Abattoirs
Le ministre annonce sa « stratégie abattoirs », sans préciser les moyens

Marc Fesneau a lancé les travaux de sa « stratégie abattoirs », qui vise à adapter le maillage territorial au nouveau contexte de décapitalisation et de flambée des prix de l’énergie. Les plus en difficulté se trouvent parmi les quelque 80 abattoirs publics.

Le ministre annonce sa « stratégie abattoirs », sans préciser les moyens

Dans un contexte de décapitalisation dans les filières bovine et porcine, Marc Fesneau a lancé les travaux autour d’un « plan d’action global pour consolider le maillage en abattoirs de boucherie », annonce un communiqué le 7 juillet. À travers cette « stratégie abattoirs », le ministre veut « réagir en anticipation pour préserver le maillage pertinent au niveau de chaque territoire ». La Rue de Varenne ne précise ni le calendrier ni le budget alloué à cette démarche, qui est « pensée pour réunir les moyens et les compétences de l’État, des collectivités territoriales et des filières d’élevage ». Une prudence sur les moyens qui tranche avec l’ampleur du précédent plan d’aides consacré à la modernisation des abattoirs, inclus dans le Plan de relance post-Covid lancé fin 2020. Quelque 180 projets avaient été soutenus pour un total de 112 M€ de subventions, autour de trois axes : amélioration du bien-être animal et du respect de l’environnement, compétitivité, formation.

Concernant la méthode de la nouvelle « stratégie abattoirs », quatre axes sont prévus : « interroger dans chaque région l’adéquation entre le besoin et l’offre en matière d’outils d’abattage » ; élaborer une « méthodologie harmonisée permettant d’évaluer les forces et les faiblesses d’un abattoir de boucherie » ; recenser « dans un document unique » les outils « mobilisables par les différents acteurs pour accompagner les établissements en difficulté » ; et enfin « améliorer la synergie existante entre les différents services de l’État ».

Environ 40 abattoirs en difficulté

Baisse des volumes, flambée des prix de l’énergie : « Cette conjoncture est susceptible de menacer la pérennité des abattoirs de boucherie les plus fragiles », prévient le ministère. Sur les 233 abattoirs de boucherie français (hors volailles), 40 sont en « difficultés économiques » selon nos confrères des Marchés. Autre estimation, émanant de Philippe Pruvost : « Une vingtaine de petits abattoirs […] pourraient cesser leur activité d’ici la fin de l’année », lançait cet administrateur de Culture Viande (abatteurs privés) lors de l’assemblée générale d’Elvéa le 29 juin.

Les outils les plus en danger se trouveraient parmi les quelque 80 abattoirs publics, souvent de dimension modeste et portés par des collectivités. « Certains ont trouvé leur modèle économique, avec des marchés locaux et des circuits courts, mais ceux qui ne l’ont pas trouvé sont en vraie difficulté aujourd’hui », constate Bruno Colin, président de la section bovine de la Coopération agricole. Et cet éleveur de Meurthe-et-Moselle de décrire une « pression politique » pour maintenir ces abattoirs ouverts. Ce qui peut expliquer « des charges pour les contribuables locaux rarement justifiées », comme le pointait la Cour des comptes dans un rapport de février 2020.

« Il y aura des outils à fermer »

En choisissant le prisme territorial, la « stratégie abattoirs » de Marc Fesneau semble viser en priorité les outils publics. Mais les usines privées ne sont pas épargnées par les difficultés. Leur taille généralement plus conséquente ne les protège pas des soubresauts de la conjoncture : un prix de l’énergie qui a triplé ou quadruplé pour certains, et des abattages en chute en porcs (-5 % en 2022) et bovins (-4,6 %). « Quand un abattoir n’est plus à saturation, le modèle économique est vite fragilisé, note Bruno Colin. Toute la difficulté est de cerner les abattoirs qui ont un avenir pour y investir ».

Un point de vue partagé par le directeur de Culture Viande (abatteurs privés). « Il y a tout intérêt à avoir des outils de taille importante qui permettent d’écraser les charges », plaide-t-il. Et de trancher : « Il n’y a pas de place pour le bricolage autour des abattoirs ». « Refaire des abattoirs ne va pas dans le sens de l’histoire, il faut surtout restructurer le parc existant », estime le responsable de Culture Viande. Quant à Dominique Guineheux, de Bigard, il reconnaît sans ambages que « les industriels subiront les conséquences de la baisse de production : il y aura des outils à fermer ».

Entre la ferme et l’abattoir, un temps de trajet qui peut aller du simple au double

Entre la ferme et l’abattoir, un temps de trajet qui peut aller du simple au double

Moins de 1 h 30 en Bretagne, presque 3 heures dans Hauts-de-France : selon les régions, le temps de trajet des bovins entre leur élevage et l’abattoir peut varier du simple au double, selon une récente étude d’Agreste. Un travail précieux alors que Bruxelles prépare une révision de la réglementation sur le bien-être, dont le transport. En toute logique, ce sont les bassins d’élevage du grand Ouest (Bretagne, Normandie, Pays de la Loire) et du Massif central (Auvergne-Rhône-Alpes, Occitanie), qui affichent les durées les plus courtes, car mieux pourvus en abattoirs. Dans l’Hexagone, un bovin sur deux est « abattu à moins de 1 h 30 de son exploitation », résume Agreste. Avec une particularité pour les veaux laitiers : avec un animal sur deux abattu dans un établissement spécialisé, ils roulent en moyenne 15 minutes de plus.

Au niveau national, les 4,2 millions de bovins abattus en 2022 ont mis en moyenne 1 h 59 pour rejoindre l’abattoir. Une durée qui s’est allongée de 14 minutes depuis 2005, « du fait de la diminution du nombre d’abattoirs ». L’année dernière, la France comptait 181 abattoirs de bovins, soit 80 de moins qu’en 2005. Des outils qui ferment avant tout dans les zones peu denses en animaux, quand les grands bassins d’élevage montrent une relative résistance.