Interview de Christiane Lambert première vice-présidente de la FNSEA
« A marché unique, règles uniques »
L’agriculture a une carte à jouer en France en termes d’emplois et
d’exportations. Encore faut-il ne pas la brider par des règles et des
normes plus sévères que celles de l’Union européenne.
d’exportations. Encore faut-il ne pas la brider par des règles et des
normes plus sévères que celles de l’Union européenne.
Le nouveau gouvernement a créé un ministère du Redressement productif. L’agriculture est-elle en mesure d’apporter sa contribution à la croissance ?
Christiane Lambert : Bien entendu, l’agriculture est l’une des solutions aux difficultés que rencontre notre pays. Qu’il s’agisse du rééquilibrage du commerce extérieur et de la lutte contre le chômage, l’agriculture, l’agrofourniture, l’agroalimentaire et les services, bref l’ensemble du secteur constitue un gisement de croissance qui ne demande qu’à s’exprimer si les conditions requises sont réunies.
Quelles sont les conditions à réunir pour replacer l’agriculture au cœur des préoccupations des politiques et restaurer sa compétitivité ?
CL : Les agriculteurs sont d’abord des chefs d’entreprise. Ils ont besoin de lisibilité et de confiance. Aussi, importe-t-il de créer un terreau favorable à l’esprit d’initiative. L’avance se perd, le retard ne se rattrape pas si on ne met pas les bouchées doubles, notamment vis-à-vis de l’Allemagne. Notre voisin outre-Rhin ne peut se permettre de continuer à faire du dumping social. Pour ce qui nous concerne, nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour aller dans le sens d’une harmonisation des règles en Europe, sur le plan social, sanitaire, environnemental et autres normes… J’ajoute le financement des entreprises : en France, nous avons l’art d’allonger et de complexifier les procédures. Nos maître-mots à la FNSEA, c’est harmonisation européenne, à marché unique, règles uniques.
Marchés mondiaux et marchés de proximité
On oppose souvent marchés mondiaux et marchés de proximité. La France est elle en mesure d’être présente sur les deux tableaux ?
CL : Trois fois oui. L’agriculture française est plurielle et diversifiée. Nous avons notre place sur les marchés internationaux pour les céréales, la viande bovine, les produits transformés (vins, produits laitiers…). Personne ne le conteste. Mais nous avons aussi une carte à jouer pour tous les types de marchés de proximité y compris la restauration collective. En outre, les consommations de proximité permettent de limiter l’empreinte carbone et de tisser des liens entre l’agriculteur producteur et le consommateur. Nous devons conjuguer ces deux débouchés, ce qui permet d’augmenter la richesse globale créée. D’ailleurs certaines entreprises l’ont bien compris, je pense à Maïsadour ou Terrena qui disposent à la fois de filières longues orientées vers la consommation de masse et l’exportation et de circuits courts pour les débouchés de proximité. Pour tout dire, les choses ne s’opposent pas, elles s’additionnent.
Qu’en est-il du dogmatisme des environnementalistes ? Avez-vous confiance dans le poids du ministère de l’Agriculture face au ministère de l’Ecologie ?
CL : Nous devons tourner le dos au dogmatisme environnemental. Le tout contrôles et contraintes réglementaires désespère les agriculteurs. Notre approche à nous est celle du progrès, de la progressivité et de l’innovation. Les agriculteurs ne sont pas hostiles à l’intégration de l’environnement dans leurs pratiques : ils s’y sont engagés depuis longtemps. Mais il faut que la démarche soit compatible avec l’économie des exploitations. Beaucoup de chambres d’Agriculture, de coopératives, d’instituts techniques nous accompagnent pour allier performance environnementale et performance économique. C’est la voie que nous avons choisie. D’ailleurs tous ont établi une série d’indicateurs dans ce sens à vulgariser auprès du plus grand nombre. Ce qui nous intéresse nous agriculteurs, ce n’est pas de subir mais d’être proactifs dans le choix de nouveaux itinéraires.
Pragmatisme
Au niveau du stockage de l’eau les promesses de Nicolas Sarkozy étaient d’assouplir les règles. Les textes ne sont pas sortis. Espérez-vous un geste du nouveau gouvernement ?
CL : Nicolas Sarkozy avait promis que les retenues d’eau inférieures à 350.000 m3 ne soient pas soumises à autorisation. Les projets d’arrêtés ont été mis en consultation mais ils n’ont pas été publiés. Or le changement climatique, les sécheresses plus fréquentes nous amènent à faire preuve de pragmatisme plutôt que de rester dans le dogmatisme ambiant. Nous devons gérer l’eau « en bon père de famille » : la stocker quand elle est abondante l’hiver, pour la restituer l’été quand les plantes en ont besoin, en gestion concertée par bassin.
Concernant la directive Nitrates, une proposition de révision des zones vulnérables est prévue fin juin. Qu’en est-il exactement ?
CL : Effectivement, il est prévu une extension des zones vulnérables visant notamment une continuité territoriale. Nous demandons que cette extension se fasse sur des critères scientifiques et objectifs. Il est hors de question d’étendre ces zones si la qualité de l’eau et notamment la teneur en nitrates ne l’imposent pas. Autrement dit nous ne voulons pas de classement politique qui ne servirait qu’à être bien notés à Bruxelles. En outre, nous plaidons pour une consultation locale : il est indispensable que les Fédérations départementales soit associées à l’élaboration des données qui sont transmises à Paris et à Bruxelles.
Approche scientifique
Dernièrement, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) a déclaré que le moratoire français sur le maïs OGM de Monsanto n’était pas fondé. Etes-vous d’accord avec l’Efsa ?
CL : Nous constatons que cette question qui préoccupe légitimement nos concitoyens fait l’objet de polémiques politiques plus que d’une approche rationnelle basée sur des faits scientifiques. D’ailleurs, l’Efsa a désavoué la France. Ceci étant, il n’y aura pas de croissance durable et de progrès sans innovation. Si le bénéfice des OGM de première génération peut être discuté, en revanche il faut y regarder à deux fois quand on parle pour demain de plantes résistantes à la sécheresse, moins gourmandes en eau, limitant les apports en intrants. Surtout dans un contexte où il faudra limiter l’apport de produits phytosanitaires. Mettre tous les OGM dans un même panier et dire non à tout ne nous paraît pas sérieux. Encore moins abandonner la recherche en France et en Europe et laisser faire les multinationales semencières dont nous dénonçons justement les positions dominantes ou laisser chaque Etat membre conduire sa propre politique.
Sur le verdissement de la Pac, on a vu que la Commission de Bruxelles était prête à concéder quelques assouplissements. Qu’en pensez-vous ?
CL : Bruxelles a manifesté une ouverture en ce sens avant que le Parlement européen ne fasse ses propositions. C’est dire que la Commission a été sensible aux protestations des Etats. D’accord pour le verdissement qui permet de légitimer les aides. Mais l’affectation de 30 % de l’enveloppe est trop élevée et les trois critères sont à assouplir. D’ailleurs, la Commission est prête à reconnaître les schémas qui ont pu être mis en place dans certains Etats, dès lors qu’ils s’inscrivent dans une démarche globale.
Un Comité de suivi du Grenelle vient de se réunir. Etes-vous favorable à un « Grenelle bis ». Si oui sous quelle forme ?
CL : François Hollande a annoncé pendant sa campagne une conférence sur l’environnement. Si le dialogue est toujours intéressant, force est de constater qu’il a du mal à fonctionner dans les régions où les agriculteurs sont souvent marginalisés dans les multiples instances qui mettent en œuvre les décisions du Grenelle. Attention de ne pas être dans la surenchère, à ne pas en rajouter pour que le dialogue reste équilibré. Nous serons également vigilants sur la plate-forme signée entre les Verts et le PS dont certaines dispositions nous inquiètent. Je le répète ce que nous recherchons avant tout c’est de pouvoir combiner la performance économique et la performance environnementale ; c’est de pouvoir produire pour satisfaire toutes les demandes alimentaires tout en protégeant nos ressources naturelles en en tirant un juste revenu de notre métier.
Christiane Lambert : Bien entendu, l’agriculture est l’une des solutions aux difficultés que rencontre notre pays. Qu’il s’agisse du rééquilibrage du commerce extérieur et de la lutte contre le chômage, l’agriculture, l’agrofourniture, l’agroalimentaire et les services, bref l’ensemble du secteur constitue un gisement de croissance qui ne demande qu’à s’exprimer si les conditions requises sont réunies.
Quelles sont les conditions à réunir pour replacer l’agriculture au cœur des préoccupations des politiques et restaurer sa compétitivité ?
CL : Les agriculteurs sont d’abord des chefs d’entreprise. Ils ont besoin de lisibilité et de confiance. Aussi, importe-t-il de créer un terreau favorable à l’esprit d’initiative. L’avance se perd, le retard ne se rattrape pas si on ne met pas les bouchées doubles, notamment vis-à-vis de l’Allemagne. Notre voisin outre-Rhin ne peut se permettre de continuer à faire du dumping social. Pour ce qui nous concerne, nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour aller dans le sens d’une harmonisation des règles en Europe, sur le plan social, sanitaire, environnemental et autres normes… J’ajoute le financement des entreprises : en France, nous avons l’art d’allonger et de complexifier les procédures. Nos maître-mots à la FNSEA, c’est harmonisation européenne, à marché unique, règles uniques.
Marchés mondiaux et marchés de proximité
On oppose souvent marchés mondiaux et marchés de proximité. La France est elle en mesure d’être présente sur les deux tableaux ?
CL : Trois fois oui. L’agriculture française est plurielle et diversifiée. Nous avons notre place sur les marchés internationaux pour les céréales, la viande bovine, les produits transformés (vins, produits laitiers…). Personne ne le conteste. Mais nous avons aussi une carte à jouer pour tous les types de marchés de proximité y compris la restauration collective. En outre, les consommations de proximité permettent de limiter l’empreinte carbone et de tisser des liens entre l’agriculteur producteur et le consommateur. Nous devons conjuguer ces deux débouchés, ce qui permet d’augmenter la richesse globale créée. D’ailleurs certaines entreprises l’ont bien compris, je pense à Maïsadour ou Terrena qui disposent à la fois de filières longues orientées vers la consommation de masse et l’exportation et de circuits courts pour les débouchés de proximité. Pour tout dire, les choses ne s’opposent pas, elles s’additionnent.
Qu’en est-il du dogmatisme des environnementalistes ? Avez-vous confiance dans le poids du ministère de l’Agriculture face au ministère de l’Ecologie ?
CL : Nous devons tourner le dos au dogmatisme environnemental. Le tout contrôles et contraintes réglementaires désespère les agriculteurs. Notre approche à nous est celle du progrès, de la progressivité et de l’innovation. Les agriculteurs ne sont pas hostiles à l’intégration de l’environnement dans leurs pratiques : ils s’y sont engagés depuis longtemps. Mais il faut que la démarche soit compatible avec l’économie des exploitations. Beaucoup de chambres d’Agriculture, de coopératives, d’instituts techniques nous accompagnent pour allier performance environnementale et performance économique. C’est la voie que nous avons choisie. D’ailleurs tous ont établi une série d’indicateurs dans ce sens à vulgariser auprès du plus grand nombre. Ce qui nous intéresse nous agriculteurs, ce n’est pas de subir mais d’être proactifs dans le choix de nouveaux itinéraires.
Pragmatisme
Au niveau du stockage de l’eau les promesses de Nicolas Sarkozy étaient d’assouplir les règles. Les textes ne sont pas sortis. Espérez-vous un geste du nouveau gouvernement ?
CL : Nicolas Sarkozy avait promis que les retenues d’eau inférieures à 350.000 m3 ne soient pas soumises à autorisation. Les projets d’arrêtés ont été mis en consultation mais ils n’ont pas été publiés. Or le changement climatique, les sécheresses plus fréquentes nous amènent à faire preuve de pragmatisme plutôt que de rester dans le dogmatisme ambiant. Nous devons gérer l’eau « en bon père de famille » : la stocker quand elle est abondante l’hiver, pour la restituer l’été quand les plantes en ont besoin, en gestion concertée par bassin.
Concernant la directive Nitrates, une proposition de révision des zones vulnérables est prévue fin juin. Qu’en est-il exactement ?
CL : Effectivement, il est prévu une extension des zones vulnérables visant notamment une continuité territoriale. Nous demandons que cette extension se fasse sur des critères scientifiques et objectifs. Il est hors de question d’étendre ces zones si la qualité de l’eau et notamment la teneur en nitrates ne l’imposent pas. Autrement dit nous ne voulons pas de classement politique qui ne servirait qu’à être bien notés à Bruxelles. En outre, nous plaidons pour une consultation locale : il est indispensable que les Fédérations départementales soit associées à l’élaboration des données qui sont transmises à Paris et à Bruxelles.
Approche scientifique
Dernièrement, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) a déclaré que le moratoire français sur le maïs OGM de Monsanto n’était pas fondé. Etes-vous d’accord avec l’Efsa ?
CL : Nous constatons que cette question qui préoccupe légitimement nos concitoyens fait l’objet de polémiques politiques plus que d’une approche rationnelle basée sur des faits scientifiques. D’ailleurs, l’Efsa a désavoué la France. Ceci étant, il n’y aura pas de croissance durable et de progrès sans innovation. Si le bénéfice des OGM de première génération peut être discuté, en revanche il faut y regarder à deux fois quand on parle pour demain de plantes résistantes à la sécheresse, moins gourmandes en eau, limitant les apports en intrants. Surtout dans un contexte où il faudra limiter l’apport de produits phytosanitaires. Mettre tous les OGM dans un même panier et dire non à tout ne nous paraît pas sérieux. Encore moins abandonner la recherche en France et en Europe et laisser faire les multinationales semencières dont nous dénonçons justement les positions dominantes ou laisser chaque Etat membre conduire sa propre politique.
Sur le verdissement de la Pac, on a vu que la Commission de Bruxelles était prête à concéder quelques assouplissements. Qu’en pensez-vous ?
CL : Bruxelles a manifesté une ouverture en ce sens avant que le Parlement européen ne fasse ses propositions. C’est dire que la Commission a été sensible aux protestations des Etats. D’accord pour le verdissement qui permet de légitimer les aides. Mais l’affectation de 30 % de l’enveloppe est trop élevée et les trois critères sont à assouplir. D’ailleurs, la Commission est prête à reconnaître les schémas qui ont pu être mis en place dans certains Etats, dès lors qu’ils s’inscrivent dans une démarche globale.
Un Comité de suivi du Grenelle vient de se réunir. Etes-vous favorable à un « Grenelle bis ». Si oui sous quelle forme ?
CL : François Hollande a annoncé pendant sa campagne une conférence sur l’environnement. Si le dialogue est toujours intéressant, force est de constater qu’il a du mal à fonctionner dans les régions où les agriculteurs sont souvent marginalisés dans les multiples instances qui mettent en œuvre les décisions du Grenelle. Attention de ne pas être dans la surenchère, à ne pas en rajouter pour que le dialogue reste équilibré. Nous serons également vigilants sur la plate-forme signée entre les Verts et le PS dont certaines dispositions nous inquiètent. Je le répète ce que nous recherchons avant tout c’est de pouvoir combiner la performance économique et la performance environnementale ; c’est de pouvoir produire pour satisfaire toutes les demandes alimentaires tout en protégeant nos ressources naturelles en en tirant un juste revenu de notre métier.