débroussaillement (OLD). C’est un dispositif du code forestier, qui n’est pas encore appliqué en Saône-et-Loire », précise Yves Seguy qui ajoute que les massifs forestiers « pourraient aussi être davantage équipés de pistes pour servir aussi à la défense des forêts contre les incendies (DFCI) ».

Des voies forestières primordiales

Ces chemins ou ces pistes participent en effet à la lutte contre l’incendie, notamment pour permettre la circulation des engins des sapeurs-pompiers. « Les voies forestières, utilisées pour vidanger les parcelles en cours de récolte, servent aussi à circonscrire les feux de forêt », défend Patrice de Fromont, président du Centre régional de la propriété forestière (CRPF). « Nous nous efforçons de coordonner les projets de nos adhérents en matière de desserte de ces bois privés. Dans les grandes forêts, ces projets sont faciles à mener. Dans les petites forêts, c’est bien plus compliqué. » Ce morcellement de la forêt est connu du Préfet, qui demande « à mener une réflexion plus vaste, à l’échelle des massifs forestiers ». Le ministre de l’Agriculture l’avait également évoqué lors d’Euroforest 2023.

Sans ces chemins et si les espaces sont trop restreints, le service départemental d’incendie et de secours (Sdis) hésite à engager des moyens. « Nous n’envoyons pas de pompiers, s’il y a un risque que le feu saute et puisse encercler nos sauveteurs », indique le colonel Frédéric Pignaud, le directeur du Sdis. « Il nous faut une piste d’accès et un espace défriché d’environ 15 à 20 mètres de large. Ce sont des paramètres qui conditionnent notre action, et notamment la conception de scénarios d’évolution après une heure ou deux heures d’incendie. »

Lorsque les pompiers lancent une intervention contre un feu de forêt, « nous engageons systématiquement deux engins, dont un camion-citerne feux de forêts (CCF), sous la responsabilité d’un chef de groupe » ajoute Frédéric Pignaud. « Ces moyens terrestres suffisent en général dans nos contrées ». À voir selon les étés secs si cela reste le cas. Espérons.

La Lande de Nancelle

La Lande de Nancelle

Proposé comme lieu de visite par les supports de communication du Département de Saône-et-Loire, la Lande de Nancelle est un espace naturel sensible. Cette lande recèle un milieu remarquable de pelouse calcaire, appelée aussi pelouse sèche et de lande acide (des milieux rares et menacés en Saône-et-Loire). 

La lande abrite notamment la callune, qui est aussi appelée "bruyère commune" ou "fausse bruyère", une espèce végétale peu répandue dans la région. Des panneaux d’interprétation permettent une lecture expliquée de la flore et de la faune.

Les principales dispositions de l'arrêté préfectoral du 10 juillet

« Pendant une période critique instaurée du 1er juin au 31 octobre inclus de chaque année, il est interdit d’une part de porter et d’allumer un feu à moins de 200 mètres des bois et forêts, et d’autre part de fumer et jeter des allumettes et cigarettes dans les bois et forêts ou sur voie publique traversant les bois et forêts. Ces interdictions concernent également les lanternes célestes, pétards, artifices de divertissement et feux festifs ».

« Le feu réalisé jusqu’à une distance de 200 mètres des bois et forêts doit être encadré par l’installation d’un dispositif adapté et opérationnel permettant l’extinction du feu. Pour la destruction des végétaux, le broyage ou l’enfouissement doit être privilégié. Le brûlage des déchets verts est interdit pour les ménages, les collectivités, entreprises d’espaces verts et paysagistes ».
« Lorsque le brûlage est possible, il ne peut intervenir à une distance en deçà de 100 mètres le séparant de toute habitation, lieu accueillant du public ou rassemblant des personnes, tout bâtiment quelle que soit son affectation ou son usage et voies de transport. Dans ce cas, le service départemental d’incendie et de secours devra être informé pour être assuré que les dispositions garantissent qu’aucune propagation de feu ne soit possible ».

La Météo des forêts
Sébastien Batifoulier (ONF) présente la "Météo des forêts". Ces cartes présentent la sensibilité des forêts au risque de l'incendie, établie à partir des prévisions météorologiques et l’état de sécheresse de la végétation.

La Météo des forêts

La Météo des forêts, comme d’autres cartes de prévention des risques, signale le risque d’incendie propre à une zone sous la forme d’indices de couleurs allant du vert au rouge. Le vert indique le risque le plus faible, les intermédiaires jaune et orange signalent respectivement des potentiels modérés et élevés, et le rouge indiquera le risque le plus élevé.

Sur son site, Météo-France détaille que le calcul de ce coefficient de risque incendie s’effectue notamment grâce à l’état de sécheresse en forêt à un moment T, à l’aridité des végétaux, la présence de bois mort en forêt, l’humidité ou encore la force du vent. « Ce bulletin météo spécial s’avère primordial dans la prévention des incendies de forêt », poursuit Régis Michon, de l’ONF. « Les moyens de lutte sont alors prépositionnés dès lors que les paramètres favorables aux feux de forêt sont réunis, et ce, en coordination avec le centre régional des propriétaires forestiers. »