Foresterie
Daniel Nesme, du cep au chêne

Ariane Tilve
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Ancien viticulteur dans le Rhône, où il a longtemps animé la présidence du Syndicat viticole de Quincié-Marchampt, Daniel Nesme s’est lancé dans la foresterie sur le tard, en Saône-et-Loire.

Au coeur de la parcelle de 7,5 hectares de Daniel Nesme, peuplée de chênes rouges vieux de 35 ans.
Au coeur de la parcelle de 7,5 hectares de Daniel Nesme, peuplée de chênes rouges vieux de 35 ans.

Dans les années 80, alors que tout le monde ne jure que par la vigne, le Beaujolais se retrouve avec une parcelle en loi Serot-Monichon* avec obligation de boiser à Marchampt. Sans aucune formation, Daniel Nesme va apprendre sur le tas et plante des merisiers « qui poussent bien, ce qui m’a donné envie de poursuivre », explique-t-il sobrement.

Un proche lui trouve alors une parcelle de 7,30 hectares en Saône-et-Loire, entre La Chapelle-Thècle et Montpont-en-Bresse. Sur cette parcelle, on trouve ses fameux chênes rouges, sa fierté, qui ont aujourd’hui 35 ans. C’est aussi simplement, comme si tout ce processus était extrêmement naturel, qu’il nous explique comment procéder : « Au début, on les plante serrés les uns contre les autres, pour que leurs branches ne poussent pas à l’horizontale mais soient entraînées à la verticale. Une fois qu’ils ont pris ce sens de pousse, il faut éclaircir pour qu’ils aient la place de s’épanouir ».

Éclaircir, c’est savoir choisir les arbres qui ont un joli fut, le tronc principal, qui s’élance vers le ciel et les garder. On abat les autres en respectant un espacement minimum. Un exercice de précision. Daniel Nesme a l’œil aguerri, il sait quels sont les spécimens les plus prometteurs. Ceux marqués d’une trace jaune doivent partir. Mieux vaut être sûr de son choix, ne pas se tromper sur un travail de si longue haleine.

Ceux qui restent sont choyés depuis le premier jour. « Les premières années, il faut passer tous les ans pour tailler les arbres dont le fut se divise en deux pour ne garder que le tronc principal, sans quoi il perd de sa force et se disperse à l’horizontale ». Toujours cette quête de la verticalité. Aux pieds des chênes rouges, peu de végétation. Sous leur épais feuillage, en pleine saison, il fait nuit noire même en plein jour.

Au détour de la parcelle, on trouve de jeunes merisiers de trois ans sur un hectare. Un douloureux souvenir. « Ici, j’avais planté des frênes, mais ils sont tous morts au bout de 30 ans ». 30 années de labeur évaporées. En cause, la chalarose causée par le champignon Chalara fraxinea, qui sévit en France depuis près de 15 ans. Le champignon nécrose le collet, la sève ne parvient plus à nourrir les racines et l’arbre sèche.

Pour le plaisir de les voir pousser

Heureusement, tout autour, les chênes rouges américains s’élèvent avec fierté. Essence à croissance rapide, ils prennent environ 1 m par an les dix premières années, dans des conditions idéales. Chez Daniel Nesme, ces spécimens de 35 ans prennent 3 à 4 centimètres par an. Il résiste mieux que les chênes européens aux grands froids et aux gelées tardives et supporte assez bien la pollution atmosphérique et la sécheresse. On exploite le chêne rouge vers 60 ans pour éviter les risques de pourriture du cœur et les dépérissements qui apparaissent fréquemment vers 80 ans.

Ce n’est donc pas pour son exploitation que Daniel Nesme s’est lancée dans l’aventure. Lorsque lui demande pourquoi, il répond simplement « pour les voir pousser », le regard fasciné par ces géants dont le plus grand, celui qu’il appelle le ″président″ mesure 165 cm de diamètre. Une forêt qui se muera en bois d’œuvre pour faire des parquets, des charpentes, des escaliers, de la menuiserie de qualité. La passion de l’ancien viticulteur est telle qu’il a investi dans une seconde parcelle de 2,5 hectares avec des arbres qui ont 21 ans, non loin de là. Dans cette petite parcelle les chênes rouges n’ont ʺqueʺ 21 ans.

*Réduction des ¾ des droits de mutation perçus par l’État lors des successions (à titre gratuit) et des donations des bois et forêts ainsi que lors des cessions gratuites de parts des groupements forestiers (article 793 du Code Général des Impôts).