Pause de l’acte II et début acte III
La vigilance reste de mise

Semaine dernière, outre le blocage de l’autoroute à Tournus, d’autres manifestations se sont fait entendre. Au niveau national, la pression sur les industriels et les centrales d'achats de la grande distribution s'intensifie. L'Europe est appelée à réagir et suivre l'exemple de la loi EGAlim française. De nouvelles manifestations ont eu et vont avoir lieu. De premières réunions de travail s'organisent en Préfecture pour concrétiser le tout. La vigilance reste donc de mise.

La vigilance reste de mise
À Louhans devant la permanence de la députée Untermaier où une délégation a été reçue.

Mercredi dernier, 150 vignerons ont défilé en enjambeurs dans les rues de Mâcon, avant de se rendre devant la Préfecture pour déverser un peu de marcs, puis aller laisser aussi quelques présents devant l’antenne du conseil Régional de Bourgogne-Franche-Comté. Vendredi dernier, au moment de lever le barrage sur l’A6, une cinquantaine de tracteurs ont bloqué les rues devant la permanence de la députée Untermaïer à Louhans.

Ce lundi 5 février, le Préfet de Saône-et-Loire réunissait en urgence la profession agricole pour faire un premier comité de suivi de la « crise agricole » et des annonces gouvernementales. La presse et médias étaient priés de sortir pour laisser syndicats et services préfectoraux ou d’État travailler. Huit groupes de travail vont se réunir chaque semaine pour avancer rapidement sur huit thèmes différents. Les annonces du Gouvernement n’étaient pas une fin en soi. Bien au contraire, tout reste à faire donc.

Mardi 6 février, un nouveau mot d’ordre des JA71 et de la FDSEA invitait à maintenir la pression, notamment sur la grande distribution. Depuis le début des manifestations, les « chevaliers » du pouvoir d’achat à la télévision et radio se font très discrets… à la limite d’une alerte « enlèvement ».

Bercy a identifié 124 contrats ne respectant pas Egalim

Le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a annoncé, le 5 février, avoir identifié 124 contrats, signés entre industriels et distributeurs dans le cadre des négociations commerciales, qui ne respectent pas la loi EGAlim et a envoyé des injonctions pour contraindre les entreprises concernées à s’y conformer. Le gouvernement a annoncé vouloir renforcer le contrôle des contrats signés dans le cadre des négociations commerciales, afin de s’assurer qu’ils sont en conformité avec la loi. Des contrôles sur l’origine française des produits ont aussi été lancés. Sur « 1.000 contrats signés » entre les « grands industriels » et les « cinq grands distributeurs », « 124 contrats ne respectent pas les règles de la loi », a affirmé Bruno Le Maire. « J’ai donc envoyé des injonctions à tous les industriels et tous les distributeurs » dont les contrats ne sont pas conformes, a poursuivi le ministre. Les entreprises concernées ont « quinze jours » pour se conformer à la loi, menace Bruno Le Maire qui rappelle que l’amende encourue peut aller « jusqu’à 5 millions d’euros », promettant de rendre publics leurs noms.

Système U, Leclerc…

« Nous aurons probablement des assignations » des autorités en lien avec les négociations commerciales avec les industriels, a aussi déclaré le président du comité stratégique des centres E.Leclerc, Michel-Édouard Leclerc, le 5 février, qui réapparaît cette semaine dans les médias bien plus humble qu’avant. « Nous savons que nous allons avoir des sanctions », a-t-il affirmé, quelques jours après la fin des négociations au 31 janvier. « Dès que les accords commerciaux sont finis à minuit, le lendemain l’administration vient pomper dans les ordinateurs tous les accords commerciaux, ils vont faire leur marché et probablement nous aurons des assignations, soit des injonctions de faire autrement, soit des assignations pouvant conduire à des procès », explique-t-il. Ces possibles sanctions sont le fruit de « débats juridiques », selon lui, qui se posent « autant pour le distributeur que pour l’industriel ou l’agriculteur ». « Mais il n’y a pas beaucoup de procès que nous avons perdus », a encore déclaré Michel-Édouard Leclerc. À la suite de la mobilisation des agriculteurs, le gouvernement a annoncé un renforcement des contrôles. Aucun contrat, y compris pour les marques distributeurs, « n’échappera au contrôle de la Répression des fraudes », assure le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire. De son côté, le patron de Système U, Dominique Schelcher a déclaré, le 6 février, s’attendre à recevoir une amende, tout en précisant : « pour l’instant, à ma connaissance, nous ne faisons pas partie des 124 ». Les distributeurs sont donc sur leur garde et ont passé des consignes pour vider leurs rayons de tous produits pouvant rallumer la colère agricole ces dernières semaines. Il faudra donc que les contrôles soient réguliers et s'installent dans le temps long.

Egalim va s’étendre à d’autres filières

« La question de la contractualisation et de l’extension d’Egalim à d’autres secteurs est une question largement devant nous… La porte est ouverte côté gouvernement. Puisque ça a pu protéger un certain nombre de secteurs, est-ce qu’il ne faut pas aller plus loin ? », a déclaré le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau, le 5 février. Certains secteurs avaient fait le « choix » de ne pas intégrer les dispositions de la loi Egalim 2, comme les fruits et légumes, le vin et les céréales, en raison de spécificités de production et de marché, rappelle M. Fesneau. « Ça ne veut pas dire que tout le monde doit rentrer, c’est très complexe », tempère-t-il. Selon la Cnaoc, certains vins sous appellations pourraient vouloir intégrer le dispositif. Pour renforcer l’efficacité d’Egalim, la locataire de la Rue de Varenne évoque une possible nouvelle évolution de la loi « pour éviter en particulier ce qu’on voit maintenant, c’est-à-dire l’achat de produits français à l’extérieur des frontières » via des centrales d’achat. En outre, le ministre a réaffirmé la volonté du gouvernement de travailler à « une forme d’Egalim européen qui ne mettrait pas les agriculteurs en concurrence face aux gros acteurs de la distribution européenne ». La France veut lancer à l’été 2024 une « initiative européenne pour renforcer et durcir le cadre applicable », précise Bercy. Au Conseil Européen, le président de la République, Emmanuel Macron a annoncé sa volonté de pousser pour étendre EGAlim à tous les pays Européens.

En attendant, la FNSEA et JA annoncent de nouvelles mobilisations si les annonces n’étaient pas suivies d’effets. Les syndicats majoritaires posent plusieurs conditions pour ne pas reprendre le mouvement : de « premiers résultats » d’ici le Salon de l’agriculture (du 24 février au 3 mars), puis l’adoption de la loi d’orientation et d’avenir agricole, ainsi que des mesures européennes d’ici au mois de juin. « Si d’ici le mois de juin, ces marqueurs ne sont pas remplis, nous n’hésiterons pas à re-rentrer dans un mouvement de mobilisation d’ampleur générale », a déclaré Arnaud Gaillot. Plus généralement, le patron de la FNSEA a salué « l’écoute » du Premier ministre, tout en « s’interrogeant » sur « la surdité de l’Europe ». À l'heure de notre bouclage, mercredi 6 février, la session plénière du Parlement européen à Strasbourg devait se pencher notamment sur le retrait de la proposition de règlement sur l’utilisation durable des pesticides...

« Avec la levée des blocages nous avons transformé le mouvement »
Emmanuel Bernard à gauche et Florent Point à droite

« Avec la levée des blocages nous avons transformé le mouvement »

Florent Point, président de Jeunes agriculteurs Bourgogne-Franche-Comté : « Aujourd'hui, nous avons suspendu un mouvement historique. Je suis très fier de tous les agriculteurs qui se sont mobilisés et de prendre part à cette mobilisation. En effet, avec la levée des blocages, nous avons transformé le mouvement. Aujourd'hui, nous devons engager les chantiers qui ont été lancés par le Premier ministre, jeudi dernier.  Certaines mesures vont dans le bon sens concernant notamment l'installation et la transmission, mais nous devons veiller à ce qu'ils soient menés à bien d'ici au Salon de l'agriculture. Tous les départements de Bourgogne-Franche-Comté ont d'ores et déjà rencontré leurs préfets. Nous serons rapidement fixés. Si nous n'obtenons rien de concret, nous sommes tous prêts à repartir en action, des actions qui pourraient prendre des formes bien différentes ».

150 viticulteurs ont laissé des ceps morts et des marcs à distiller à la Préfecture de Mâcon.