EXCLU WEB / Le nécessaire dialogue entre ruraux et urbains

Christophe Soulard
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L’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA) a organisé, mi-mars, une table-ronde sur le thème "urbains / ruraux : un dialogue à réinventer". Objectif : atténuer les sources de conflictualités et tendre à un « meilleur vivre ensemble ». 

EXCLU WEB / Le nécessaire dialogue entre ruraux et urbains

Comment se caractérise la ruralité ? Existe-t-il des lieux communs, des stéréotypes sur les campagnes ? Quelle attitude adopter avec les nouveaux arrivants ? Telles sont quelques-unes des nombreuses questions auxquelles les différents intervenants ont tenté de répondre, étant entendu qu’il faut parler de « ruralités au pluriel », précise d’emblée André Torre, économiste et directeur de recherche à l’Inrae*. Aujourd’hui, d’après les récentes définitions de l’Insee**, 88 % des communes françaises sont situées en milieu rural et elles accueillent 33 % de la population française. La France compte d’ailleurs 30.775 communes rurales dont 18.763 peu denses et 12.012 « très peu denses ».

Cependant, le rural ne se caractérise plus par la seule identité agricole, même si 50 % des surfaces rurales sont agricoles. « L’artisanat, la culture, les commerces, l’industrie et bien d’autres activités participent aussi à la construction de cette identité », souligne André Torre. Mais l’image que les urbains se font de cette ruralité reste « régressive et dangereuse », ajoute-t-il. En effet, beaucoup de citadins idéalisent les campagnes sous un aspect bucolique et très champêtre comme un lieu de villégiature, un havre de paix. « Ils viennent vivre dans un Eldorado et beaucoup arrivent avec leur vérité », remarque Gilles Noël, maire de Varzy (1300 hab., Nièvre). « Beaucoup de néoruraux et de “rurbains” ont envie de garder nos petits villages sous cloche », regrette Christelle Minard, maire de Tremblay-les-Villages (2200 hab., Eure-et-Loir).

Anticiper

« Or nos campagnes sont réellement vivantes avec des activités économiques et c’est ce que nous avons voulu montrer dans notre manifeste des ruralités vivantes », rappelle Henri Biès-Péré, 2e vice-président de la FNSEA. Le témoignage de Rémi Nodin, vigneron à Saint-Péray (Ardèche) confirme cette approche. Confronté à un voisinage de néoruraux qui lui reprochaient son travail de nuit et le traitement de ses vignes, il a dû expliquer son métier mais aussi l’adapter pour désamorcer et apaiser les tensions. « Avant de traiter mes vignes, j’envoie un SMS aux riverains », indique-t-il. « Il faut entretenir le dialogue et toujours être en concertation », insiste François Beaupère, président de la chambre régionale d’agriculture des Pays de la Loire. « En vente directe, c’est sans doute plus facile que si l’agriculteur s’inscrit dans une filière longue », précise Philippe Noyau, président de la chambre régionale d’agriculture Centre Val de Loire. L’une des recettes est également « l’anticipation », insiste Henri Biès-Péré. « Quand un agriculteur construit un méthaniseur, il vaut mieux faire en sorte que les riverains soient prévenus en amont pour éviter qu’ils ne le découvrent au dernier moment. Ça évite bien des conflits ». De même, des activités collectives et fédératrices comme les foires municipales, les comices agricoles, les journées nationales de l’agriculture ou la mise en place d’un projet alimentaire territorial permettent de créer des espaces de dialogue. La commune sous l’égide du maire reste ici l’échelon pertinent. « Avec le dialogue, on parvient très souvent à résoudre les problèmes et à apaiser les tensions », conclut François Beaupère. 

 

* Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae)

** Institut national des statistiques et des études économiques (Insee)

Ruralités européennes 

Selon l’Insee, à l’échelle européenne (Union européenne à 28 pays), en 2015, 28 % de la population vivait en zone rurale. Parmi les pays européens avec une population équivalente, la France fait partie des pays les plus ruraux : seule la Pologne affiche davantage de ruraux (45 %). Dans certains pays, le contraste entre zones très denses (les « cities ») et espaces ruraux est important. Par exemple, en Espagne, 51 % de la population vit dans les cities tandis que 26 % de la population vit dans un espace rural.