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Rétroactivité d’une loi de finances

Atteinte au droit au respect des biens

En matière fiscale, la tentation est forte pour le législateur de faire
rétroagir une loi, pour en optimiser l’impact. Cette rétroactivité
présente certains risques pour le contribuable, qui se voit appliquer
une règle nouvelle, au mépris du principe de stabilité du droit.
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Le Conseil constitutionnel, conscient de la nécessité d’assurer une certaine stabilité de la loi fiscale pour les contribuables, a encadré la possibilité d’application rétroactive de la loi, par des conditions de plus en plus rigoureuses, appréciant notamment de manière restrictive l’existence d’un intérêt général justifiant la rétroactivité.

Le Conseil d’Etat a jugé récemment, dans un arrêt du 9 mai 2012, que la suppression rétroactive d’un crédit d’impôt était disproportionnée, faute de motifs d’intérêt général susceptibles de la justifier et portait atteinte au droit au respect des biens, institué par l’article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales

Dans l’affaire jugée, plusieurs faits ont été retenus pour remettre en cause la rétroactivité de la loi :
- Les entreprises n’avaient pas été avisées à temps de la suppression du dispositif pour pouvoir s’adapter correctement à cette suppression,
- A la date à laquelle la société a engagé les dépenses ouvrant droit au crédit d’impôt, cette dernière pouvait légitimement espérer l’obtenir,
- Le crédit d’impôt avait été préalablement institué sur une période de trois années, contrairement à d’autres dispositifs adoptés sans limitation de durée,
- La société pouvait utilement invoquer une espérance légitime devant être regardée comme un bien au sens des stipulations de l’article 1er du premier protocole précité,
- L’administration fiscale n’a pas pu démontrer l’existence d’un motif d’intérêt général susceptible de justifier la rétroactivité.

Il ne suffit donc pas, pour que l’application rétroactive d’une loi de finances soit considérée comme portant atteinte au droit au respect des biens, d’invoquer le seul préjudice subi par le contribuable, qui espérait légitimement l’application d’un dispositif fiscal plus favorable.