Sécheresse
La pluie ne va pas tout rattraper

Après un hiver correctement arrosé et plusieurs jours de pluies profitables, il pourrait paraitre inopportun de parler de sécheresse. Pourtant, le sec du printemps a bel et bien entamé le potentiel de récolte des cultures d’hiver… et semé l’inquiétude dans les fermes.

La pluie ne va pas tout rattraper
Les pluies encore annoncées ces jours-ci vont continuer à faire gonfler les ruisseaux et rivières. Mais celui-ci, au cœur du Morvan, affichait début mai un niveau de fin juillet...

Malgré la pluie qui est fort heureusement enfin arrivée ces derniers jours, l’inquiétude est grande du côté des agriculteurs.
Après plus de 45 jours sans pluie, voire 50 et au-delà sur certains secteurs, cette eau tant attendue est arrivée et on relève « entre 40 et 60 mm, selon les secteurs » précise Antoine Villard de la chambre d’agriculture.
« Sur les terrains profonds, cette eau est arrivée à temps pour les blés, orges, colzas, souligne Régis Tétu. Les quelques pluies significatives ont d’autant plus été efficaces qu’elles ont surtout été de nuit et accompagnées d’un net rafraichissement des températures ».
Sur son secteur de Fontaines, l’agriculteur a pu constater plus de 40 mm de pluie. « Cela apporte une réhumidification importante, cela sauvera peut-être quelques talles de blé ».

Blé petit et clairsemé

Car si cette eau permet de souffler un peu et d’envisager les prochains jours, voire semaines avec plus de sérénité pour les semis en cours, « il y a beaucoup d’inquiétude » du côté des rendements de blé.
Actuellement au stade épiaison, « nous avons huit à dix jours d’avance sur 2019 qui était déjà une année précoce », rappelle Antoine Villard.
Au final, cette céréale a encaissé une accumulation de conditions météo souvent excessives. « Les semis ont souffert d’un excès d’eau cet hiver, rappelle ainsi Cédric Tissot, polyculteur à Baudrières. Cela avait empêché un enracinement correct ». Une situation accentuée par plusieurs journées de vent froid et sec ce qui fait « que le blé a rapidement craint le sec ».
« Cette période sans eau exceptionnelle est arrivée à un moment où les besoins du blé sont les plus importants », rappelle Antoine Villard. « Certains apports d’azote n’ont pu être faits », renchérit Régis Tétu.

On se retrouve aujourd’hui avec des blés très impactés : « dans les terrains superficiels, les blés sont clairsemés, les peuplements sont très peu denses et les épis petits », confirme Antoine Villard.
L’inquiétude est grande quant au rendement grains : « il y aura forcément de la perte, estiment les agriculteurs interrogés, même s’il est évidemment trop tôt pour l’estimer ». Cela devrait aller « de rendements assez bons à des situations assez catastrophiques avec un niveau parmi les plus bas qu’on est vu ». En comparaison avec 2019, Régis Tétu rappelle que « les terrains légers avaient décroché, mais pas de façon aussi catastrophique ».

Problème de paille

En revanche pour la paille, peu d’illusion à se faire : « nous aurons moitié moins de quantité que l’année passée », estime d’ores et déjà Cédric Tissot. Alors si l’éleveur de 120 vaches et leur suite a déjà anticipé en réservant la collecte d’un collègue, il envisage déjà une autre solution. « La situation se renouvelle désormais chaque année. Nous prévoyons donc de passer de l’aire paillée à des logettes ». Si le projet ne va pas se réaliser pour cet été, il semble inévitable pour l’année prochaine pour limiter les besoins en paille. La profession commence d’ailleurs à s’organiser pour pallier une pénurie quasiment certaine (voir par ailleurs).

JNO favorisée

Côté sanitaire, les cultures sont globalement en bonne santé. 2020 ne devrait pas être une année à forte pression maladie.
À signaler cependant, la problématique jaunisse nanisante de l’orge, « tous les agriculteurs que j’ai en contact sont tous plus ou moins touchés », rapporte ainsi Antoine Villard, dans les orges, blés et même triticales. Cela va de parcelles avec quelques zones touchées à d’autres entièrement, « avec une nuisibilité très forte ». Si l’étendue de la présence de la maladie n’est pas encore quantifiée, les observations font ressortir que la JNO semble gagner du terrain.
« Ceci est la conséquence de trois années très chaudes et sans hiver, avance Régis Tétu, ce qui augmente la population des insectes ravageurs. De plus, d’une part le sec n’a pas permis aux plantes d’assimiler l’azote et d’autre part elles n’ont pas eu l’eau nécessaire pour croître et se renforcer ».
« J’ai l’impression que le développement de la JNO est plus une question d’exposition que d’espèce, rajoute Antoine Villard. Et se trouve plutôt sur des précédents maïs ou paille, qui ont pu favoriser des foyers de pucerons ».
Ainsi si pour les terres profondes, « le sec devrait passer », le conseiller grandes cultures redoute que la JNO ne soit le problème de l’année.

La pluie du répit
Sur certains secteurs, la pluie est arrivée après 56 jours sans eau. Une situation inédite pour un printemps.

La pluie du répit

Évidemment, dans ce contexte, la pluie se révèle particulièrement « efficace pour les semis, souligne Régis Tétu, elle va permettre de régulariser les levées ». L’exploitant de Fontaines espère ainsi un mois de mai dans les normales de saison.
Par ailleurs, dans un contexte d’alerte et de vigilance sécheresse (voir par ailleurs), « cela permet de ranger les enrouleurs et de faire une pause dans l’irrigation ».
Ainsi les semis qui restent à faire, dont les sojas, « vont se dérouler dans de bonnes conditions ».
Idem pour la repousse de l’herbe et du ray gras, la deuxième coupe s’annonce correcte, encouragée par une alternance de pluie et de bonnes températures.

Tout le département au moins en vigilance

Tout le département au moins en vigilance

Le premier comité sécheresse de l’année s’est tenu le jeudi 30 avril au regard d’une « situation déjà très préoccupante ce printemps en Saône-et-Loire » d’après le communiqué de la préfecture.
« Le rechargement relativement satisfaisant des nappes » cet hiver a fortement été enrayé par le déficit pluviométrique depuis le début de l’année, conduisant à redouter une recharge hivernale « insuffisante pour couvrir la période estivale ». La préfecture estime par ailleurs que « la situation hydrologique de cette fin avril est similaire à un mois de juillet ».
Ainsi, les secteurs de l’Arconce et Sornin et de la Grosne ont été placés en Alerte, ce qui conduit à des restrictions d’eau (notamment les prélèvements d’eau entre 10 h et 18 h pour l’irrigation).
Le reste du département est placé en vigilance.
Une position de prévention et de sensibilisation qui vient en écho à des mesures similaires prise dans les départements voisins du Rhône, de la Loire et du Jura.
L’an passé, la situation d’urgence face à la sécheresse avait conduit à la tenue du comité sécheresse tous les 15 jours. Pour l’heure pas de nouvelle date n’a été fixée pour le prochain comité.

La veille, le 29 avril, le ministère de la Transition écologique alertait sur une pénurie d’eau « probable » à « très probable » d’ici la fin de l’été sur 17 départements. Parmi ceux-ci, une grande partie des départements de Bourgogne Franche-Comté, dont la Saône-et-Loire et d’Auvergne-Rhône-Alpes. Lors d’une réunion prévue le 14 mai prochain, le comité national de l’eau devrait présenter les mesures mises en œuvre pour gérer la situation.