AGENCE DE L’EAU
Des projets agricoles expériment'eaux

Eau et agriculture sont indissociables, mais les deux se confrontent aujourd’hui de plein fouet au changement climatique. L’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse (RMC), organisatrice d’une journée d’échanges qui a eu lieu le 9 mars à Mâcon (Saône-et-Loire), œuvre à l’échelle du bassin pour garantir l’avenir de l’agriculture.

Des projets agricoles expériment'eaux
Laurent Roy, directeur général de l'agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse. ©EA71

Si le Nord du bassin Rhône Méditerranée Corse est historiquement moins impacté par les problèmes de volumes d’eau que le Sud, les actions menées par l’Agence restent identiques. « La qualité, la quantité et le bon état écologique », a précisé Laurent Roy, directeur général de l’agence de l’eau RMC. En matière d’adaptation au changement climatique, les projets expérimentaux ne manquent pas, mais leur adaptabilité et leur reproductibilité sur d’autres territoires restent des éléments cruciaux. Ces projets montrent, néanmoins, que des améliorations et une conciliation des enjeux eau et agriculture sont possibles.

Des pratiques agroécologiques partagées en ligne

Annabelle Richard, chargée de mission agroécologie chez Solagro, a présenté la plateforme « Osaé osez l’agroécologie ». Cette plateforme, cofinancée par les agences de l’eau, est en accès libre et recense divers témoignages d’agriculteurs et agricultrices ayant initié des pratiques agroécologiques. Ces pratiques résilientes (agriculture de conservation, agroforesterie…) sont mises en lumière via des vidéos très détaillées, réalisées par un professionnel. « L’objectif n’est pas de dire ce qu’il faut faire ou ne pas faire, explique Annabelle Richard, mais d’illustrer ce qui fonctionne agronomiquement sur certains systèmes ». Un suivi des fermes est effectué tous les deux ans, permettant ainsi de mettre à jour les synthèses techniques.

Des techniques alternatives biologiques

Autre plateforme, bien matérielle cette fois-ci : celle des techniques alternatives et biologiques (TAB), située sur la ferme expérimentale d’Étoile-sur-Rhône (Drôme). Créée en 2011, elle est portée par la chambre d’agriculture de la Drôme et fait appel à plusieurs partenaires techniques (Arvalis, Inrae, Agroof…). Sur les vingt hectares cultivés en bio, des essais système sont menés. Divers itinéraires techniques sont testés comme la sélection variétale ou la diminution des intrants. Ces données sont ensuite recensées et, en permanence, comparées à la littérature scientifique existante. Clément Bardon, coordinateur de la plateforme, a présenté une partie des projets expérimentaux en cours. Le premier volet expérimental concerne l’impact des espaces semi-naturels dans la régulation des dynamiques auxiliaires-ravageurs. Au sein d’un système en grandes cultures et pêchers agroforestiers mis en place en 2011, la biodiversité a été maximisée (intégration de bandes enherbées, refuges à oiseaux et reptiles…). Aucune perte de rendement à l’hectare n’a été constatée. Concernant la présence de bioagresseurs, « aucune tendance stricte n’a été observée », a rapporté Clément Bardon. En résumé, les espaces semi-naturels ne sont ni un puits à ravageurs, ni un répulsif, même si les dynamiques des populations sont modifiées par rapport aux parcelles témoins. À l’inverse, certaines références bibliographiques démontrent une tendance significative. Laurence Henriot, agricultrice et présidente de Bio Bourgogne, a ajouté que, « la diversification végétale via des rotations culturales longues reste le levier majeur de la régulation des bioagresseurs ». Annabelle Richard a souligné que « les nichoirs à chauves-souris permettent de lutter contre le carpocapse du pommier ». Pour Clément Bardon, la question essentielle reste « où place-t-on le curseur des aides pour intégrer cette biodiversité dans les exploitations ? » Le deuxième volet expérimental portant sur « l’impact de l’agroforesterie intra-parcellaire sur les économies d’eau » est davantage centré sur l’adaptation au changement climatique. Deux systèmes agroforestiers (pêchers, amandiers…) ont été implantés, en 2021, en grandes cultures et en vigne. Les résultats montrent une réduction du vent et un ombrage en partie bénéfique, mais la question du stress hydrique est encore en cours d’étude. « Rien de pire que de promouvoir une fausse bonne idée », a mis en garde Clément Bardon, au sujet de tout ce qui peut se dire sur les effets agronomiques de l’agroforesterie.

Des zones humides restaurées

« Avant, une zone humide était une contrainte, maintenant, c’est quasiment un atout », a constaté Michel Duvernois, conseiller départemental. Couvrant 21 communautés de communes, l’EPTB Saône-Doubs a la capacité d’acquérir du foncier, en lien direct avec la Safer. Grâce à la « Démarche conservatoire », un nouvel outil développé pour les vallées de la Saône et du Doubs, 290 ha ont déjà été acquis. L’objectif étant de remettre des prairies permanentes, avec une contractualisation dans le cadre des mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC). L’Agence de l’eau a, d’ores et déjà, débuté la rédaction de son douzième programme d’intervention (2025-2030). Il reste encore un mois pour répondre à l’appel à manifestation d’intérêt, visant à nourrir les réflexions de ce prochain programme.

Florence Bouville