AGENCE DE L’EAU
Nicolas Mourlon : « L’agriculture a déjà fourni des efforts considérables »
En poste depuis le 15 février, Nicolas Mourlon a été nommé directeur général de l’agence de l’eau Rhône-Méditerranée Corse. Quelques jours après son arrivée, le successeur de Laurent Roy livre sa vision du partage de la ressource.
Quel a été votre parcours professionnel ?
Nicolas Mourlon : « Je suis ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts. J’ai travaillé 20 ans dans la fonction publique d’État dans la Marne et en Île-de-France. J’ai ensuite été chef du service de l'eau et des milieux aquatiques à la direction régionale de l’environnement en Bourgogne, puis directeur départemental des territoires du Val d’Oise. J’ai connu la sécheresse de 2003 et le début du partage de la ressource avec l’instauration des arrêtés cadre et du corpus de gestion que nous connaissons aujourd’hui. Lors de ces années fondatrices, j’ai beaucoup travaillé avec les anciennes régions Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Languedoc-Roussillon. Finalement, le bassin Rhône-Méditerranée Corse regroupe tous les enjeux, qu’ils soient industriels, agricoles ou liés aux collectivités territoriales ; mais également une diversité géographique faite de hautes montagnes, de littoraux et de plaines. Ce bassin est un beau défi de gestion équilibrée avec des acteurs qui travaillent en collectif, puisqu’il est aussi particulièrement touché par le changement climatique. »
Comment envisagez-vous le partage de l’eau sur le bassin Rhône-Méditerranée Corse ?
N. M. : « J’envisage ce partage de l’eau dans le dialogue, en impliquant l’ensemble des acteurs dans leurs domaines de compétences et avec leurs contraintes. La priorité est d’avancer sur les Plans de gestion de la ressource en eau (PGRE) dans les territoires apparaissant en déséquilibre, c’est-à-dire ceux où le prélèvement de l’eau est supérieur à ce que la ressource est capable de mettre en réserve chaque année. Dans le second plan d’adaptation au changement climatique adopté en décembre dernier, le choix a été fait de travailler sur l’ensemble du territoire à travers deux axes : la sobriété et la substitution des ressources nouvelles. La substitution peut être géographique, comme le fait d’aller chercher une ressource proche qui n’est pas sous tension, mais elle peut aussi être temporelle en retardant les écoulements. »
Depuis 2019, l’agriculture fait figure de bonne élève avec 21 millions de m3 d’eau économisés par an à l’échelle du bassin. Ce secteur d’activité sera-t-il, de fait, une priorité de l’agence de l’eau ?
N. M. : « Le second plan d’adaptation au changement climatique adopté par le comité de bassin a comme objectif une économie de 360 millions de m3 d’eau d’ici 2030, soit 10 % des prélèvements. Pour les territoires en déséquilibre, qui représentent 40 % du bassin, l’objectif est une économie de 150 millions de m3 d’eau, dont 100 millions pour le secteur agricole via des changements de pratiques ou la modernisation des systèmes d’irrigation. Sur les autres bassins qui ne sont pas en déficit, les objectifs sont une économie de 16 % de l’eau potable et de 15 % pour le secteur industriel. Concernant le secteur agricole, le but est d’atteindre une maîtrise des prélèvements. Il est essentiel de rappeler que l’agriculture a déjà fourni des efforts considérables grâce à la modernisation de l’irrigation et à des réparations de leur système. Dans le 11e programme d’intervention qui se termine (2019-2024), les agences de l’eau ont aidé les économies d’eaux sur les territoires en déséquilibre. Dans le 12e programme, qui démarrera l’année prochaine jusqu’en 2030, le choix a été fait d’aider l’ensemble des territoires. Si ce nouveau programme est en cours d’élaboration, nous savons néanmoins que nous bénéficierons d’une augmentation de la capacité d’intervention budgétaire. »
De quel œil voyez-vous le recours aux eaux non conventionnelles et dans quels délais ?
N. M. : « D’ici 2030, l’objectif est que 250 projets de recours aux eaux non conventionnelles voient le jour sur le bassin Rhône-Méditerranée. C’est un élément qui peut paraître de moindre importance, mais le 12e programme d’intervention va également faire mention de la récupération des eaux de pluie des bâtiments agricoles. Concernant l’irrigation agricole, certains des projets sont déjà mis en œuvre. Mais dans ces secteurs, qui commencent à devenir méditerranéens, les débits en station d’épuration ne sont pas forcément les plus importants. Quand il y aura besoin d’eau, les débits ne seront pas assez gros, ce qui revient à poser la question du stockage de l’eau, plus que de son traitement. »