Les organisations professionnelles agricoles, sous l’égide de la FNSEA, ont organisé, le 18 juin leur 3e journée sur le mal-être agricole, sous le thème « le collectif, levier de prévention du mal-être en agriculture ». Un nouveau plan devrait voir le jour dans lequel les responsables agricoles pourraient prendre la main sur ce sujet.
« Donnez-nous la main sur les comités départementaux », a plaidé le vice-président de la FNSEA, Luc Smessaert demandant que ces comités, aujourd’hui pilotés aux deux tiers par les directions départementales des territoires, au quart par la Mutualité sociale agricole et le reste par les chambres d’agriculture, soient pris en charge et « pilotés par les élus et non par des fonctionnaires ». Le coordinateur interministériel du plan de prévention du mal-être en agriculture, Olivier Damaisin, ne s’oppose pas à cette proposition y voyant le moyen de redonner de la dynamique. « Il faut impliquer les organisations professionnelles agricoles (OPA) pour mettre de l’humain. » Ces éléments ont été au cœur de la réunion interministérielle (RIM) qui s’est déroulée le 14 juin autour d’Olivier Damaisin. Les membres de cette RIM ont convenu de « mettre à jour la feuille de route » qui date de 2021.
Formation indispensable
Les chiffres 2023 sur le mal-être devraient être connus dans les prochaines semaines. Cependant, il existe « toujours un surrisque dans les professions agricoles en comparaison des autres catégories socioprofessionnelles, notamment lors de la transmission des exploitations », a indiqué Anne Gautier, vice-présidente de la Caisse centrale de la MSA. « On n’a pas réussi à endiguer le phénomène, notamment chez les plus de 65 ans où le surrisque est encore plus prononcé », a-t-elle concédé. Ce n’est pas faute, pour les OPA, d’avoir multiplié les formations du réseau Sentinelle (Ce sont en tout, près de 5 100 personnes qui ont été formées), d’avoir créé une aide au répit administratif (MSA), tant la charge de travail de bureau s’avère souvent épuisante ou encore d’avoir installé un dispositif « Mes Coups durs » qui s’adapte aux « aléas de la vie : décès, rupture, perte d’emploi, difficultés de trésorerie, mais aussi sinistres incendie/inondation, problème sanitaire… », a rappelé Bénédicte Bugeaud, chef de projet marketing au Crédit agricole. Chaque intervenant a insisté sur la formation indispensable pour bien repérer les signaux faibles et pouvoir transmettre aux « bonnes personnes » ; écoutants, psychologues mais aussi les banquiers, les techniciens… pour apporter des solutions concrètes.
Area : un « irritant »
Pierrick Horel, président des Jeunes agriculteurs a quant à lui réaffirmé le rôle primordial du service de remplacement qui devrait sans doute monter en puissance tant les jeunes générations d’agriculteurs font tout pout concilier vie professionnelle et vie personnelle et se réserver des congés en famille. « Le partage des tâches et l’embauche d’un salarié à temps partagé peut soulager la pression des chefs d’exploitations et participer à leur bien-être. Nous pouvons aussi les accompagner sur des tâches administratives à un coût accessible sur le marché », a soutenu Pierre-Yves Le Bozec, président de la Fédération nationale des groupements d’employeurs agricoles et ruraux (FNGEAR). « À condition d’avoir le revenu nécessaire », a tenu à préciser Catherine Faivre-Pierret, présidente de la Commission nationale des agricultrices.« C’est par le revenu qu’il faut commencer. Ça permet d’embaucher et de libérer du temps. Car bien trop souvent, les femmes sont contraintes de travailler à l’extérieur », a-t-elle souligné. Bien d’autres chantiers restent encore ouverts : la lutte contre l’isolement, contre le stress, lutter contre les non-dits et les malentendus surtout dans le cas des exploitations familiales (GAEC…) Mais l’écueil majeur est sans doute celui du budget de l’aide à la relance de l’exploitation agricole (Area). « Un irritant » pour le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau. Sur les sept millions d’euros consacrés par an à cette aide, seul un million d’euros est utilisé. Froissé par l’inaction des pouvoirs publics, Arnaud Rousseau demande à ce qu’ils tiennent leurs engagements. « Quand on s’engage, on le fait à fond ». Même son de cloche chez le président des chambres d’agriculture France, Sébastien Windsor : « Il y a un travail nécessaire car les critères d’accessibilité font que souvent la seule solution retenue est celle de la sortie de l’agriculture (…) Il faut que le fonds soit plus simple, plus rapide », a-t-il affirmé.
Christophe Soulard